"Impossible de travailler": entre vétusté et absence d'aération, les établissements scolaires largement inadaptés aux canicules

Une lycéenne passe le baccalauréat en pleine canicule, à Bordeaux, le 15 juin 2025 - Philippe LOPEZ / AFP
Des établissements aux portes closes. En raison de la forte vague de chaleur qui frappe l'Hexagone ce lundi 30 juin et ce jusqu'à mercredi au moins, au moins 1.350 écoles publiques sont fermées au moins partiellement ce mardi. Des syndicats de parents et d'enseignants déplorent que de nombreux établissements scolaires ne soient pas adaptés pour offrir de bonnes conditions de travail aux élèves lors des épisodes de fortes chaleurs.
"C'est impossible de travailler. La concentration est difficile à trouver au-delà de certaines températures, ça devient infernal", dénonce auprès de BFMTV.com Alixe Rivière, porte-parole de l'association de parents FCPE en Seine-Saint-Denis.
Alors que le mercure pourrait atteindre localement les 40°C ce lundi, la porte-parole dit avoir écho d'une "angoisse" des parents face aux températures qui grimpent, notamment dans son département où jusqu'à 37°C sont attendus mardi.
Des locaux "inadaptés" selon la FCPE
Vendredi dernier, la FCPE a demandé dans un communiqué à la ministre de l'Éducation Élisabeth Borne de donner, d'"urgence", "des consignes claires" au personnel des établissements scolaires afin d'adapter l'accueil des élèves en classe.
L'association de parents a notamment plaidé "pour un bâti scolaire repensé face au changement climatique", dénonçant des locaux largement "inadaptés" aux fortes chaleurs.
De son côté, la ministre a appelé les pouvoirs locaux à "être pragmatiques" et à "prendre des décisions au cas par cas dans chaque territoire". "Quand on a des écoles qui sont bien isolées naturellement, elles peuvent accueillir les élèves", a-t-elle souligné, écartant l'idée d'une anticipation générale des vacances scolaires, qui commenceront à la fin de la semaine.
Des écoles mal isolées et beaucoup de débrouille
La question de l'inadaptation des locaux scolaires aux fortes chaleurs est également soulevée du côté des enseignants. "Le gros problème est que les collèges et les lycées ne sont pas bien isolés et gardent la chaleur", indique à BFMTV.com la porte-parole du syndicat enseignant SNES-FSU Sophie Vénétitay.
"Dans les académies de Nice ou de Montpellier, on a relevé parfois 28°C ou 29°C dans les classes dès le matin et plus de 30°C l'après-midi" pendant les dernières journées de chaleur, dit-elle, appelant pour la mise en place de "protocoles clairs".
De quoi contraindre de nombreux établissements à faire comme ils peuvent. "C'est beaucoup de débrouille. Le ministère dit qu'il faut privilégier les salles fraîches, mais il n'y en a aucune de libre entre 8 heures et 11 heures", déplore Sophie Vénétitay.
Contraints par la chaleur, "des collègues sont venus en classe avec leur propre ventilateur pour rafraîchir la classe", déplore la syndicaliste.
Pour d'autres établissements, on s'organise comme on peut. Dans un village du Tarn-et-Garonne, appelé Puymiclan, plusieurs classes de primaires occupent ainsi la salle des fêtes de la commune, mise à disposition pour offrir de la fraîcheur aux élèves.
Un impact sur la santé des élèves
Ces conditions sont loin d'être idéales pour les enseignants, comme pour les élèves. Les professeurs "voient les conséquences sur leur santé, ils sont plus fatigués, c'est plus difficile d'enchaîner les candidats" pour ceux qui font actuellement passer les oraux du bac, souligne la porte-parole de SNES-FSU.
Et pour les élèves, entre cours dans de mauvaises conditions ou supprimés, faute de plan B, ces fortes chaleurs ont aussi des conséquences.
"Les modifications de températures peuvent notamment impacter la santé des élèves et des enseignants (maux de tête, problèmes de concentration, fatigue…) et créer des inégalités dans les conditions d’apprentissage liées à la fermeture des établissements scolaires et à la capacité, ou non, des familles à garder à domicile les enfants", souligne à ce sujet le rapport "Vulnérabilité des écoles aux changements climatiques" d'EcoAct, un cabinet de conseil spécialisé dans l'environnement, paru en 2023.
Mauvaise aération, baies vitrées...
Un autre syndicat enseignant, Sud-Éducation, dénonce aussi dans un communiqué des locaux scolaires souvent "vétustes" obligeant à des fermetures temporaires de classes en cas de canicule. "Pour éviter d’avoir recours à des mesures d’urgence, il est impératif d’adapter nos locaux avec des solutions durables", plaide ainsi le syndicat dans un communiqué.
De fait, un rapport d'information du Sénat rendu en conclusion d'une "mission d'information sur l'adaptation de l'école aux enjeux climatiques", daté de décembre 2023 estime que les écoles françaises ne sont globalement pas adaptées.
"Ce parc est globalement en mauvais état et se caractérise par une faible efficacité énergétique", note le rapport. "Selon les données du ministère de l’Éducation nationale, 10% du parc présenterait un état de vétusté important", précise-t-il.
Dans le rapport d'EcoAct de 2023, les problèmes les plus fréquents relevés dans les établissements scolaires concernent "les propriétés thermiques et d’aération, le nombre de mètres carrés par enfant, ancienneté du bâti, ou encore l'exposition différenciée selon les étages et la présence de baies vitrées".
Des plans de rénovation lancés
Ces dernières années, la répétition des périodes de canicule a cependant poussé la classe politique à une prise de conscience du problème.
Plusieurs projets de rénovation ont ainsi été annoncés, alors que le rapport d'EcoAct recommande notamment d'équiper les écoles de toitures blanches, d'installer des stores aux fenêtres ou de végétaliser certains ou toits ou murs en extérieur.

Parmi les projets lancés, on compte notamment le plan "Rénovation énergétique des écoles – tous mobilisés" présenté en 2023. Il avait pour objectif de rénover "40.000 écoles primaires publiques d'ici 10 ans" en vue des canicules, mais aussi des périodes de froid l'hiver, avec un budget de 500 millions d'euros mobilisé.
Localement, la ville de Marseille a aussi, par exemple, annoncé en 2021 un grand projet de rénovation de son bâti appelé "Marseille en grand", les établissements faisant partie des points centraux du plan.
Des situations "inégales" localement
L'entretien et la rénovation des établissements scolaires sont du ressort des collectivités territoriales et non du ministère de l'Éducation nationale. Pour les écoles maternelles et primaires, ce sont les communes qui en ont la charge, pour les collèges, ce sont les départements, et pour les lycées, ce sont les régions.
Cela implique que le lancement de la rénovation d'une école dépende donc d'une volonté locale. Ce que déplore Alixe Rivière de la FCPE. "C'est très inégal", dit-elle.
La représentante de l'association de parents d'élèves regrette une "absence de concertation entre les collectivités et l'Éducation nationale" sur la question qui dérive souvent sur des "oppositions partisanes".
Le sujet est encore loin d'être clos, alors qu'avec le changement climatique, les vagues de chaleur sont amenées à devenir plus intenses et plus fréquentes. Selon un rapport d'Oxfam France, paru en 2024, "55% des écoles maternelles françaises seront concernées par des périodes excédant 35°C à l’intérieur des classes à l’horizon 2030". Parmi elles, Paris, la Seine-Saint-Denis, la Gironde et les Bouches-du-Rhône sont en première ligne.