BFMTV
Syrie

Syrie: vers une riposte militaire?

Des chars de l'armée syrienne dans la banlieue de Damas, le 24 août.

Des chars de l'armée syrienne dans la banlieue de Damas, le 24 août. - -

Près d'une semaine après l'attaque à l'arme chimique sur la banlieue de Damas, les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni menacent de plus en plus d'une réaction militaire, s'attirant les foudres de Moscou.

"La seule option que je n'envisage pas, c'est de ne rien faire", a affirmé Laurent Fabius, ce lundi matin, au sujet du dossier syrien. De plus en plus déterminé, le ministre des Affaires étrangères a indiqué qu'une réponse serait apportée "dans les jours qui viennent", à l'attaque chimique de mercredi dernier, que Bachar al-Assad est soupçonné d'avoir menée.

De leur côté, les forces américaines se disent prêtes à agir si nécessaire, et le chef de la diplomatie britannique, William Hague, estime qu'il est "possible" de répondre à l'usage d'armes chimiques sans l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU. Faut-il s'attendre à une intervention militaire dans les jours à venir? Les Occidentaux vont-ils agir sur place sans mandat des Nations unies? Interrogés par BFMTV.com, les experts tempèrent.

> Une intervention militaire en Syrie est-elle possible?

Actions ponctuelles. Les déclarations américaine, française et britannique de ces dernières heures ne laissent que peu de place au doute: une réaction militaire à l'attaque à l'arme chimique est désormais sérieusement envisagée.

Mais est-ce plausible? "Une intervention militaire créerait plus de problèmes que n'en réglerait", estime Yves Boyer, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, spécialiste des questions militaires. Avant de préciser: "Tout dépend de ce que l'on met derrière 'intervention militaire'. Il ne se passera rien avant que les enquêteurs de l'ONU ne rendent leur rapport. Ce serait pour le moins étrange. Mais dans l'hypothèse où Bachar al-Assad a effectivement utilisé des armes chimiques, un certain nombre d'actions militaires ponctuelles sont envisageables".

Sanction. Autrement dit, c'est l'usage avéré de gaz neurotoxiques qui pousserait les forces occidentales à intervenir, dans le cadre d'une opération-sanction visant, par exemple, des entrepôts d'armes chimiques. Une intervention punitive qui permettrait, selon Yves Boyer, de "signifier au régime syrien et à la planète entière qu'il n'est pas acceptable d'utiliser des gaz toxiques".

> Les forces occidentales peuvent-elles agir sans mandat de l'ONU?

Des précédents. Face au blocage au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, résultat de l'opposition de la Russie et de la Chine à toute mesure militaire, Etats-Unis, France et Royaume-Uni pourraient décider de mener des frappes en l'absence de mandat onusien. Comme ce fut le cas au Kosovo, en 1999, malgré le veto de la Russie. Les Etats-Unis avaient alors défendu le caractère "légitime" des frappes aériennes contre les forces serbes, à défaut de "légal". Mais aussi en Irak, en 2003, lorsque les Etats-Unis et le Royaume-Uni avaient décidé d'attaquer, malgré la désapprobation de la France, de la Russie et de la Chine.

Une stratégie paradoxale, pour Jean-Claude Allard, directeur de recherche à l'Iris, spécialiste des questions de défense et de sécurité. "Agir sans mandat en Syrie serait se mettre en dehors du droit international", explique-t-il. "Or, la France voudrait défendre ce même droit international en intervenant sur place".

Attendre les preuves. Il faut donc, avant tout chose, confirmer les suspicions de responsabilité de Bachar al-Assad dans cette attaque à l'arme chimique. "Si des preuves sont présentées, il n'est pas impossible que la Russie et la Chine revoient leur position", juge ainsi Jean-Claude Allard, qui rappelle qu'une abstention de la Russie et de la Chine lors du vote d'une résolution ouvrirait la voie à une intervention.

> Quelle forme prendrait la réaction militaire?

Riposte graduée. Pour Jean-Claude Allard, si les forces occidentales échouent à obtenir un mandat de l'ONU, une option reste "jouable": celle du renforcement des livraisons d'armes à certains éléments de la rébellion. Une solution qui resterait toutefois minimaliste puisqu'elle n'enverrait pas de message ferme à Damas.

Mais, selon l'expert, si mandat il y a, il convient de graduer la riposte militaire, en créant, dans un premier temps, une zone d'exclusion aérienne pour empêcher les bombardements chimiques. Puis en lançant des missiles de croisière sur des concentrations stratégiques de l'armée syrienne, dans un second temps.

Bombarder les stocks d'armes. De son côté, Yves Boyer estime que la stratégie occidentale s'orienterait davantage vers un bombardement des sites où sont stockées les armes chimiques, via des tirs de missiles de croisière depuis des Rafale, des sous-marins et des navires. Une option qui s'avère très complexe et risquée puisque les gaz toxiques pourraient être répandus dans l'atmosphère.

"Il y a aussi la possibilité d'infiltrer des rebelles syriens formés en Jordanie. Le mode d'intervention choisi tiendra de toute façon compte des risques encourus si l'on s'en prend directement au centre de commandement de Bachar al-Assad", résume Yves Boyer.

L'option des troupes au sol exclue. Quant à savoir si l'option des troupes au sol sera un jour envisagée –elle reste pour l'heure totalement exclue- Yves Boyer est formel: les Occidentaux n'ont aucun intérêt à s'aventurer dans un tel "bourbier". Et Jean-Claude Allard de rappeler que les soldats peuvent se retrouver face à une population qui ne soutient pas l'opposition syrienne, et décide de se retourner contre eux.

Adrienne Sigel