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Police-Justice

Affaire Dupont de Ligonnès: polices française et écossaise se renvoient la responsabilité

L'homme suspecté d'être Xavier Dupont de Ligonnès a été placé en rétention à Glasgow.

L'homme suspecté d'être Xavier Dupont de Ligonnès a été placé en rétention à Glasgow. - BFMTV

Comment un homme inconnu des services de police a pu être pris pour Xavier Dupont de Ligonnès, soupçonné d'avoir tué sa famille en 2011 à Nantes? Depuis samedi, les polices écossaise et française se renvoient la balle.

Comment un homme, habitant de Limay dans les Yvelines, a-t-il pu être interpellé à Glasgow, placé en rétention et être pris pour Xavier Dupont de Ligonnès, soupçonné d'avoir tué sa femme et ses quatre enfants en 2011 à Nantes? C'est la question qui fâche depuis samedi et qui créée des tensions entre les autorités françaises et écossaises. Les polices des deux pays se renvoient la responsabilité de cette erreur.

Vendredi dans la journée, un renseignement des autorités écossaises parvient aux autorités françaises: Xavier Dupont de Ligonnès s'apprête à prendre un avion en partance de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle à destination de Glasgow. Arrivés trop tard, les policiers français demandent à leurs homologues en Ecosse de procéder à son interpellation. Ils s'exécutent et procèdent aux premières comparaisons digitales.

Les premiers doutes des enquêteurs

La réponse tombe et est confirmée à quatre reprises par la police écossaise, selon une source proche de l'enquête à BFMTV. Entre 19 heures et 19h30, par textos, par téléphone, les policiers français, en l’occurrence la BNRF, la Brigade nationale de recherche des fugitifs, sont alertés par leurs homologues que les empreintes "matchent". Il s'agit bien de Xavier Dupont de Ligonnès. Il est trop tard pour que les policiers français se rendent en Ecosse, et des investigations vont être menées en France. Le domicile de l'homme, situé à Limay dans les Yvelines, est perquisitionné.

Les policiers français demandent à leurs collègues écossais de leur envoyer les empreintes digitales de l'homme interpellé afin de les comparer avec le matériel retrouvé lors des fouilles de son logement. En vain. A cette heure-ci pourtant, les enquêteurs français ont déjà de gros doutes sur l'identité de l'homme arrêté à Glasgow. Les perquisitions, l’enquête de voisinage à Limay, ou encore les demandes faites aux impôts… Aucun élément ne colle entre cet homme et le père de famille recherché depuis 2011.

"Calmer le jeu"

Les doutes s'accumulent, les policiers examinent jusqu'à tard les images de vidéosurveillance de l'aéroport de Roissy. L'homme signalé ne ressemble pas du tout à Dupont de Ligonnès. Il est 20h30, l'information commence à circuler. La Direction centrale de la police judiciaire, dont dépend la Brigade nationale de recherche des fugitifs, insiste auprès de la police judiciaire de Nantes pour que le procureur prenne la parole. Il est alors le seul autorisé à donner des éléments sur la procédure en cours "afin d'éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l'ordre public", selon l'article 11 du code pénal.

Le procureur devait parler à la presse pour "calmer le jeu", note une source proche de l'enquête.

Il est 00h20 quand le procureur de Nantes, Pierre Sennès, prend la parole. Dans un bref communiqué, le représentant du parquet appelle à la "prudence" et annonce que des vérifications vont être faites en Ecosse par des policiers français "pour s'assurer que c'est bien M. Dupont de Ligonnès". Sauf que toujours selon une source proche de l'enquête, vendredi à 23 heures, les Ecossais reviennent sur leurs informations. Un message d'Interpol est envoyé: la police écossaise indique que les empreintes génétiques de l'homme qui vient d'être arrêté ne correspondent pas à celles présentes dans la "notice rouge".

La police écossaise dit n'avoir jamais confirmé

En effet, lors de l'émission d'un mandat d'arrêt international, des "notices rouges", des messages d'alerte, avec toutes les informations dont les autorités disposent sur le fugitif, sont envoyées par Interpol. Mais les Ecossais émettent encore un doute: ils n'ont pu comparer que neuf empreintes sur dix, l'homme venant d'être interpellé ayant un doigt en moins, l'index droit. Mais dans les analyses, c'est l'index gauche qui sert de référence. Dans la nuit de vendredi à samedi, la confirmation tombe: l'homme en rétention n'est pas Xavier Dupont de Ligonnès, il n'y a quasiment aucun point caractéristique commun entre les deux hommes. L'homme arrêté à Glasgow est relâché samedi en fin d'après-midi.

Lundi soir, la police écossaise s'est exprimée sur l'affaire: elle assure n'avoir "jamais confirmé, ni en public ni en privé que l'homme interpellé à l'aéroport de Glasgow était Xavier Dupont de Ligonnès "dans la mesure où cela n'a jamais été certain".

Sarah-Lou Cohen