Quel rôle a joué l'ONU dans la création de l'État d'Israël?

Une déclaration qui a fait monter les tensions entre Israël et la France. Après avoir appelé à un embargo pour les armes utilisées à Gaza et au Liban, soulevant l'indignation de Benjamin Netanyahu, Emmanuel Macron a de nouveau irrité le Premier ministre israélien en insistant sur le rôle de l'ONU dans la création de l'État d'Israël.
"M. Netanyahu ne doit pas oublier que son pays a été créé par une décision de l'ONU", a lancé Emmanuel Macron dans le huis clos du Conseil des ministres mardi 15 octobre, selon des propos rapportés par des participants, dans un contexte où les Casques bleus de l'ONU ont été visés au Liban par des tirs de l'armée israélienne.
"Et par conséquent ce n'est pas le moment de s'affranchir des décisions de l'ONU", aurait poursuivi le chef de l'État en s'adressant, de manière indirecte, au Premier ministre israélien. Ces propos ont été "déformés", s'est plaint ce jeudi 17 octobre le président de la République, sans éteindre la polémique.
Des propos factuellement exacts
"La déclaration d'Emmanuel Macron est factuellement juste", explique à BFMTV.com l'historienne Frédérique Schillo, autrice de La politique française à l'égard d'Israël (1946-1959) (André Versaille éditeur).
La "décision" qui a "créé" Israël, invoquée par Emmanuel Macron, est la résolution 181 adoptée le 29 novembre 1947 par l'Assemblée générale des Nations unies. Votée avec 33 voix pour (dont la France), 13 contre et 10 abstentions, elle approuvait un plan partage de la Palestine en un État juif et un État arabe.
La déclaration d’indépendance de l’État d’Israël, prononcée par David Ben Gourion le 14 mai 1948, mentionne clairement cette résolution: "En vertu du droit naturel et historique du peuple juif et conformément à la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies, nous proclamons la création d’un État juif en terre d’Israël".
"La fondation d'Israël s'inscrit aussi dans un socle légal qui remonte au mandat de la Société des nations (ancêtre de l'ONU, NDLR) qui, en 1923 (après la chute de l'empire ottoman, NDLR) confiait au Royaume-Uni la mission de créer un foyer national juif en Palestine", développe Frédérique Schillo. Ainsi, "Israël est né par le droit", résume l'historienne.
Israël, fruit d'un long processus
Toutefois, certains estiment que la création de l'État d'Israël ne peut pas se résumer à cette seule résolution. "Laisser penser que la création de l'État d'Israël est le fruit d'une décision politique de l'ONU, c'est méconnaître à la fois l'histoire centenaire du sionisme, l'aspiration millénaire des Juifs au retour à Sion et le sacrifice de milliers d'entre eux pour établir l'État d'Israël", a vivement dénoncé Yonathan Arfi, président du Crif, sur son compte X.
La proclamation d'un État hébreu est en effet le fruit d'un long processus. Dès le XIXe siècle, sous le coup des persécutions en Europe et en Russie, les juifs sont à la recherche d'un "foyer national", une quête qui se concrétise dans le mouvement sioniste. Dans les années 1920, une partie d'entre eux commencent à émigrer en Palestine, où se trouve le berceau du peuple juif.
Après la Seconde Guerre mondiale et la Shoah, cette émigration s'accélère et le projet d'un État juif prend forme. "À partir du moment où le mouvement sioniste s'installe en Palestine, tout est conçu dans la perspective d'un État juif", rappelle Jean-Paul Chagnollaud, président de l'Institut de recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orient. Ainsi, avant même la résolution de l'ONU, "les institutions israéliennes, les villes et les kibboutz étaient déjà en place", complète Frédérique Schillo.
Un État né "dans le sang" selon Netanyahu
La phrase d'Emmanuel Macron a vivement fait réagir Benjamin Netanyahu, pour qui Israël doit plus son existence à ses propres forces armées qu'à l'ONU. "Ce n'est pas la résolution de l'ONU qui a établi l'État d'Israël, mais plutôt la victoire obtenue dans la guerre d'indépendance avec le sang de combattants héroïques, dont beaucoup étaient des survivants de l'Holocauste -notamment du régime de Vichy en France", a réagi le chef du gouvernement israélien dans un communiqué.
Le Premier ministre israélien fait référence à la guerre israélo-arabe de 1948-1949, qui a éclaté après le rejet par les Palestiniens et les États arabes du plan de partage adopté par l'ONU. Le 15 mai 1948, au lendemain de la proclamation de l'État d'Israël, l'Égypte, la Jordanie, l'Irak, la Syrie ou encore l'Arabie saoudite ont attaqué l'État hébreu, qui est sorti victorieux du conflit.
Cette argumentation est "biaisée et contre-productive", selon la spécialiste d'Israël Frédérique Schillo. Car si Israël a dû affronter les États arabes qui ne reconnaissaient pas son existence légale, "le pays s'est agrandi par la force en conquérant pendant la guerre des territoires au-delà du plan de partage de l'ONU".
Pour Jean-Paul Chagnollaud, la réponse de Benjamin Netanyahu s'inscrit dans "un mépris historique de la droite et de l'extrême droite israélienne pour les Nations unies". En cause: la résolution 242 du Conseil de sécurité, votée en 1967, qui dénonce l'occupation illégale par Israël des territoires palestiniens en Cisjordanie, conquis lors de la guerre des Six jours.
Les tensions entre le gouvernement de Benjamin Netanyahu et l'ONU se sont vivement accentuées depuis le 7-Octobre. "Jusqu'à ce que ce marécage antisémite soit asséché, l'ONU sera considérée comme rien de plus qu'une farce méprisante", a lancé le Premier ministre israélien à la tribune des Nations unies le mois dernier. Son secrétaire général, António Guterres, a d'ailleurs été déclaré "persona non grata" en Israël.