Turquie: frappes de représailles, PKK... Ce que l'on sait sur l'attentat qui a fait cinq morts près d'Ankara

Des ambulances à Kahramankazan, à quelque 40 kilomètres au nord d'Ankara, le 23 octobre 2024, après un attentat qui a fait 5 morts et 22 blessés. - Adem ALTAN / AFP
Un attentat a fait cinq morts et plus de vingt blessés, ce mercredi 23 octobre près d'Ankara, en Turquie. Deux assaillants ont attaqué le siège des industries aérospatiales de défense de Turquie, la Turkish Aerospace Industries (TUSAS), à Kahramankazan.
Selon le ministre de l'Intérieur Ali Yerlikaya, les deux sont membres du commando ont été tués, il s'agit d'un homme et une femme précise CNN.
Le ministère de la Justice a annoncé ouvrir une enquête. "Le processus d'identification et la recherche d'empreintes digitales se poursuivent (pour dire) quelle organisation terroriste est à l'origine de l'attentat", a affirmé Ali Yerlikaya.
• Une explosion et des échanges de tirs
La chaine de télévision privée NTV a évoqué une attaque suicide, qui n'a pas été confirmée. L'explosion, selon les médias, a été suivie d'échanges de tirs pendant plus d'une heure.
Le journal Sabah a publié sur son compte X une photo issue des caméras de surveillance à l'entrée du bâtiment visé, montrant un jeune homme entièrement vêtu de noir, portant un sac à dos et apparemment muni d'un fusil d'assaut.
Des images télévisées ont montré d'importantes flammes suivies d'une fumée blanche, avant de devoir renoncer au direct sur ordre de la RTürk, l'organe de régulation des radios et télévisions turques.

• Cinq morts et plusieurs blessés
Le vice-président turc, Cevdet Yilmaz, qui a rendu visite aux blessés, dont 14 toujours hospitalisés jeudi, avec plusieurs membres du gouvernement, a indiqué qu'une des personnes décédées, outre quatre employés du site, était un chauffeur de taxi dont le commando a braqué la voiture avant l'attentat. Et que sept des blessés étaient des policiers. Selon Reuters, deux blessés sont dans un état critique.
Selon des témoins à Reuters, les employés à l'intérieur du bâtiment ont été mis à l'abri par les autorités et personne n'a été autorisé à sortir pendant plusieurs heures. Ils ont déclaré que les explosions qu'ils ont entendues pourraient avoir eu lieu à différentes sorties, alors que les employés quittaient leur travail pour la journée. Les employés confinés ont ensuite été autorisés à quitter les lieux de l'attaque et évacués par autocar.
Les premières funérailles des victimes sont célébrées ce jeudi. Les obsèques du chauffeur du taxi ont été célébrées en présence du président du parlement, Numan Kurtulmus.
• Un fabricant aérospatial militaire
TUSAS est le plus grand fabricant aérospatial de Turquie, produisant actuellement un avion d'entraînement, des hélicoptères civils et de combat, et développant le premier avion de chasse du pays, le KAAN. Propriété de la Fondation des forces armées turques et du gouvernement, elle emploie plus de 10.000 personnes.
"Il s'agit de l'une des plus grandes entreprises de défense du pays. Elle produit des drones armés et des avions de chasse", a expliqué à CNN Ragip Soylu, chef du bureau turc du média Middle East Eye.
Le secteur de la défense de la Turquie, dont les célèbres drones Bayraktar, a représenté près de 80% des revenus à l'exportation du pays et 10,2 milliards de dollars pour l'année 2023. Sur les huit premiers mois de 2024, les revenus d'exportation des industries de défense ont atteint 3,7 milliards de dollars, en hausse de 9,8% comparé à la même période l'an dernier.

Un important salon des industries de défense et aérospatiales se tient cette semaine à Istanbul, en présence du PDG des Industries de Défense, auquel s'est rendu notamment le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Andriï Sybiga.
• Erdogan dénonce une "attaque ignoble"
Dénonçant une "attaque ignoble" visant "l'une des locomotives de l'industrie de défense turque", le président turc Recep Tayyip Erdogan a promis de "briser ceux qui portent des mains sales sur la Turquie".
"Notre lutte contre toutes les menaces terroristes se poursuivra avec détermination" a-t-il assuré sur X.
Le chef de l'État se trouvait à Kazan, en Russie, au côté de son homologue russe Vladimir Poutine qui lui a adressé ses condoléances, "condamnant tout acte de ce genre, quelles que soient ses motivations".
• Le PKK désigné coupable
Alors que l'attaque n'a pas été revendiquée, les autorités turques ont désigné le Parti des travailleurs du Kurdistan comme "probable" responsable de l'attentat.
"La manière dont cette action a été menée est très probablement liée au PKK" a indiqué le ministre de l'Intérieur Ali Yerlikaya.
Le PKK en lutte armée contre le gouvernement, avait perpétré une attaque à Ankara devant un commissariat de police en octobre 2023, qui avait fait deux morts (les assaillants) et blessé deux policiers.
Le ministre de l'Intérieur, Ali Yerlikaya, a annoncé à la mi-journée ce jeudi l'identification de l'un des deux assaillants, surnommé "Rojger" et "membre du PKK". Celle d'une femme qui l'accompagnait est encore en cours, a-t-il indiqué.
• Des frappes de représailles font 12 morts
La Turquie a mené en représailles des frappes contre les positions du PKK en Irak en Syrie.
Le ministre de la Défense, Yasar Güler, a déclaré que la Turquie "inflige toujours à ces scélérats du PKK le châtiment qu'ils méritent (...). Nous ne renoncerons pas à les poursuivre jusqu'à ce que le dernier terroriste soit éliminé et nous les ferons souffrir pour ce qu'ils ont fait", a-t-il insisté.
L'armée turque mène depuis la nuit dernière des raids, par avion et par drone, qui ont visé "47 cibles (du PKK), dont 29 en Irak et 18 dans le nord de la Syrie", a précisé le ministère de la Défense.
Ce jeudi matin, les forces kurdes font état de 12 civils tués, dont deux enfants, et 25 blessés dans ces frappes.
• Signes de détente entre le PKK et la classe politique turque
Le PKK est interdit en tant qu'organisation terroriste en Turquie, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Il lutte contre l'État turc depuis les années 1980 pour obtenir davantage de droits pour l'importante minorité kurde du pays.
L'attaque à Kahramankazan survient alors que des signes de détente se multiplient ces derniers temps entre les autorités et les responsables kurdes.
Le principal parti pro-kurde, le Dem (ex-HDP), troisième force au parlement, a ainsi jugé "significatif" qu'elle se produise "alors que la société turque discute de solutions pour faire émerger la possibilité d'un dialogue".
Le président du MHP (nationaliste) Devlet Bahçeli, principal allié du parti AKP d'Erdogan, a invité le chef du PKK Abdullah Öcalan, 75 ans, en prison depuis 1999, à s'exprimer devant le Parlement pour annoncer la dissolution de son parti, considéré comme un mouvement "terroriste" par Ankara et ses alliés.
Depuis sa cellule, l'ex-co-président du Dem Selahattin Demirtas, condamné à 42 ans de prison en mai dernier, a dénoncé l'attaque et une "mentalité qui tente de briser dans le sang la recherche de solutions par le dialogue".
"Si Öcalan prend une initiative et veut ouvrir la voie à une (solution) politique, nous le soutiendrons de toutes nos forces" prévient-il.
• Condamnations de l'étranger
De nombreuses condamnations ont afflué de l'étranger, dont celle de Mark Rutte, secrétaire général de l'Otan, dont la Turquie est membre, qui a indiqué "se tenir au côté de notre allié, la Turquie".
La Maison Blanche, la France, l'Italie, la Grèce, l'Allemagne ont également exprimé leurs condoléances et leur soutien, rejoints dans la nuit par le Qatar, l'Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis.
L'Union européenne a "condamné vivement" l'attaque meurtrière perpétrée par des "terroristes" contre le siège des industries de défense de Turquie, près d'Ankara
"Aujourd'hui, le siège d'une société d'aviation turque a été attaqué par des terroristes, et il y a des morts et des blessés", a déclaré sur X le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. "Nous condamnons vivement le terrorisme sous toutes ses formes", a-t-il poursuivi, assurant la Turquie de la "solidarité" de l'UE.