Mayotte: à Mamoudzou, l'hôpital de campagne apporte "une bouffée d'oxygène énorme"

Les jours passent et les débris sont toujours entassés, l'électricité coupée, la nourriture et l'eau potable rationnées. Près de deux semaines après le passage du cyclone Chido, "la situation est toujours difficile", à Mayotte assure le maire de la ville de Mamoudzou, située sur la côte est de l'archipel français, contacté par BFMTV.
"Il y a toujours des milliers de personnes sans nourriture", ajoute Ambdilwahedou Soumaïla. "Dans un quartier du nord de Mamoudzou, toutes les fenêtres ont été soufflées, les toits sont partis. La population essaye de reconstruire tout doucement".
L'édile accueille dans sa ville un hôpital de campagne, fonctionnel depuis ce mercredi 25 décembre.
"Cet hôpital apporte une bouffée d'oxygène énorme aux centres hospitaliers de Mayotte et de Mamouzdou qui sont déjà bondés et dont certains services ont été dévastés", déclare le maire.
Installé dans un stade dans l'est de Mamoudzou, cet hôpital de campagne est équipé d'une maternité et de deux blocs opératoires. Ce mercredi, 90 personnes étaient mobilisées pour son fonctionnement dont 45 personnels médicaux. Sa capacité d'accueil journalière maximale est de 150 personnes. Depuis son installation, 561 personnes ont consulté cet hôpital de campagne selon le dernier point de situation de la préfecture de Mayotte ce jeudi.
"On va droit vers une crise sanitaire sans précédent"
Le bilan humain du cyclone Chido s'élève à 39 morts et plus de 4.460 blessés. "La mission d’identification des victimes du cyclone poursuit son travail, en lien avec les maires et les associations de Mayotte", affirme la préfecture locale. Les dégâts engendrés par les vents violents de l'ouragan compliquent le travail de déblayage dans les quartiers précaires, majoritairement détruits.
Compte tenu des dommages provoqués par les intempéries, le sénateur de l'île, Said Omar Oili, se demande si le nombre de victimes n'est pas sous-estimé. "Dans les bidonvilles qui sont rasés aujourd'hui vivaient environ 100.000 personnes. Et selon les déclarations du préfet, seules 15.000 personnes sont allées dans les abris. Vous faites le calcul", lance-t-il sur le plateau de BFMTV demandant "où sont ces personnes?".
Le sénateur pense ainsi qu'il y a des "milliers de morts" et pointe le "risque sanitaire" qui pourrait survenir si des corps restaient dans les décombres. "On va droit vers une crise sanitaire sans précédent, c'est une crise humanitaire", a-t-il assuré.
De son côté, le Premier ministre François Bayrou, qui doit se rendre sur place dimanche et lundi, a estimé sur BFMTV que le nombre de morts se chiffrerait en "dizaines" et non "milliers" et serait très inférieur aux "chiffres alarmistes" avancés.
"On a beaucoup de mal à avoir des aides"
Pour tenter de pallier le manque de ressources sur l'île, un pont aérien a été mis en place entre Mayotte, La Réunion et l'Hexagone. Selon les autorités, 390.000 litres d'eau et 65 tonnes de nourriture avaient été distribués lundi à la population. Plus de 3.900 membres (dont 1.500 en renfort) de la sécurité civile, de la police, de la gendarmerie et des armées sont engagés à Mayotte, ont précisé les autorités.
Certains élus mahorais poussent cependant un cri de colère face à "l'écart" entre les annonces de l'État et le manque criant d'aide sur le terrain. Sur le terrain, "on a beaucoup, beaucoup de mal à avoir des aides", constatait Saïd Salim, responsable départemental de l'action sociale de Mayotte, lors d'une réunion lundi entre élus et membres de l'Union nationale des centres communaux d'action sociale. Lui décèle dans la situation un "effet de communication pour dire 'on maîtrise'". "Mais sur le terrain, il y a un écart."
Sur le plateau de Mayotte La 1ère, la députée RN Anchya Bamana a dénoncé des colis alimentaires inadaptés. "On va faire quoi de cette farine, de l'huile, du sucre et des nouilles quand on n'a pas d'électricité dans sa maison? Vous pensez vraiment que c'est un panier alimentaire pour les gens qui souffrent?", a-t-elle questionné. L'élue a jugé préférable de donner "des conserves de sardine et de thon, des haricots en boîte, des œufs" afin de "permettre aux Mahorais de ne pas être sous-alimentés en cette période de crise".
Des "tours d'eau" mis en place
Des habitants se sentent abandonnés. À Mtsahara, village côtier à la pointe nord de l'archipel, près duquel s'est engouffré le 14 décembre l'œil du cyclone, "on vit dans le stress, psychologiquement c'est très difficile: on pense sans cesse à comment avoir assez d'eau, assez de nourriture", a raconté à l'AFP Natidja Ali Saansa, 36 ans.
"À Mamoudzou, la vie reprend, il y a de l'électricité, du réseau. Ici on est abandonnés, alors qu'on est les plus touchés", a poursuivi la jeune femme, qui tient sa fille par la main.
Si le réseau électrique est rétabli progressivement sur l'archipel, encore 60% des clients en sont privés selon la préfecture en raison "des dégâts très importants". Concernant l'approvisionnement en carburant, les "usagers sont limités au remplissage d’un jerrican par personne".
La préfecture explique dans son dernier point de situation que des "tours d'eau" ont été mis en place afin d'approvisionner tous les villages. "Pendant deux jours, les villages auront de l’eau durant huit heures. Le jour d’après, l’eau sera coupée", est-il indiqué. Avant d'ajouter: "l’approvisionnement en bouteilles d’eau de la population est en cours en lien avec les mairies".
L’agence régionale de santé invite la population pour qui l’eau a été rétablie à faire bouillir l’eau pendant trois minutes avant de la consommer.
Si les routes ont été "débarrassées des arbres qui étaient tombés dessus", la préfecture de Mayotte appelle à "limiter les déplacements pour permettre le transport du matériel et des renforts".