Nucléaire iranien: "On n'a jamais été aussi près d'un accord"

Le président Hassan Rohani, ici au parlement de Téhéran le 10 novembre, est mieux disposé que son prédécessur. - -
Après dix ans de tensions, et malgré les attaques de l'ayatollah Khamenei contre Israël, on entrevoit un espoir au bout du tunnel. Pour la troisième fois en cinq semaines les grandes puissances et l'Iran discutent ce mercredi à Genève du programme nucléaire de Téhéran.
Mais si ces discussions échouent, les tensions risques de s'accroître. BFMTV.com fait le point sur des négociations décisives.
Que sait-on du nucléaire iranien?
Israël et les Occidentaux accusent l'Iran de vouloir se doter de la bombe atomique sous couvert de nucléaire civil, ce que dément Téhéran.
En réalité, "on n'a jamais eu de preuves que l'Iran voulait construire la bombe atomique", décrypte Thierry Coville, chercheur à l’IRIS, spécialiste de l’Iran, "tout le débat est là".
Des indices alimentent la position occidentale, notamment une usine secrète à Natanz, dévoilée en 2002. "Si on regarde les faits, l'Iran, signataire du traité de non prolifération (TNP), a le droit d'enrichir de l'uranium. Mais ils ont joué au chat et à la souris avec l'AIEA" (Agence internationale de l'énergie atomique), analyse Thierry Coville.
"D'autres pays enrichissent de l'uranium", rappelle le chercheur,"mais l'Iran, qui possède des réserves de pétrole et de gaz, a développé ses connaissances sans produire beaucoup d'électricité. Cela alimente les soupçons. Les Iraniens justifient cette position par la volonté d'économiser leurs ressources pétrolières pour les exporter. Il y a une logique économique."
Le risque militaire existe-t-il? Oui et non, en tout cas indirectement, estime Thierry Coville: "selon plusieurs spécialistes, le but de l'Iran est de maîtriser complètement la technologie pour pouvoir construire une bombe en quelques semaines si besoin". Directeur de recherches au CNRS spécialiste de l'Iran, Bernard Hourcade estime que "l'Iran ne veut pas de la bombe aujourd'hui" même s'il n'exclut vraisemblablement pas de l'avoir "un jour".
Qui négocie?
Une discussion plénière entre l'Iran et les 5+1 (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne plus Allemagne) est programmée ce mercredi.
Les puissances occidentales veulent officiellement garantir la sécurité d'Israël. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu tente donc de faire pression sur les Occidentaux et la Russie pour un accord "a minima".
"Toute la stratégie occidentale, c'est qu'on ne fait pas confiance à l'Iran parce qu'on pense connaître leurs intentions", décrypte Thierry Coville.
Quelles sont les "lignes rouges" posées par Téhéran?
Le guide suprême d'Iran, Ali Khamenei, a demandé ce mercredi aux négociateurs iraniens de respecter les "lignes rouges". "J'insiste sur la consolidation des droits nucléaires de l'Iran", a-t-il déclaré.
Ces "lignes rouges" sont notamment l'enrichissement d'uranium sur le sol iranien et le refus de fermer le site souterrain d'enrichissement de Fordo. Dans son discours, le guide a également affirmé qu'Israël était "voué à la disparition", une phrase qui va compliquer les négociations.
Quels sont les points de négociations?
Le texte présenté par les grandes puissances évoque notamment:
• Les procédures d'inspection: Les inspecteurs internationaux peuvent d'ores et déjà effectuer des contrôles. Mais l'Iran n'est pas signataire du protocole additionnel du Traité de Non Prolifération qui autorise les visites surprises.
• L'arrêt de l'enrichissement à 20%: Cet enrichissement est considéré comme une étape importante vers un enrichissement à des fins militaires (à 90 %). L'enrichissement à 20% est utilisé à des fins médicales (il n'est que de 2 ou 3% pour produire l'électricité).
• La réduction du stock (185 kg d’uranium enrichi à 20 %): plusieurs solutions sont évoquées, transfert à l’étranger, conversion en oxyde ou dégradation à 5 %.
• L'arrêt de la construction de la centrale à eau lourde d'Arak, c'est la France qui a insisté sur ce point, mais aussi le refus de fermer le site souterrain d'enrichissement de Fordo ou l'arrêt du programme plutonium.
En échange, les 5+1 s'engagent à
• L'allègement des sanctions économiques: depuis 2002, les Etats-Unis ont imposé des embargos sur les banques et font pression pour réduire toutes les négociations économiques avec l'Iran. De plus, un embargo européen sur le pétrole iranien a été prononcé en septembre 2011.
Les négociations ont-elles une chance d'aboutir?
"Depuis 2002, on a frôlé plusieurs fois la guerre entre les Etats-Unis et l'Iran. Et on n'a jamais été aussi près d'un accord. C'est mieux pour tout le monde qu'ils se reparlent. C'est pour cela que la position de fermeté française a froissé", selon Thierry Coville.
A plusieurs reprises, les négociations ont été totalement bloquées, mais le nouveau président, Hassan Rohani, est mieux disposé que son prédécesseur Mahmoud Ahmadinejad."S'il n'y a pas d'accords, Rohani sera affaibli et d'autres groupes iraniens plus radicaux pourraient en profiter", analyse Thierry Coville. un cas de figure dont personne ne sortirait gagnant.
De très fortes tensions avec Israël en toile de fond
Une nouvelle ombre plane cependant sur ces discussions: l'ayatollah Khamenei a attaqué ce mercredi l'Etat hébreu, le "chien enragé de la région" qui est selon lui "voué à la disparition".
De son côté, l'Etat hébreu, "part du principe que l'Iran est une menace existentielle", comme l'explique Thierry Coville, et fait pression pour que l'accord soit le plus restrictif possible.