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Police-Justice

Affaire Traoré: le médecin légiste qui a autopsié George Floyd met en cause les gendarmes

Portrait d'Adama Traoré brandi lors d'une manifestation le 21 juillet 2018 à Beaumont-sur-Oise, deux ans après sa mort

Portrait d'Adama Traoré brandi lors d'une manifestation le 21 juillet 2018 à Beaumont-sur-Oise, deux ans après sa mort - FRANCOIS GUILLOT © 2019 AFP

Michael Baden, médecin légiste américain réputé, a été consulté par la famille d'Adama Traoré pour examiner le dossier. Il vient de rendre son rapport médical qui met en cause les gendarmes.

Un hasard du calendrier. À partir de ce lundi, le policier blanc impliqué dans la mort de George Floyd, un Afro-américain mort le 25 mai 2020 lors d'une interpellation, va comparaître devant un tribunal. Un procès rendu possible par les conclusions établies par le médecin légiste Michael Baden, l'un des plus réputés des Etats-Unis.

C'est sur l'expertise de Michael Baden que la famille d'Adama Traoré, mort lors de son interpellation dans le Val-d'Oise par des gendarmes le 19 juillet 2016, veut s'appuyer pour démontrer la responsabilité des militaires dans le décès du jeune homme. Contacté par l'avocat de la famille d'Adama Traoré, le médecin légiste américain vient de rendre son rapport médical, a appris BFMTV, confirmant les informations de France Info.

La mort causée par "une asphyxie"

Le docteur Michael Baden a été sollicité en juillet dernier par la famille d'Adama Traoré pour réaliser une expertise médicale. Le médecin légiste a rendu son avis en janvier dernier. Ce rapport de neuf pages, traduit par un expert assermenté, a été adressé aux juges d'instruction en charge du dossier sur la mort du jeune homme de 24 ans.

Le médecin légiste américain conclut que la mort d'Adama Traoré n'a pas été causée par une condition médicale antérieure ou une pathologie cardiaque, comme cela avait été évoqué dans différentes expertises médicales demandées par les juges français. Selon le docteur Michael Baden, Adama Traoré est décédé d'une asphyxie positionnelle pendant sa restriction par les gendarmes, qui a entraîné un arrêt respiratoire. 

Bataille d'expertises

La thèse d'une responsabilité des gendarmes dans la mort du jeune homme est défendue par la famille d'Adama Traoré depuis le début de l'affaire. Le dossier, désormais aux mains de trois nouveaux juges d'instruction, repose désormais sur une bataille d'expertises et de rapports médicaux. La première autopsie réalisée sur Adama Traoré révélait une asphyxie sans en préciser la cause et des lésions infectieuses.

Depuis le dépaysement de l'enquête à Paris, expertises et contre-expertises s'opposent. En 2016, un examen des organes avance l'hypothèse d'une cardiomyopathie, quand en 2017, les experts concluent que la mort est consécutive à un état asphyxique aigu lié à une décompensation causée par des pathologies antérieures comme une hypertrophie cardiaque et une maladie inflammatoire. Toutefois, la question de la responsabilité des gendarmes n'est pas tranchée.

Deux thèses qui s'opposent

Cette responsabilité est écartée en 2018 par des experts qui estiment que le pronostic vital d'Adama Traoré était "irréversible" en raison d'une maladie génétique, la drépanocytose , associée à une pathologie rare, qui ont causé une asphyxie en raison de l'effort et du stress liés à l'interpellation. Un an plus tard, une contre-expertise privée - réalisée à la demande de la famille - balaie ces "spéculations théoriques" et appelle à se poser la question de l'asphyxie mécanique ou fonctionnelle, autrement dit la responsabilité des gendarmes.

Cette expertise est invalidée par les juges. Face aux deux thèses qui s'opposent pour expliquer la mort d'Adama Traoré, à savoir la pathologie antérieure et le plaquage ventral réalisé par les gendarmes, la justice française s'est tournée vers des experts belges.

En février, ces derniers ont conclu que ce décès avait été causé par un "coup de chaleur" accentué par la canicule et la course du jeune homme pour échapper aux gendarmes. Toutefois, les experts relèvent que "l'issue fatale" n'aurait certainement pas eu lieu sans "facteurs aggravants", la contrainte physique des militaires et, dans une moindre mesure, des antécédents médicaux.

Justine Chevalier avec Alexandra Gonzalez