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Après l'Hyper Cacher, l'exode massif vers Israël reste à confirmer

Un an après l'Hyper Cacher, l'exode des juifs de France en Israël a-t-il vraiment eu lieu?

Un an après l'Hyper Cacher, l'exode des juifs de France en Israël a-t-il vraiment eu lieu? - Kenzo Tribouillard - AFP

Depuis 2014, la France est le premier pays d'émigration vers Israël. Une tendance qui s'est confirmée en 2015, mais qui n'a pas été aussi importante qu'annoncée, malgré la tragédie de l'hyper cacher.

Au lendemain de la tuerie de l'épicerie cacher à Paris le 9 janvier 2015, Israël se préparait à accueillir un afflux massif de Juifs français. Si 2015 aura été une nouvelle année record, la ruée attendue se fait attendre.

Après l'assassinat de Yohan Cohen, Yoav Hattab, Philippe Braham et Francois-Michel Saada par le jihadiste Amedy Coulibaly dans la supérette de la porte de Vincennes, beaucoup en Israël le proclamaient: les membres de la plus grande communauté juive d'Europe (environ un demi-million de personnes), la troisième au monde, déjà éprouvés par l'affaire Merah et la multiplication d'actes antisémites, convergeraient vers Israël.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu ouvrait les bras aux juifs de France comme d'Europe, piquant au vif les dirigeants à Paris, Berlin ou Copenhague.

"Je dis aux juifs de France: votre avenir est ici, revenez dans votre patrie", déclarait-il en pleine campagne électorale.

De 7.200 à 7.900 "olim"

Les journaux israéliens écrivaient abondamment sur l'affluence de visiteurs aux stands de l'Agence juive à Paris, Lyon ou Marseille, et sur une nouvelle envolée des prix de l'immobilier que ne manquerait pas de causer la venue des "olim" (immigrants) de France.

L'année 2014 avait été historique: 7.200 personnes avaient quitté la France pour Israël, et la France était devenue le premier pays d'émigration vers Israël pour la première fois depuis la création d'Israël en 1948. L'année 2015 a battu un nouveau record, avec 7.900 personnes, selon l'Agence juive, l'organisation paragouvernementale oeuvrant à l'immigration et l'accueil des juifs en Israël.

Beaucoup "ont accéléré le processus"

Mais on est loin de certaines prédictions. "Nous attendons entre 10 et 15.000 immigrants cette année", prévoyait début 2015 Daniel Benhaim, chef de la délégation parisienne de l'Agence juive. Il y a loin entre visiter un stand de l'Agence juive et boucler ses valises du jour au lendemain, disent les experts. Les difficultés bien connues d'installation et d'intégration rencontrées par d'autres immigrants de toutes origines par le passé, mais aussi les tensions ravivées entre Israéliens et Palestiniens peuvent donner à réfléchir, disent-ils.

Quant à l'effet de l'Hyper Cacher, c'est sans doute en l'inscrivant dans une perspective longue qu'il convient de le mesurer.

"La vague d'immigration de France n'a pas commencé avec l'attentat de l'Hyper Cacher et on ne sait pas encore quelles seront les conséquences sur la communauté juive de France", admet Avi Zana, directeur d'AMI Israël, une association d'aide aux immigrants de France.

"On ne peut pas encore parler d'aliyah de détresse ni de mouvement de masse mais beaucoup de gens ont accéléré le processus après les attentats", ajoute-t-il. Le mot aliyah (littéralement la montée) désigne l'immigration juive. La classe politique accorde une attention accrue à la question. Peu après l'attentat, le gouvernement israélien avait approuvé un plan de 180 millions de shekels (45 millions de dollars) pour favoriser l'immigration des juifs de France, mais aussi de Belgique et d'Ukraine. Des propositions de loi spécifiques ont été rédigées. Mais la dureté de l'atterrissage est une réalité incontournable.

"Confirmée dans ma décision" 

Caroline Ohayon, 31 ans, arrivée en Israël en juillet 2015, affirme que les événements de janvier 2015 ne l'ont pas fait fuir la France, mais l'ont "confirmée dans (sa) décision".

"Je vivais juste à côté de l'Hyper Cacher. Comme tout le monde, j'ai été choquée. Mais, pour que le reste de ma famille et mes amis viennent, il va falloir qu'Israël prenne en main le sujet de l'intégration", souligne la jeune femme, qui était médecin à Paris et qui vient d'être employée en Israël dans une caisse-maladie.

La barrière de la langue et les problèmes de reconnaissance des diplômes de ces travailleurs très qualifiés constituent un écueil primordial. David Tibi, 46 ans, dentiste fraîchement immigré de Vincennes, a échoué à deux reprises à son examen d'équivalence, obligatoire pour exercer en Israël. "Si vous ne nous aidez pas, nous deviendrons un poids pour la société israélienne", a-t-il dit cette semaine aux membres d'une commission parlementaire dédiée aux difficultés professionnelles des immigrants de France.

Israël n'est "pas tout à fait prêt"

"L'Etat d'Israël n'est malheureusement pas encore tout à fait prêt pour accueillir ce mouvement", déplore Marc Eisenberg, qui a immigré l'an dernier et préside Qualita. Qualita veut chapeauter les associations d'aide aux nouveaux immigrants francophones et a proposé cette semaine au gouvernement un plan pour accueillir 50.000 juifs de France dans les trois ans. Un voile demeure sur la part, difficilement quantifiable de ceux qui ont fait leur "aliya", puis sont repartis.

Jé. M. avec AFP