La Turquie aux urnes pour les législatives, après une fin de campagne tendue

Des supporters de l'AKP, le parti du président turc Recep Tayyip Erdogan, lors d'un meeting à Ankara, le 5 juin. - Adem Altan - AFP
Les Turcs élisent ce dimanche leurs députés à l'occasion d'élections législatives incertaines, qui devraient aussi décider du sort de la présidentialisation du régime ardemment souhaitée par leur chef de l'Etat Recep Tayyip Erdogan. Le gouvernement islamo-conservateur et l'opposition turques ont conclu samedi leur campagne dans un climat tendu, au lendemain d'un attentat mortel qui a visé le principal parti kurde, élevé au rang d'arbitre du scrutin.
Campagne électrique
Les ténors des quatre principaux partis, comme l'incontournable président Recep Tayyip Erdogan, ont une dernière fois déroulé leurs slogans et harangué leurs partisans, au lendemain d'un attentat à la bombe qui a fait deux morts et plus d'une centaine de blessés à Diyarbakir lors d'une réunion publique du Parti démocratique du peuple (HDP).
Les premiers éléments de l'enquête ont confirmé l'origine criminelle de la double explosion, un temps attribuée à un transformateur électrique. Cette attaque a été unanimement condamnée comme une "provocation". Mais au terme d'une campagne électrique, elle n'a fait que relancer la controverse entre les principales forces politiques, signe des enjeux du scrutin de dimanche.
L'AKP menacé dans les urnes, une première
Au pouvoir depuis 2002, le Parti de la justice et du développement (AKP), fondé par Recep Tayyip Erdogan, est donné favori. Mais, victime du déclin de l'économie et des critiques récurrentes sur sa dérive autoritaire, son règne sans partage est pour la première fois menacé.
Le président du pays, Recep Tayyip Erdogan, a lui-même ajouté aux tensions en transformant l'élection en référendum autour de sa personne. Pendant des semaines, il a fait campagne pour que l'AKP décroche plus de 330 des 550 sièges de députés nécessaires à une réforme de la Constitution qui renforcerait ses pouvoirs de président.
Le principal parti kurde au rang d'arbitre
Dans cette course aux suffrages, le HDP, le principal parti kurde, a été promu au rang de "faiseur de rois". S'il franchit la barre des 10% des voix, requise pour entrer au parlement, il devrait obtenir une cinquantaine de sièges de députés et ainsi priver l'AKP des 330 sièges qu'il convoite. Les enquêtes d'opinion les plus audacieuses pronostiquent même que le HDP pourrait faire perdre sa majorité absolue à l'AKP.
Ce rôle de pivot a fait du parti kurde la cible de nombreuses attaques, parfois violentes, depuis le début de la campagne. Après l'attentat de Diyarbakir, le chef de file du HDP Selahattin Demirtas a ordonné à ses troupes de garder leur calme. Mais il a accusé le pouvoir d'en porter la responsabilité et assuré qu'il ne cèderait pas face aux "menaces".
"Cela fait deux mois que le HDP est pris pour cible et décrit comme un traître à la patrie (...) le président de la République et le Premier ministre voulaient démontrer que le HDP a mérité ce qu'il lui arrive", a-t-il dénoncé à Istanbul.
Erdogan accuse les "ennemis" du pays
En meeting dans son fief de Konya (centre), le chef de l'AKP et du gouvernement Ahmet Davutoglu a promis de "tout faire" pour retrouver les auteurs de l'attentat. "Personne ne pourra changer le destin de ces élections par la menace", a-t-il assuré.
Sur le ton plus accusateur qu'il affectionne, Recep Tayyip Erdogan a attribué l'attaque aux "ennemis" du pays, citant pèle-mêle les rebelles du Partis des travailleurs du Kurdistan (PKK), proches du HDP, sa bête noire l'imam Fethullah Gülen et le "lobby arménien".
Faisant à nouveau fi de la neutralité que lui impose la Constitution, il a étrillé l'opposition qui, a-t-il dit, "cherche à arrêter (...) la Nouvelle Turquie en marche".