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"Il y a eu un vrai rejet": les dessous de "La Vérité si je mens! Les débuts", le préquel honni de la comédie culte

Les stars de "La Vérité si je mens! Les Débuts" Jeremy Lewin (Yvan), Yoann Manca (Patrick), Anton Csazar (Serge) et Mickaël Lumière (Dov)

Les stars de "La Vérité si je mens! Les Débuts" Jeremy Lewin (Yvan), Yoann Manca (Patrick), Anton Csazar (Serge) et Mickaël Lumière (Dov) - UGC

Dans les coulisses des comédies françaises (1/5) - Cet automne, BFMTV vous dévoile les secrets de films comiques hors-normes, cultes ou insolites. Aujourd’hui, La Vérité si je mens! Les débuts.

"Au début du tournage, on croyait vraiment qu'on surferait sur le succès des autres et qu'on était au-delà de ces critiques." Cinq ans après, La Vérité si je mens! Les débuts reste un souvenir cuisant pour ses réalisateurs Michel Munz et Gérard Bitton. Sortie en octobre 2019, cette comédie sur la jeunesse de Patrick, Dov, Serge et Yvan dans les années 1980 a été unanimement conspuée avant de tomber dans l'oubli.

Un échec vécu comme une injustice par Michel Munz et Gérard Bitton, les scénaristes de la trilogie originale. Pour la première fois depuis la sortie, ils ont accepté de revenir pour BFMTV sur cette douloureuse aventure. L'histoire de ce film, une comédie intimiste, tendre et nostalgique dont ils restent fiers, commence en 2014, deux ans après le succès de La Vérité si je mens! 3.

Sous l'impulsion des producteurs Aïssa Djabri, Farid Lahouassa, Manuel Munz, l'équipe souhaite se renouveler après un troisième volet "assez éprouvant" qui avait "mis dix ans à se faire". Alors que réunir le casting d'origine semble impossible pour des raisons de planning, l'idée de raconter la jeunesse des personnages avec des comédiens plus jeunes s'impose.

"Pari risqué"

Leur ambition est simple: s'emparer de "la jeunesse de ces personnages qui sont devenus maintenant un peu comme - très modestement - Astérix et Obélix" pour "voir comment ils sont devenus ces nouveaux héros", expose Michel Munz. Annoncé dans Le Parisien le 22 novembre 2014, le projet suscite dans les médias "une sorte d'élan extrêmement curieux, très enthousiaste (qui) nous a confortés dans l'idée", poursuit-il.

L'idée d'un préquel est cependant "un pari risqué", note Gérard Bitton. Patrick, Dov, Serge et Yvan sont indissociables de Gilbert Melki, Vincent Elbaz, José Garcia et Bruno Solo. Et il faut non seulement trouver de nouveaux comédiens, mais aussi renoncer "à la notoriété formidable" des interprètes d'origine, reconnaît Michel Munz.

"Est ce que si on faisait la genèse des Bronzés, les gens voudraient voir d'autres personnages que Jugnot, Lhermitte et toute la bande?", lance le réalisateur aux producteurs. Mais tout le monde y croit: "On s'était dit que le Sentier permettait d'avoir un univers familial qui dépasserait la notoriété de ces acteurs."

Deux ans et demi d'écriture

L'écriture du scénario est un véritable casse-tête. "Il fallait qu'on arrive à faire un film qui soit la genèse de personnages censés être déjà assez jeunes dans le 1", résume Michel Munz. Et le tout sans renier ce qui fait "le sel de la série", soit l'exploration du Sentier et de ses différents métiers. Un défi puisque Dov, Serge et Yvan sont censés être au lycée à l'exception de Patrick, un peu plus âgé qu'eux.

Le duo met près de deux ans et demi pour venir à bout du scénario. L'histoire se déroule donc en 1983. Dov quitte le lycée pour devenir vendeur et séduit la femme de son patron. Serge embobine ses parents sur son Bac. Yvan prend de l'assurance en travaillant avec Patrick, qui se transforme en redoutable businessman après une déception amoureuse.

"Malheureusement, je crois qu'on a un peu trop collé à la structure des autres, c'est-à-dire une histoire, un peu d'arnaque, de revanche et de solidarité. Peut-être qu'au bout d'un certain nombre de fois, ça ne fonctionne plus", note Gérard Bitton, qui s'est inspiré de souvenirs de jeunesse pour écrire ce scénario.

Autre version de scénario

À l'origine, Michel Munz et Gérard Bitton avaient imaginé une tout autre histoire. Inspirée par Broadway Danny Rose, une comédie de Woody Allen, cette première version mettait en scène les cinq héros réunis dans un café pour l'anniversaire de Serge. En l'attendant, ils se remémorent des anecdotes sur leur jeunesse. "On a écrit le scénario, il n'est pas passé", regrette Gérard Bitton.

Avec ce préquel, le duo souhaite aussi raconter la manière dont une génération de jeunes séfarades a conquis le Sentier dans les années 1980. "Lorsqu'ils sont arrivés, ils ont brisé toutes les règles. Ils ont fait preuve d'une grande énergie et d'une grande inventivité et travaillent différemment. C'est cette histoire-là qu'on voulait raconter", précise Michel Munz.

Lorsque la production a rejeté leur scénario, "il a fallu revenir en arrière avec des jeunes gens au lycée", soupire Gérard Bitton. "On a eu une difficulté à l'écrire. C'est la partie que j'aime le moins dans le film. Je trouve que c'est une erreur. Il fallait rester sur nos bases. Le côté des cancres à l'école, c'était moins amusant. Il y a une espèce de décalage entre les histoires. Ça devient un film de mômes." "On n'avait pas le choix. Sinon, on refaisait le 1", insiste Aïssa Djabri. "Pour les auteurs, ça a été très dur."

Manque d'enthousiasme

Le budget est estimé à 7-8 millions d'euros - loin des 25 millions du troisième volet. L'absence des vedettes de la licence se paie. "Même si la marque restait forte, les acteurs la rendaient beaucoup plus solide", concède Michel Munz. "Il n'y avait vraiment personne de connu, donc les gens étaient un peu effarouchés", complète Gérard Bitton. "Il y avait un manque d'enthousiasme de la part des investisseurs."

Le plus grand défi des réalisateurs n'est pas le budget réduit, mais de trouver les quatre héros. Plus de 150 comédiens défilent avant qu'ils se décident pour Mickaël Lumière (Dov), Anton Csazar (Serge), Jeremy Lewin (Yvan) et Yohan Manca (Patrick). "Si on n'était pas arrivé à trouver les acteurs, on ne faisait pas le film", assure Michel Munz. "On n'aurait pas fait le film avec un des acteurs défaillant ou pas ressemblant.

Venu à l'origine pour incarner Patrick, Mickaël Lumière décroche le rôle de Dov grâce à un œil au beurre noir qu'il s'était fait la veille en se battant en boîte de nuit avec le compagnon d'une femme qui l'avait dragué. "Il était déjà Dov", s'exclame Michel Munz. Anton Csazar, de son côté, est trop éloigné de Serge. Assez grand, il est contraint de jouer "ramassé sur lui-même" pour avoir à l'écran la taille de José Garcia.

"Une déflagration"

Le développement est difficile. "Il n'y avait pas une ambiance folle dans la production. Il y avait un peu de dissensions entre les producteurs", souligne encore Gérard Bitton. Aucun distributeur ne croit au projet. UGC s'engage "à l'arrache". Et avec "une certaine prudence", selon Aïssa Djabri. À un mois du tournage, le projet manque de s'écrouler lorsque le comédien choisi pour incarner Patrick tombe en dépression et fait faux bon.

Ils le remplacent par Yohan Manca. "On ne l'avait pas vu avant et il est arrivé par un hasard fou et par nos directeurs de casting qui nous ont dit de l'essayer", salue Michel Munz. "Yohan Manca a apporté une fraîcheur, un Patrick Abitbol encore maladroit qui se la joue. Ça nous a convaincus." Son choix soulage l'équipe: "Si on ne l'avait pas trouvé, on n'aurait pas pu faire le film", assure Gérard Bitton.

Au début du tournage, UGC dévoile une première photo des comédiens en costume. Sur les réseaux sociaux, les retours sont tous négatifs. Les comédiens se prennent de plein fouet les critiques. Les réalisateurs tentent de faire abstraction pour mener à bien le film. "C'était une déflagration sur le tournage. D'ailleurs, on a modifié l'affiche après", se souvient Michel Munz.

Sans Vincent Elbaz

Sur le plateau, la pression est forte. Les acteurs sont encore novices. "Il y avait eu beaucoup de répétitions. On ne pouvait pas se permettre de louper une seule scène. On a eu très peu de prises à chaque fois, parce qu'on n'avait pas le temps", glisse Michel Munz, qui se souvient aussi de "moments de grâce". "On a travaillé dans des conditions assez difficiles quand même", renchérit Gérard Bitton.

Les stars de "La Vérité si je mens! Les Débuts" Anton Csazar (Serge), Mickaël Lumière (Dov), Jeremy Lewin (Yvan) et Yoann Manca (Patrick)
Les stars de "La Vérité si je mens! Les Débuts" Anton Csazar (Serge), Mickaël Lumière (Dov), Jeremy Lewin (Yvan) et Yoann Manca (Patrick) © UGC

Le duo est épaulé par "une équipe technique formidable" et par le chef opérateur Jérôme Alméras, qui "a soigné l'image" pour trouver "le côté nostalgique des années 80". Ils peuvent aussi compter sur Gilbert Melki. L'inoubliable Patrick Abitbol accepte de jouer Henri, le père de son personnage. Vincent Elbaz propose lui aussi ses services pour le père de Dov.

"Le problème, c'est que Dov est orphelin dès le premier film", rappelle Michel Munz. "Raconter la mort de son père était compliqué dans notre scénario pour que ça ait un sens. On a dû y renoncer."

"Panique générale"

Le montage est tout aussi complexe. En plein mouvement #MeToo les réalisateurs doivent modifier certains aspects du film. Lors d'une projection test, une spectatrice estime que le quiproquo, lorsqu'une jeune femme découvre avec effroi Serge dans son lit à la place de son fiancé est une scène de viol. Impossible de garder la scène "Je ne veux pas qu'on m'accuse d'avoir produit un film où il y a une scène de violence sexuelle", prévient l'un des producteurs.

"Panique générale. On était sciés", se rappelle Michel Munz. "Pour garder la scène, il a fallu réduire le moment pour ne pas laisser ce malaise. J'avais enregistré sur mon téléphone le son de la projection. J'avais montré à la distribution et à la production que cette scène faisait rire. Mais ça n'a pas suffi."

Une autre scène où Dov regardait la femme de son patron se déshabiller suscite, elle aussi, le malaise. "Ils ont voulu qu'on supprime cette scène, ce qu'on n'a pas fait. Mais ça a été très, très, très difficile. On l'a imposée. Mais la pression était extrêmement forte et je ne suis pas sûr qu'aujourd'hui on aurait pu la faire", déplore Michel Munz. Une scène où l'on voit l'érection de Serge est laissée intacte. Un "arbitrage" nécessaire pour "ne rien ajouter" aux critiques qui visent déjà le film, note Aïssa Djabri.

"Erreur magistrale de communication"

Si l'objectif de Michel Munz et Gérard Bitton est de plaire aux quadragénaires nostalgiques des années 1980, le distributeur vise en réalité un public jeune. Lors de la projection test, les adolescents avaient été les plus réactifs au film. Et "UGC s'était dit que le film allait plaire aux jeunes", confie Michel Munz.

Une "erreur magistrale de communication" selon lui: "On a fait toute une promotion sur les réseaux sociaux dans ce sens-là qui, à mon avis, n'avait aucun intérêt et ringardisait même le film." Leur prédiction se confirme. La tournée se déroule dans des salles en partie vides. "Le jour de l'avant-première, tout le monde savait que ça allait mal se passer", se désole Gérard Bitton.

Les stars de "La Vérité si je mens! Les Débuts" Anton Csazar (Serge) et Yoann Manca (Patrick)
Les stars de "La Vérité si je mens! Les Débuts" Anton Csazar (Serge) et Yoann Manca (Patrick) © UGC

"Je crois qu'il faudrait qu'on enlève le titre", leur avait même suggéré l'attaché de presse du film. "Ce qu'on pensait être un apport défavorisait le film", analyse Michel Munz. "Il aurait fallu, mais on n'aurait pas eu le budget pour ça, faire juste un petit film sur des Juifs pieds noirs dans les années 80 qui portent les noms des personnages de La Vérité si je mens."

Campagne antisémite

La Vérité si je mens! Les Débuts sort le 16 octobre 2019. La presse est assassine. Pour Le Monde, il y a "trop de microgags rebattus et un récit pas assez tenu". Le Parisien estime que "le film […] s’avère lourdingue et ne fait pas rire". Libération accuse aussi la production de trafiquer les notes sur Allociné. Ce que démentent fermement Michel Munz et Gérard Bitton.

Sur les réseaux sociaux, une campagne antisémite s'organise parallèlement à l’égard du film. "J'avais appelé Allociné pour leur demander d'avoir un minimum de modération parce que je lisais des choses dignes des années 30", dénonce Michel Munz. "Il y avait une violence de gens qui n'avaient même pas vu le film, mais qui déversait leur haine sur un film juif avec des juifs."

Le public boude le film. Avec seulement 193.815 entrées, c'est le sixième plus gros échec commercial de l’année 2019. " Vu le fait que c'était La Vérité si je mens, c'était un échec cuisant. On ne pensait pas faire des scores identiques aux précédents (qui ont tous dépassé les 4,6 millions d'entrées, NDLR), mais faire un score honnête. Et il y a eu un vrai rejet du film", concède Gérard Bitton.

"C'était d'une violence inouïe", ajoute Michel Munz. "Dès le premier week-end, le film a disparu de la moitié des écrans. Pour me rassurer, je ne dirai pas que le bouche-à-oreille était mauvais. Je pense simplement que les gens qui ont pu aller le voir y sont allés. Et puis que le film a disparu des salles." "Quand un film ne démarre pas, c'est que la proposition n'intéressait pas le public", juge de son côté Aïssa Djabri.

Besoin de cicatriser

Pour Michel Munz, le film a été victime d'un malentendu. La Vérité Si Je Mens est un film modeste devenu un blockbuster après le triomphe surprise de son premier volet. Avec ce préquel, la franchise redevenait un petit film. Mais pour le public, ce projet était une démarche commerciale. "D'un seul coup, ces films qui pour moi étaient la sympathie incarnée étaient montrés comme une entreprise antipathique."

Le film connaît le destin des flops retentissants et disparaît complètement des circuits. La pandémie, cinq mois après, n'arrange rien à son destin. Il n'a même pas eu les honneurs d'une sortie blu-ray. Il est uniquement disponible en DVD. "Beaucoup de gens ne savent pas qu'il existe", regrette Michel Munz. Depuis, le duo se concentre sur le théâtre. "Il y a une espèce d'écœurement qui a besoin de cicatriser."

"Il y a eu un vrai rejet": les dessous de "La Vérité si je mens! Les débuts", le préquel honni de la comédie culte
"Il y a eu un vrai rejet": les dessous de "La Vérité si je mens! Les débuts", le préquel honni de la comédie culte
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Les passages à la télévision de La Vérité si je mens! Les Débuts confirment son destin maudit. Sa première diffusion, en novembre 2022, sur M6, réunit seulement 886.000 téléspectateurs. Le premier volet, en second partie de soirée, fait mieux. Un comble. Sa seconde diffusion, en juin dernier, est déprogrammée après la soirée des européennes.

Malgré l’échec du préquel, la licence La Vérité si je mens n’est pas morte. Et pourrait faire son retour un jour. "Elle ne peut exister que parce que les acteurs, un jour, auront envie de se réunir", espère Michel Munz. "Je pense que ce n'est pas gagné de les réunir. Mais je crois qu'il y a une quasi-unanimité pour le faire."

https://twitter.com/J_Lachasse Jérôme Lachasse Journaliste BFMTV