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TOUT COMPRENDRE. Pourquoi Israël bombarde la Syrie pour défendre les druzes?

Des druzes défilent à Damas après la mort de membres de leur communauté dans des affrontements avec les forces syriennes, le 30 avril 2024

Des druzes défilent à Damas après la mort de membres de leur communauté dans des affrontements avec les forces syriennes, le 30 avril 2024 - AFP

L'armée israélienne a mené des frappes près du palais présidentiel syrien en représailles à des violences visant des membres de la communauté druze, quelques mois seulement après les massacres contre la minorité alaouite.

Les minorités syriennes à nouveau victimes de violences confessionnelles. Après les massacres commis par des proches du pouvoir contre les alaouites en mars dernier, ce sont les druzes qui ont été pris pour cible cette semaine.

En réaction, Israël a bombardé ce vendredi 2 mai les abords du palais du nouveau président syrien Ahmad al-Chareh à Damas, en renouvelant son avertissement aux autorités syriennes contre toute atteinte à cette minorité.

· Qui sont les druzes?

Les druzes sont l'une des nombreuses minorités ethnoreligieuses de la Syrie. Représentant 3% de la population selon les informations du Quai d'Orsay, ils vivent principalement dans le sud, notamment la province de Soueida, proche d'Israël, mais aussi dans des poches du nord-ouest et près de la capitale Damas.

Historiquement, cette communauté de farouches guerriers a joué un rôle de premier plan dans la révolte contre la puissance mandataire française sur la Syrie il y a une centaine d'années.

Les druzes adhèrent à des croyances ésotériques issues d'une branche de l'islam chiite et sont considérés avec méfiance par le courant extrémiste sunnite dont sont issues les nouvelles autorités syriennes. Les druzes font de la réincarnation un pilier de leur religion et n'admettent pas de convertis dans leurs rangs.

Même s'ils ne forment qu'une infime partie de la population de la Syrie, les druzes ont tenté de préserver une certaine liberté d'action sous la dictature du président déchu Bachar al-Assad, et la défendent face aux nouveaux dirigeants islamistes.

· Quelles sont leurs relations avec le nouveau pouvoir syrien?

La communauté druze a tenté de rester à l'écart de la guerre civile syrienne, née de la répression sanglante par Bachar al-Assad d'un soulèvement populaire en 2011, et qui a ravagé le pays.

Les druzes se sont principalement attachés à protéger ses territoires et a évité en grande partie l'enrôlement forcé dans l'armée syrienne. Ils ont formé leurs propres groupes armés, dont les principaux sont le "Mouvement de la dignité" et la "Brigade de la Montagne".

Avant la chute de Bachar al-Assad, la province de Soueida, qui se plaignait de discrimination, avait été le théâtre de manifestations antigouvernementales pendant plus d'un an.

Depuis la chute du dictateur syrien et l'arrivée au pouvoir d'Ahmad al-Chareh, ancien chef du groupe jihadiste HTS, certains groupes ont engagé des négociations avec le nouveau pouvoir central pour l'intégration de combattants au sein des forces de sécurité. 400 combattants druzes ont rejoint les forces dépendant du ministère de la Défense et 500 autres les forces de la Sécurité générale, a indiqué Rayane Maarouf, rédacteur en chef du site local Suwayda 24.

· Que s'est-il passé lundi?

Lundi soir, des combats ont éclaté à Jaramana, une banlieue de Damas à majorité druze, à Sahnaya, à 15 kilomètres au sud-ouest de la capitale, où vivent des druzes et des chrétiens, et à Soueïda, faisant 102 morts dans les deux camps, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Ces combats ont été déclenchés par une attaque de groupes armés affiliés au pouvoir à Jaramana, après la diffusion d'un message audio attribué à un druze et jugé blasphématoire à l'égard du prophète Mahomet.

Le plus influent chef religieux druze en Syrie, cheikh Hikmat al-Hajrin, a dénoncé jeudi soir une "campagne génocidaire" visant des "civils" de sa communauté, après des violences confessionnelles entre groupes armés liés au pouvoir et combattants druzes qui ont fait plus de 100 morts, selon une ONG.

Ce vendredi à l'aube, des avions israéliens ont mené une frappe visant "un secteur voisin du palais d'Ahmad al-Chareh", selon l'armée syrienne.

"C'est un message clair envoyé au régime syrien. Nous ne permettrons pas que des forces (syriennes) soient dépêchées au sud de Damas ou menacent de quelque manière que ce soit la communauté druze", ont affirmé le Premier ministre Benjamin Netanyahu et son ministre de la Défense, Israël Katz.

Les autorités syriennes, qui ont depuis réaffirmé leur "engagement ferme à protéger toutes les composantes du peuple syrien, y compris la communauté druze", ont mis en cause des éléments échappant à son contrôle. Des accords entre représentants druzes et du pouvoir avaient permis de rétablir le calme mardi soir à Jaramana puis le lendemain à Sahnaya, où des forces de sécurité ont été déployées.

· Pourquoi Israël intervient pour défendre les Druzes?

Israël se pose en protecteur des druzes, se justifiant par la présence de minorités druzes en Israël et sur le plateau du Golan, un territoire syrien occupé par l'État hébreu depuis la guerre des Six jours en 1967. À la chute de Bachar al-Assad, l'armée israélienne a étendu ses positions sur le Golan, s'emparant d'une zone tampon mise en place par l'ONU.

Depuis l'arrivée du nouveau pouvoir islamiste, Israël multiplie les gestes d'ouverture à l'égard des druzes syriens. Le gouvernement de Benjamin Netanyahu leur a envoyé des colis humanitaires et a autorisé à deux reprises des délégations de dignitaires religieux à se rendre en Israël pour un pèlerinage, malgré l'état de guerre entre les deux pays.

Israël avait affirmé vouloir défendre les druzes dès le mois de mars, à la suite d'escarmouches dans la banlieue de Damas. Toutefois, des dignitaires druzes avaient tenu à réaffirmer leur attachement à l'unité de la Syrie.

Selon l'analyste indépendant interrogé par l'AFP Michael Horowitz, Israël, "en se plaçant en protecteur de la communauté druze, espère à la fois se trouver des alliés locaux, particulièrement dans le sud syrien, mais aussi peser dans la balance à un moment où le futur de la Syrie reste incertain".

François Blanchard avec AFP