Cécile Kohler et Jacques Paris inculpés en Iran: qu'est-ce que la "corruption sur terre" dont sont accusés les Français?

La présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, lors du dévoilement des portraits de Jacques Paris et Cécile Kohler. (Photo d'illustration) - BFMTV
Ils risquent la peine de mort. Cécile Kohler et Jacques Paris, deux Français détenus depuis le 7 mai 2022 à la prison d'Evin (Iran) ont été inculpés ce mercredi 2 juillet pour "espionnage pour le Mossad", "complot pour renverser le régime" et "corruption sur terre".
"Une provocation" pour Emmanuel Macron qui a menacé Téhéran de "mesures de rétorsion".
Des chefs d'accusation surprenants, aussi, notamment concernant la "corruption sur terre": une spécificité de la justice islamique qui détaille une incompatibilité entre le comportement d'une personne et la religion.
Corruption vis-à-vis du Dieu
En Iran, le régime des Mollah base son droit sur Dieu. Une réalité parfois complexe à saisir du point de vue des démocraties occidentales, comme en France, et qui ont pour habitude la résolution de litiges juridiques sans qu'il ne soit fait mention de la religion.
Une toute autre réalité à Téhéran, où le fait de mener une vie en contradiction avec la Charia (comprenez la loi islamique) peut aboutir à une condamnation grave: celle de "corruption sur terre". S'il devait y avoir confirmation de ce chef d'inculpation à l'encontre de Cécile Kohler et de Jacques Paris, l'issue pourrait être la peine de mort.
C'est le sort qui avait été réservé au militant politique suédois d'origine iranienne Habib Farjollah Chaab en 2023. Reconnu coupable de "corruption sur terre", le fondateur du Mouvement de lutte arabe pour la libération d'Ahwaz avait été exécuté par pendaison suite à un son procès.
Les leviers occidentaux
Face à la politique iranienne d'enrichissement d'uranium, les pays occidentaux menacent Téhéran d'un "snapback". C'est-à-dire de décider de la mise en place d'un mécanisme permettant de réimposer des sanctions internationales allégées dans le cadre d'un accord conclu en 2015.
Cet accord, signé à Vienne avec les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU (France, Allemagne, Royaume-Uni, Chine, Russie, Etats-Unis), prévoyait d'encadrer le programme nucléaire iranien, en contrepartie d'un allègement des sanctions internationales.
En 2018, Donald Trump avait retiré unilatéralement les États-Unis de l'accord auquel se conformait Téhéran, selon l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA). En représailles, Téhéran a considérablement augmenté ses réserves de matières enrichies et porté le seuil à 60%, inférieur aux 90% nécessaires à la fabrication de l'arme atomique, mais très loin du plafond de 3,67% fixé par l'accord de Vienne.
La résolution 2231 du Conseil de sécurité, qui endosse cet accord, prévoit une clause appelée "snapback" permettant de réimposer les sanctions en cas de violation de l'accord. Ce texte expire le 18 octobre 2025. Selon cette résolution, tout "État participant" à l'accord peut déclencher ce mécanisme en saisissant le Conseil de sécurité d'une plainte sur le "non-respect notable d'engagements d'un autre participant".
Dans les 30 jours suivant cette "notification", le Conseil doit se prononcer par un vote sur un projet de résolution visant à confirmer la levée des sanctions: si l'État plaignant veut au contraire les rétablir, il peut opposer son veto à cette résolution, rendant le "snapback" automatique. Cette option est évoquée par la France au lendemain de la décision iranienne de suspendre sa coopération avec l'AIEA.
De son côté, l'Iran a réaffirmé par la voix de son chef de la diplomatie Abbas Araghchi ce jeudi 3 juillet son attachement au Trait de non-prolifération nucléaire.