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Cinéma

Gilbert Melki: "dans La Vérité si je mens, j’ai joué Patrick Abitbol comme Tony Montana!"

Gilbert Melki dans La Vérité si je mens! Les Débuts

Gilbert Melki dans La Vérité si je mens! Les Débuts - Copyright Alain Guizard - La Vérité Production

Inoubliable Patrick Abitbol, Gilbert Melki est à l’affiche de La Vérité si je mens! Les débuts, prequel de la comédie culte de 1997. L’acteur raconte comment il s'est inspiré de sa vie pour créer le personnage culte.

Il y a vingt-deux ans, en mai 1997, la France découvrait dans La Vérité si je mens! Patrick Abitbol, personnage haut en couleur qui semblait sortir du Parrain ou de Scarface. La France, ou du moins les cinq millions de personnes qui ont acclamé le film de Thomas Gilou, découvrait aussi Gilbert Melki, dont c’était le premier rôle, après des années de vaches maigres et de figurations coupées au montage. 

Vingt-deux ans plus tard, Gilbert Melki a vu, sur le plateau de La Vérité si je mens! Les débuts, un autre comédien, Yohan Manca, s’emparer de ce rôle qui l’a rendu célèbre. Inconnu du grand public, Yohan Manca livre une prestation impressionnante et reproduit à la perfection les intonations de la voix de Gilbert Melki. Cette perfection inquiète la star, qui incarne cette fois Henry Abitbol, le père de Patrick: "Vous trouvez que c’est une imitation ou que c’est un vrai personnage, qui a été recréé?” Il ajoute: “Yohann a bien bossé. Il a vu les films je ne sais combien de fois. Il vient du théâtre et m’a dit que quand je dis mon texte je rappe un peu."

Self made man impitoyable dont on découvre la jeunesse dans La Vérité si je mens! Les débuts, Patrick Abitbol a marqué plusieurs générations: "[Pendant le casting], beaucoup de gens de banlieue sont venus postuler pour le rôle de Patrick Abitbol. C’est un rôle qui fédère beaucoup de personnes d’origines diverses", note Michel Munz, co-créateur de la série et co-réalisateur du quatrième volet avec Gérard Bitton. 

"C’est un personnage qui n’est pas allé à l’école, qui s’est fait tout seul. Les gens de banlieue s’identifient beaucoup à des personnages comme ça", complète Gilbert Melki. "C’est toujours un problème en France de dire que l’on s’est fait seul. Patrick Abitbol et Tony Montana ne sont pas passés par Sciences Po, mais par une certaine école de la vie. Abitbol a vécu. Il sait ce que c’est la vie." 

"Le Sentier est un milieu assez violent"

Gilbert Melki a offert au personnage des détails vus dans sa vie privée. "L’accent est une reproduction de tout ce que j’ai entendu d’oncles, de tantes, d’amis quand j’étais enfant, adolescent… J’étais dans un milieu juif, je ne voyais que des juifs…" Le fameux "con de ta race" vient aussi de son enfance: "C’est des choses que j’entendais quand j’étais môme, des gens qui s’engueulaient entre eux. C’était assez violent. C’est un milieu assez violent [le Sentier, le milieu juif pieds-noirs, NDLR], très identitaire." 

Gilbert Melki connaît bien ce milieu pour avoir travaillé dans le Sentier avant de percer au cinéma: "J’ai travaillé rue de Cléry comme vendeur manutentionnaire vers 1976-1977. J’étais très jeune." Un peu comme Dov dans La Vérité si je mens! Les débuts: "Oui. Je faisais ça pour gagner ma vie et en même temps je commençais à m’intéresser au cinéma, je lisais des pièces de théâtre: Molière, Tchekhov, Shakespeare… Je faisais ça entre deux cartons." 

Gilbert Melki y est resté "quatre-cinq ans" avant de "bouger" dans d’autres boutiques. Il garde un souvenir "plutôt sympathique" de cet "univers très masculin, très macho". Un aspect très bien retranscrit dans la saga, notamment à travers les dialogues très fleuris de Michel Munz et Gérard Bitton et le personnage de Patrick Abitbol, une caricature de mafieux qui semble en décalage avec le ton du film et les autres personnages.

"Patrick n’est pas au courant qu’on fait une comédie et il est venu jouer Le Parrain ou Les Affranchis dans La Vérité si je mens!", rit Michel Munz en pensant au jeu très précis de Gilbert Melki, qui s’amuse à jouer la tête penchée soit à droite soit à gauche pour mieux renforcer le caractère ridicule du personnage. Là aussi Gilbert Melki s’est inspiré de son enfance: 

"Il y avait des mecs qui étaient comme ça, qui parlaient comme ça. Ils n’arrivaient pas à parler droit, comme s’ils étaient en position d’attaque. Ça me faisait rire. C’est important qu’il y ait une certaine dynamique, une intensité dans les scènes entre les personnages. On n’est pas dans le naturalisme français, dans un film de Claude Sautet. On est plus proche du cinéma anglo-saxon. On joue autrement. Ce personnage me permettait de jouer comme Tony Montana, mais ce n’est pas Tony Montana. Il aurait été étrange que ce personnage joue comme Luchini, d’une manière très française, en accentuant chaque syllabe. Il est juif pied noir, il faut jouer un juif pied noir."

"Dieudonné m’a dit qu’il avait beaucoup ri devant La Vérité si je mens!"

Impossible d’imaginer un autre acteur dans le rôle de Patrick Abitbol. Melki n’était pourtant pas le premier choix de la production. Engagé comme figurant sur le premier film, il décroche le rôle de Patrick, que beaucoup d’acteurs juifs avaient refusé en y allant au culot. Un peu comme Patrick Abitbol, on serait tenté de lui demander. "Non… J’étais trop timide, trop réservé", rectifie-t-il. "Je n’avais aucune expérience. Je ne connaissais pas ce milieu". 

La sortie du premier film, en mai 1997, est un triomphe, avec plus de cinq millions d’entrées. Gilbert Melki devient une star. Tout le monde l’acclame. Même Dieudonné: "J’étais au festival de Gérardmer. Dieudonné n’était pas encore passé du côté obscur de la force. Il est venu me voir en me disant que c’était super, qu’il avait beaucoup ri", se souvient l’acteur. 

Le tournage du deuxième volet, en Tunisie, en 2001, est un peu différent du premier. So Film évoque des fêtes, de l’alcool à volonté et une embrouille entre Richard Anconina et un Gilbert Melki habité par son personnage, qu’il ne quitte plus entre les prises. "Ce n’est pas vrai", réagit aujourd’hui le comédien. "C’est n’importe quoi. C’est plutôt le contraire. Je n’avais pas l’impression d’être impossible et d’être dans mon personnage tout le temps." 

Quasiment dix ans après, il retrouve la bande pour un troisième volet, mais il juge le résultat décevant: "Il s’est passé trop de temps entre le deux et le trois. Il manquait un petit truc… Ça se voit dans le film", lance-t-il. Incarner le père de son personnage est-il pour lui une manière plus satisfaisante de clore ce chapitre de sa vie?

"Je ne sais pas si cette histoire sera close un jour… Le rôle du père, c‘était un plaisir d’acteur. J’ai pensé uniquement à Henri Abitbol et pas du tout à Patrick Abitbol. Je l’avais complètement mis de côté parce que je n’avais pas du tout envie d’y penser. Yohann faisait son personnage, son Abitbol, je ne voulais pas l’embêter avec des indications. Je ne voulais pas l’emmerder, tout simplement, avec une prétendue expérience. Il est grand. Il fait son personnage tel qu’il a envie de le faire. Et il est très bien d’ailleurs." 

Dans la rue, on continue de lui lancer "de temps en temps" des "Yallah", la fameuse interjection de Patrick. "Avec la rediffusion du premier à la télévision, et la sortie du prequel, il se prépare: "Je pense qu’il va y avoir des pics dans les prochaines semaines." 

Jérôme Lachasse