Armes chimiques en Syrie: les curieuses objections russes au travail des inspecteurs

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Alors que la Syrie a remis l'inventaire de ses armes chimiques à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) samedi, date limite de l'accord russo-américain, la Russie à des objections bizarres et a tenté de discréditer le travail des inspecteurs du docteur Ake Sellström, le scientifique que l'Onu a missionné pour mener l'enquête sur les armes chimiques. Le vice-ministre des affaires étrangères Sergueï Ryabkov, s'est expliqué sur la chaîne publique anglophone Russia Today, le 19 septembre, explication qui mérite un examen serré.
"Les autorités syriennes ont mené eux-mêmes des prélèvements d'échantillons et une enquête, de l'analyse en termes d'indices possible de la responsabilité des rebelles dans les épisodes tragiques à la fois du 21 août, mais aussi du 22, 23 et 24", a déclaré Ryabkov à Maria Finoshina, qui avait rejoint le vice-ministre lors de son passage à Damas pour aborder ces allégations.
Maria Finoshina poursuit: "C'est du matériel nouveau... Ce matériel a été discrètement apporté à Ake Sellström. On lui a demandé de s'y intéresser, et d'injecter ces nouveaux indices dans le rapport. En fait, rien n'a été fait."
Fausses clartés
Tout cela est très clair, mais clairement pas ce que cherche à prouver Ryabkov: il se plaint que les inspecteurs n'ont pas accepté les éléments de preuves recueillis par le gouvernement syrien lui-même et remis à une tierce partie - des officiels russes non-identifiés – pour être livrés aux inspecteurs!
C'est bien là que Ryabkov navigue dans le flou et l'absurde: les inspecteurs n'ont le droit de rien prendre d'une tierce personne, car ils sont tenus de TOUT prélever eux-mêmes dans la chaîne ininterrompue de contrôle des prélèvements. Contactez par BFMTV, le service de presse de l'OIAC a beaucoup insisté sur ce point, crucial pour leur crédibilité. Les inspecteurs n'auraient jamais pu accepter ces éléments de seconde main, pour les injecter dans le mix du rapport... c'est déjà assez toxique comme ça, a-t-on envie de dire!
Autre incongruité: la diplomatie russe n'a jamais désapprouvé le choix de Sellström. Si la diplomatie russe a à se plaindre, ce serait de Ban Ki-moon qui a ordonné les inspecteurs à ne s'intéresser dans ce premier temps. Ce même Ban Ki-moon qui a défloré le contenu du rapport intérimaire plusieurs jours à l'avance, ce qui a dû déranger Sergueï Lavrov qui était en train de négocier avec John Kerry le célèbre Accord cadre pour l'élimination des Armes chimiques, cosigné Kerry et Lavrov du 14 septembre 2013 à Genève. En fin de compte, la diplomatie russe a sorti un argument factuellement médiocre, mais médiatiquement utile, car on aurait pu s'embourber dans le doute.