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"Nous allons approcher la canicule de 2003, voire la dépasser": la crainte d'un expert du Giec

La sécheresse à Grignan, dans la Drôme, en juillet 2022.

La sécheresse à Grignan, dans la Drôme, en juillet 2022. - Olivier Chassignole

Dans un entretien mis en ligne par Libération mardi, Christophe Cassou, climatologue et l'un des auteurs du récent - et sixième du nom - rapport du Giec s'est alarmé de l'intensité de la vague de chaleur qui déferle cette semaine sur l'Hexagone et devrait s'y attarder jusqu'au début de la suivante.

Sept départements sont placés en alerte orange canicule par Météo France ce mercredi. Il s'agit de la Drôme, de l'Ardèche, du Tarn, du Tarn-et-Garonne, de la Haute-Garonne, du Lot-et-Garonne et de la Gironde. Ce dernier département, déjà harcelé par cette chaleur et la sécheresse, est de plus ravagé par les flammes.

Mais au-delà de ces territoires, c'est tout l'Hexagone qui est atteint par la fièvre. Une vague de chaleur majeure a en effet commencé à déferler mardi sur le pays, et devrait l'accabler pendant une semaine au bas mot. Il fera ainsi 37°C à Paris lundi prochain, comme le montre ici le site spécialisé Météo agricole, 39°C à Toulouse, ou encore 36°C à Strasbourg mardi et mercredi.

On peut toujours chercher à se rassurer, se dire qu'il n'est pas anormal de subir un coup de chaud au coeur du mois de juillet. Mais selon le climatologue Christophe Cassou, l'un des auteurs principaux du sixième rapport du Giec, c'est s'aveugler, en faisant fi de la sévérité du phénomène et de sa récurrence. Accumulation et intensification des canicules: l'expert a expliqué mardi dans un entretien accordé à Libération ce que la vague de chaleur que nous traversons avait d'inquiétant. Au point de menacer d'excéder encore les effets délétères de l'épisode de 2003.

Une vague de chaleur "historique"

Invité à commenter le dôme de chaleur qui pèse actuellement sur nous comme une chape de plomb, il observe d'abord: "Il peut être historique par son intensité".

"À ce jour, selon des critères de sévérité, l’année 2003 correspond à la vague de chaleur la plus sévère", reprend encore le spécialiste qui avertit alors: "La canicule de 2003 semblait intouchable tant sa sévérité fut forte ! Dans les prochains jours, nous allons probablement l’approcher, voire peut-être la dépasser."

Christophe Cassou s'explique: "La vague de chaleur actuelle pourrait être plus intense et plus longue encore. Elle pourrait durer très longtemps, en particulier dans le Sud de la France. On parle déjà de dix jours au-dessus de 35-40 °C".

Si cette durée venait à se confirmer, les conséquences seraient accablantes pour le pays, selon le climatologue qui craint des situations "très compliqué(es) pour les écosystèmes, mais aussi très impactant pour nous, sociétés humaines, avec des tensions très fortes sur les rendements agricoles, sur l’énergie…".

Mais c'est au plan de la santé qu'une canicule à long terme serait particulièrement néfaste. "Deux jours à 45°C, on peut tenir, mais dix jours dans de telles conditions, ça peut poser problème", poursuit l'interlocuteur de Libération.

L'ombre du "cygne noir"

Le coup de chaud de 2003 avait emporté 19.000 vies. Depuis, les autorités, critiquées à l'époque pour leur impuissance voire leur attentisme, ont pris des mesures pour éviter la répétition d'un si tragique schéma, avec notamment la formulation d'un plan bleu dans les EHPAD. Christophe Cassou, sans s'avancer évidemment quant au bilan humain de la vague de chaleur actuelle, pousse en tout cas à la plus grande vigilance: "Le nombre de morts ne dépend pas seulement de la sévérité de la canicule mais aussi de la capacité du système hospitalier à absorber le flux de patients. Est-ce possible sachant son état de délabrement avancé et la gestion du pic de Covid en cours ?"

Le climatologue le martèle en effet. La canicule de cette semaine - et donc de la suivante - est appelée à gagner de tristes sommets. Décrivant un événement de "type cygne noir", selon la classification du statisticien Nassim Nicholas Taleb, il évoque un épisode "extrême, rare, inédit".

Emballement

Mais pour "rare" et "inédit" qu'il soit, il n'est pas franchement isolé. Il s'inscrit au contraire dans un emballement météo et, à ce titre, il semble destiné à connaître de nombreuses autres occurrences. "Si on regarde le nombre de vagues de chaleur observées en France entre 1947 et 1999, soit en cinquante-trois ans, on en a comptabilisées 17. Celle-ci sera la 25e depuis 2000, en seulement vingt-trois ans… Aujourd’hui, on enregistre donc en France environ trois à quatre fois plus de canicules, ce qui est assez représentatif de ce qui se passe à l’échelle mondiale, où elles sont aussi trois fois plus nombreuses", dresse ainsi Christophe Cassou.

Si celui-ci rappelle que le changement climatique ne crée pas de toutes pièces les vagues de chaleur mais les "amplifie" plutôt, il insiste: "Les canicules se développent sur un environnement plus chaud de base et des conditions atmosphériques favorables et plus efficaces pour générer de la chaleur."

Le fond de l'air a désormais quelque chose d'impitoyable, et la sortie de cet étouffant tunnel paraît bien éloignée.

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV