"Poutine est dans une marche en avant": l'invasion du Donbass par la Russie est-elle imminente?

Selon ses dires, Vladimir Poutine pratique le judo depuis ses 11 ans. Quand il décide de passer à l'offensive, le maître du Kremlin procède donc par étapes. Une tactique à étendre à la pratique de la guerre? Depuis le regain des tensions en Ukraine, le chef d'État russe semble en tout cas avancer pas à pas dans sa stratégie militaire concernant le Donbass. Et le prochain volet pourrait bien être l'invasion du territoire.
Processus de déstabilisation
Après avoir soutenu les séparatistes pro-russes du Donbass en 2014 dans l'établissement des deux "républiques populaires", le chef d'État russe a massé des milliers de ses soldats dans la zone. Lundi, il a reconnu l'indépendance des séparatistes, puis a annoncé l'envoi de blindés pour y "maintenir la paix". Dernier événement en date, qui pourrait venir servir de prétexte, la dégradation de la situation sécuritaire dans la région, avec les multiples violations du cessez-le-feu, et le recensement de victimes civiles.
"C'est le processus traditionnel de déstabilisation pour justifier la présence de 'forces de maintien de la paix', ainsi nommées par Poutine. Il faut qu'il y ait un problème d'insécurité. Et cette insécurité monte de tous les côtés. Aussi bien par les tirs d'artillerie que par des explosions mal identifiées", analyse sur BFMTV le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU.
L'invasion comme objectif
L'ancien diplomate rappelle ainsi que "les chars russes sont déjà dans la région de Donetsk". Un constat partagé par le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense nationale.
"On a le sentiment qu'il (Vladimir Poutine, ndlr) veut progresser par des gestes militaires. Un mélange d'actions psychologiques, médiatiques, pour que la pomme mûre tombe dans son escarcelle", analyse-t-il.
Selon les deux hommes, la volonté du chef d'État russe de venir envahir le Donbass ne fait aucun doute. Pour le général Pellistrandi, Vladimir Poutine souhaite "d'une part, grignoter et annexer cette partie, même s'il l'habille sous des formes pseudo-démocratiques en soutenant des 'républiques populaires'"", explique-t-il.
"C'est un objectif de court terme ou de moyen terme", assure de son côté Dominique Trinquand.
Des conditions extérieures qui pourraient venir aggraver la situation
Les conditions matérielles des troupes russes, mais également les conditions extérieures, pourraient accélérer l'escalade des tensions. En effet, dans le Donbass, l'arrivée du printemps a pour conséquence de rendre les terres particulièrement meubles. Ce qui viendrait rendre plus difficile une invasion terrestre. Et les troupes russes, déployées depuis un certain temps à la frontière, ne pourront l'être durant une période indéfinie.
"Des soldats mobilisés dans le froid, la nuit... Ça ne peut pas ce mobiliser pendant des mois", pointe du doigt Dominique Trinquand.
Autant d'indices laissant craindre une imminente invasion russe du Donbass.
"Nouvelle guerre froide"
Le doute reste néanmoins de mise, alors que Vladimir Poutine a parfois fait montre dans cette crise d'une certaine incohérence entre ses déclarations publiques et ses agissements. Dimanche, il se disait d'accord "sur le principe" pour une rencontre avec Joe Biden, avant de faire volte-face moins de 24h plus tard. De manière plus cynique, il pourrait être tenté d'obtenir le Donbass par l'usure.
"Va-t-il aller beaucoup plus loin, ou est-ce que ça va être un grignotage, avec des bombardements au quotidien?", s'interroge sur BFMTV Jérôme Pellistrandi.
Pour le militaire, un constat s'impose néanmoins. "Poutine est dans une marche en avant, on est rentré dans une nouvelle guerre froide".