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Turquie

Législatives en Turquie: le parti d'Erdogan perd la majorité absolue, le parti kurde fait son entrée au Parlement

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Le revers est historique pour Recep Tayyip Erdogan. Bien qu'arrivé en tête des élections législatives de dimanche, le parti du président turc, l'AKP, a perdu sa majorité absolue au Parlement, qu'il détenait depuis 13 ans.

Un scrutin d'ores et déjà historique pour la Turquie. Le parti du président turc Recep Tayyip Erdogan a essuyé un sérieux revers ce dimanche aux élections législatives et perdu sa majorité absolue détenue depuis treize ans au Parlement, enterrant de fait ses espoirs de renforcer son règne sans partage sur le pays.

L'AKP contraint à former un gouvernement de coalition

Selon les résultats définitifs, le Parti de la justice et du développement (l'AKP, le parti islamo-conservateur fondé par le président actuel, Recep Tayyip Erdogan, arrive sans surprise en tête du scrutin mais n'a recueilli que 40,7% des suffrages et 255 sièges de députés sur 550, le contraignant à former un gouvernement de coalition.

Elevé au rang de "faiseur de rois", le parti kurde HDP (Parti démocratique du peuple) a largement passé la barre des 10% des voix nécessaires pour être représenté sur les bancs du Parlement, avec 12,9%, obtenant ainsi 80 sièges."Nous avons remporté une grande victoire (...) ceux qui veulent la liberté, la démocratie et la paix ont gagné, ceux qui veulent l'autoritarisme, qui sont arrogants et qui se considèrent comme les seuls détenteurs de la Turquie ont perdu", a déclaré le chef de file du HDP, Selahattin Demirtas, lors d'une conférence de presse à Istanbul.

Le HDP comptait 29 sièges dans l'Assemblée sortante, élus sous l'étiquette indépendante pour contourner le seuil obligatoire des 10%. Ces députés n'avaient retrouvé leurs couleurs et formé un groupe qu'une fois en fonction. Les deux autres principaux concurrents du parti au pouvoir, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) et le Parti de l'action nationaliste (MHP, droite), obtiennent respectivement 25,1% et 16,45% des voix, soit 133 et 82 sièges.

Un revers historique pour le parti d'Erdogan

Vainqueur de tous les scrutins depuis 2002, le parti AKP se présentait pour la première fois affaibli face aux électeurs, victime du déclin de l'économie et des critiques récurrentes sur la dérive autoritaire de son chef historique, Recep Teyyep Erdogan, l'actuel président du pays.

Ce premier "raté" électoral sonne comme une sévère défaite pour Erdogan, qui avait fait de ce scrutin un référendum autour de sa personne. Premier ministre à poigne pendant onze ans, il a été élu haut-la-main président en août dernier et vise depuis la présidentialisation du régime et le renforcement de ses pouvoirs. Pour y parvenir son parti devrait totaliser au moins 330 sièges pour faire passer une réforme de la Constitution.

"Dictature constitutionnelle"

Alors que la Constitution lui impose une stricte neutralité, le chef de l'Etat a battu les estrades pendant des semaines en réclamant "400 députés" pour changer le système parlementaire actuel. Ce régime est "un obstacle au changement" et fait de la Turquie "une voiture qui tousse car son réservoir est vide", a-t-il répété.

A l'inverse, l'opposition a dénoncé ces projets, qualifiés de "dictature constitutionnelle". "J'espère que cette élection sera la bonne et que nous pourrons nous débarrasser de 'Tayyip' et de sa bande", a déclaré Ergin Dilek, un ingénieur de 42 ans qui votait à Ankara. "J'ai voté pour l'AKP aux précédentes élections parce qu'ils ont fait du bon travail. Mais je n'ai plus confiance en eux", a renchéri Murat Sefagil, 42 ans, illustrant la désaffection pour le parti au pouvoir.

La fin de la campagne a été marquée par de nombreuses violences, visant pour l'essentiel le HDP. Vendredi soir, un attentat à la bombe contre une réunion publique du parti kurde dans son fief de Diyarbakir (sud-est), a fait deux morts et plusieurs centaines de blessés, certains grièvement atteints. Comme l'opposition, le gouvernement a dénoncé une "provocation". 

A.S. avec AFP