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TOUT COMPRENDRE. Pourquoi Israël a voté pour l'interdiction de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens

Des soldats israéliens marchent devant le siège de l'Unrwa à Gaza city, le 8 février 2024

Des soldats israéliens marchent devant le siège de l'Unrwa à Gaza city, le 8 février 2024 - JACK GUEZ / AFP

Le Parlement israélien a voté ce lundi 28 octobre pour interdire les activités de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) en Israël. Une mesure dont les conséquences humanitaires à Gaza risquent d'être dramatiques, et dénoncée par de nombreux acteurs internationaux.

Le Parlement israélien a voté ce lundi 28 octobre un projet de loi interdisant les activités en Israël de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), provoquant un tollé international.

· Qu'est-ce que l'Unrwa?

L'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) a été créée par l'Assemblée générale de l'ONU en 1949, après la première guerre israélo-arabe. À l'époque, alors que l'État d'Israël vient d'être créé, plus de 700.000 Palestiniens se retrouvent sans terre, après avoir été expulsés ou avoir fui les combats.

Ils détiennent, ainsi que leurs descendants, le statut de réfugiés. La mission de l'Unrwa est de fournir une assistance humanitaire et une protection aux réfugiés palestiniens enregistrés dans sa zone d'opérations et cela "dans l'attente d'une solution juste et durable à leur situation".

Forte de 30.000 employés, l'Unrwa gère notamment des centres de santé et des écoles à Gaza et en Cisjordanie, ce territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967. Fournissant abris, nourriture et soins de base, l'agence est considérée comme "la colonne vertébrale" de l'aide à Gaza, en proie à une catastrophe humanitaire.

Au total, aujourd'hui, environ 5,9 millions de Palestiniens sont enregistrés auprès de cette agence de l'ONU et 540.000 enfants étudient dans ses écoles.

· Que reproche Israël à l'Unrwa ?

Israël, depuis longtemps très critique à l'égard de l'agence, a affirmé en début d'année que 19 employés de l'Unrwa ont participé au massacre perpétré sur son sol par le Hamas le 7 octobre 2023. Le gouvernement israélien accuse également l'Unrwa d'être gangréné par le Hamas, et affirme que 1.650 employés de l'agence sont membres du mouvement islamiste palestinien.

Après ces accusations, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a nommé un comité indépendant chargé d'évaluer la "neutralité" de l'agence. En avril, ce comité présidé par l'ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna a conclu que l'Unrwa avait des "problèmes persistants de neutralité" et fait des recommandations pour améliorer le fonctionnement de cette agence "irremplaçable" pour l'aide aux Palestiniens.

Plus tard, en août dernier, une enquête interne à l'ONU a conclu que neuf employés de son agence pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) "pourraient avoir été impliqués" dans les attaques du 7 octobre.

Certains des plus gros donateurs ont suspendu leurs contributions à l'Unrwa en début d'année après les accusations d'Israël. Mais la plupart des États donateurs ont depuis repris leur soutien, à l'exception notable du principal, les États-Unis.

· Qu'a décidé Israël?

La Knesset, le Parlement israélien, a voté lundi à une écrasante majorité (92 voix contre 10) un projet de loi interdisant "les activités de l'Unrwa sur le territoire israélien", y compris à Jérusalem-Est, secteur de la ville sainte occupé et annexé par Israël depuis 1967.

Un second texte, également largement adopté (89 contre 7), interdit aux responsables israéliens de travailler avec l'Unrwa et ses employés, ce qui devrait considérablement perturber les activités de l'agence, alors qu'Israël contrôle strictement toutes les entrées de cargaisons d'aide humanitaire vers Gaza. Les deux lois prendront effet 90 jours après leur adoption, selon la Knesset.

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a toutefois affirmé qu'Israël était "prêt" à "travailler avec (ses) partenaires internationaux" pour continuer à "faciliter l'aide humanitaire à Gaza d'une façon qui ne menace pas (sa) sécurité".

· Quelles sont les réactions?

L'Unrwa a dénoncé une mesure "scandaleuse" à son encontre, alors qu'elle est le principal acteur des opérations humanitaires dans la bande de Gaza, assiégée et dévastée par plus d'un an de guerre entre Israël et le Hamas.

Le chef de l'Unrwa, Philippe Lazzarini, a dénoncé une interdiction qui "crée un dangereux précédent" et va "aggraver les souffrances des Palestiniens". "Cela ⁠ privera plus de 650.000 filles et garçons d’éducation, mettant en danger une génération entière d’enfants", affirme-t-il sur son compte X.

"Si elles étaient appliquées, les lois adoptées aujourd'hui par la Knesset d'Israël empêcheraient probablement l'UNRWA de poursuivre son travail essentiel dans les territoires palestiniens occupés, ce qui aurait des conséquences désastreuses pour les réfugiés palestiniens", a mis en garde sur le même réseau social Antonio Guterres, affirmant qu'il n'y a "pas d'alternative à l'Unrwa".

Le chef de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a lui aussi dénoncé une décision "intolérable" qui aura des "conséquences dévastatrices". "Elle contrevient aux obligations et aux responsabilités d'Israël", a-t-il ajouté, en soulignant que "l'Unrwa est une bouée de sauvetage irremplaçable pour le peuple palestinien".

Avant même le vote, les États-Unis s'étaient déclarés "très préoccupés" et "avaient exhorté le gouvernement à ne pas approuver" ce texte, selon le porte-parole du département d'État, Matthew Miller, qui a réitéré le rôle humanitaire "crucial" de l'Unrwa à Gaza.

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En France, le Quai d'Orsay a "déploré très vivement" une décision israélienne "qui aura des conséquences très graves sur la situation humanitaire", selon un communiqué.

Dans le reste de l'Europe, le Premier ministre britannique Keir Starmer s'est dit "gravement préoccupé", tandis que l'Allemagne a "critiqué vivement" cette décision. L'Irlande, la Norvège, la Slovénie et l'Espagne, quatre pays ayant reconnu l'État de Palestine, ont "condamné" dans un communiqué commun ce texte en jugeant "essentiel et irremplaçable" le travail de l'Unrwa.

Dans la bande de Gaza, le Hamas a dénoncé une "agression sioniste", tandis que son allié le Jihad islamique a condamné "une escalade dans le génocide" de la population. La présidence palestinienne a jugé pour sa part que le texte confirmait "la transformation d'Israël en un État fasciste".

François Blanchard avec AFP