"C'est la technique du silence": l'omerta de la famille de Joël Le Scouarnec questionnée à son procès

Plongée au cœur de l'horreur familiale. Au deuxième jour du procès de Joël Le Scouarnec, cet ex-chirurgien suspecté de violences sexuelles sur 299 patients et déjà condamné par le passé pour des faits similaires, la cour s'est intéressé à l'omerta qui régnait dans cette famille, hantée par les non-dits, les silences et les actes d'un grand-père incestueux.
À la barre, deux des enfants du prévenu ont témoigné et assuré qu'ils n'avait en aucun cas conscience des agissements de leur père. "Je ne sais même pas comment il est resté invisible à ce point", a lancé l'un d'entre eux âgé de 42 ans, au cours d'un long interrogatoire destiné à éclairer la personnalité de son père, qu'il compare à "Docteur Jekyll et Mister Hyde."
"On a peur de savoir"
"Il y a une personnalité que je ne connais pas de mon père. Je ne peux pas le haïr, car je n'ai rien à lui reprocher en tant que père. Mais je ne peux pas pardonner ce qu'il a fait", a-t-il ajouté.
Et le second fils, âgé de 37 ans, d'ajouter: "Mon témoignage sera assez bref, j'étais assez petit, adolescent à l'époque, j'ai découvert les faits quand il a été interpellé en 2017", déclare à la barre l'homme de 37 ans.
Des prises de parole qui n'ont que très peu convaincues Solène Podevin Favre, présidente de l’association Face à l’inceste.
"Ce qui est assez marquant, c'est le fait de ne pas se poser de questions. On ne pose pas de question parce qu'on a peur de savoir, on a peur d’apprendre. Encore une fois, c'est la technique du silence et de l’omerta, ce n’est pas forcément conscient", dit-elle à BFMTV.
Famille hantée
Interrogé par la présidente sur les "non-dits" au sein de sa famille, notamment sur la condamnation de son père à de la prison avec sursis en 2005 pour détention d'images pédopornographiques, le benjamin lâche à la barre: "Ça rend un peu paranoïaque. Mon fils, je ne le laisse jamais tout à fait seul."
"Je voudrais rappeler qu'il faut séparer l'homme qui est jugé du père qui a fait (en sorte) que je ne manque de rien", dit-il, regardant son père pour la première fois, voix nouée.
"Je ne sais pas d'où vient cette perversion, je ne la comprends même pas", reprend le quadragénaire, qui a raconté au tribunal comment il avait été lui-même victime de viols et d'agressions sexuelles par le père de Joël Le Scouarnec lorsqu'il avait entre 5 et 10 ans.
"J'ai les images en tête, je les aurai toute ma vie", assure-t-il. Il estime être le seul fils victime de ce grand-père paternel.
Joël Le Scouarnec a-t-il également été victime d'inceste de la part de son père? "Je pense que oui mais il m'a toujours dit que non", répond-il. "Ces gens-là sont des gens bien. Joël Le Scouarnec a toujours dit que ses enfants n’étaient évidemment pour rien dans la dévastation qu’il a causé. Il dit qu’il est le seul responsable", dit, à BFMTV Me Maxime Tessier, avocat de l'ex-chirurgien.
L'ex-épouse très attendue
Mercredi, les non-dits familiaux devraient de nouveau être évoqués avec l'appel à la barre de l'ex-épouse de Joël Le Scouarnec, dont le témoignage est très attendu par les victimes.
Celle-ci affirme ne jamais avoir eu le moindre soupçon sur les penchants pédophiles de son mari, malgré des écrits de ce dernier laissant penser le contraire, une première condamnation du chirurgien pour détention d'images pédopornographiques en 2005, déjà à Vannes, et une lettre manuscrite datant de 2010, versée au dossier.
Arrivée mardi au tribunal de Vannes le visage dissimulé par une ample capuche noire et un masque chirurgical bleu, elle sera finalement auditionnée mercredi en deuxième partie d'audience, qui débute à 13h. Avant elle, d'autres proches de l'ex-chirurgien témoigneront.
De nombreuses victimes, pour la plupart mineures lors des actes perpétrés entre 1989 et 2014 dans plusieurs hôpitaux de l'ouest de la France, attendent avec impatience sa prise de parole, espérant des "réponses" sur l'étendue de sa connaissance des faits.