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Police-Justice

Assassinats, règlements de compte... Comment le trafic de stupéfiants galvanise la criminalité en France

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Le service d’analyse de la police nationale dresse une radioscopie alarmante de la criminalité en France, qui reste majoritairement du fait des trafiquants de drogue. 

"Une frange de la criminalité organisée cherche délibérément à instaurer un rapport de force avec l'État". Voici l’un des constats que fait le Sirasco, le service de police chargé d’analyser les informations collectées par le renseignement.

Selon nos informations, confirmant celles du Parisien, ces policiers ont publié une note de quatre pages la semaine dernière, dans laquelle ils s’inquiètent, chiffres à l’appui, de la métamorphose de la criminalité sur le territoire français qui gagne en intensité à cause des trafics de stupéfiants.

Une dissémination sur tout le territoire

D’abord, ces analystes notent qu’aujourd’hui, les violences criminelles sont principalement du fait des réseaux de trafic de stupéfiants, et se sont disséminées de façon insidieuse à l’ensemble du territoire: 173 villes touchées par des règlements de comptes en 2024, contre 144 en 2021. "Les cibles sont souvent des individus ou des lieux liés au trafic de stupéfiants", écrivent-ils. 

Ainsi, les assassinats et tentatives d'assassinat entre délinquants sont en hausse depuis 2021 (+33 % entre 2021 et 2024), avec un pic en 2023 "du fait de la succession exceptionnelle d'affrontements mortels" entre les clans DZ Mafia et Yoda à Marseille. Une guerre de clans qui s’est apaisée en 2024, mais "qui ne doit pas masquer une tendance qui reste nettement à la hausse, y compris dans les petites et moyennes villes autrefois épargnées par ces tensions".

Story 1 : Narcotrafic, le chef du clan Yoda en France – 22/01
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"Aujourd'hui, le 'savoir-faire' marseillais s'exporte sur tout le territoire tandis que des équipes professionnelles originaires d'Île-de-France agissent à Toulouse, Rennes, Amiens, Lyon, Nice, mais aussi à Marseille", détaillent les analystes.

Les délinquants n’étant pas les seules victimes de ces règlements de compte: "leurs familles, les commerces refusant de collaborer, ou encore les employés de sites stratégiques comme les dockers" peuvent également être ciblés. Avec un développement des enlèvements comme démonstration de force: en 2023, 65% d'entre eux étaient liés au trafic de drogues.

Une main d'œuvre criminelle très jeune et déterminée

Une métamorphose qui se traduit également par le rajeunissement des auteurs, peu chevronnés, et n’appartenant pas forcément aux groupes criminels donneurs d’ordre.

"La multiplication des conflits entre trafiquants locaux fait apparaître de nouveaux profils d'équipes composées de jeunes plus faiblement rétribuées, facilement remplaçables et mobiles, recrutées directement parmi la main d'œuvre habituelle du point de deal ou via des annonces sur les réseaux sociaux dans la France entière". 

Ainsi, en 2023, 23% des enquêtes élucidées impliquent des jeunes tueurs âgés de moins de 20 ans, pour beaucoup originaires des régions Sud et Sud-Est. 

Et les policiers de citer l’exemple d’une affaire récente dans le Gard, lors de laquelle un mineur marseillais avait expliqué en garde à vue avoir été recruté sur Telegram pour participer à une opération d’assassinat du chef d’un point de deal à Nîmes. Lui devait toucher selon ses dires 2000 euros pour filmer et diffuser l’exécution, tandis que deux tireurs devaient toucher 15 à 20.000 euros. 

Enfin, ces analystes policiers s’inquiètent du risque de pressions pouvant exister contre les institutions et leurs représentants. Un an après le cap franchi le 14 mai 2024 lors de l’assassinat de sang-froid de deux agents pénitentiaires lors de l'évasion de Mohamed Amra, "la succession récente d'incendies criminels, de menaces et de tirs” sur des domiciles d’agents pénitentiaires “représente une nouvelle étape significative".

Alexandra Gonzalez