La justice française refuse la remise du militant antifasciste "Gino" Abazaj à la Hongrie

L'activiste antifasciste albanais Rexhino Abazaj « Gino » pose lors d'une séance photo à Paris (France), le 4 avril 2025. Après cinq mois passés à la prison de Fresnes, Rexhino Abazaj a été libéré sous contrôle judiciaire le 26 mars 2025. (Photo d'illustration) - BERTRAND GUAY / AFP
La justice française a refusé, ce mercredi 9 avril, de remettre à la Hongrie le militant antifasciste albanais Rexhino Abazaj, alias "Gino", invoquant par ailleurs "des risques" concernant la torture et le droit à un procès équitable dans ce pays de l'Union européenne.
Militant pour le droit au logement, "Gino" est accusé par la Hongrie, comme une dizaine d'autres personnes, d'avoir "brutalement attaqué des néonazis" à Budapest en février 2023 alors qu'une commémoration était organisée par des néonazis dans la capitale hongroise.
Arrêté à Paris en novembre 2024, "Gino" avait été remis en liberté sous contrôle judiciaire le 26 mars dernier, fort du soutien de nombreuses personnalités. Il attendait de connaître la position de la cour d'appel de Paris sur une éventuelle remise à la Hongrie qui le réclame.
Menacé hors des frontières françaises
Ce mercredi, lors du délibéré, le président de la chambre des extraditions a évoqué plusieurs raisons justifiant le refus de remettre le trentenaire à Budapest.
"Il existe des risques d'atteintes aux droits garantis" par des articles de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), relatifs à l'interdiction de la torture et au droit à un procès équitable, a-t-il notamment souligné.
La chambre des extraditions a aussi levé le contrôle judiciaire du militant. Mais "si vous franchissez les frontières", "un autre pays peut mettre à exécution le mandat européen qui est toujours diffusé", a prévenu le président en s'adressant à Rexhino Abazaj. Le mandat avait été émis en novembre 2023.
"Une décision très positive"
Crâne rasé, lunettes, costume foncé et cravate rouge, "Gino" est sorti de la salle d'audience accompagné de sa famille, sous les applaudissements de ses soutiens.
"Je peux rester en France, je suis protégé du régime hongrois qui favorise le néofascisme et livre une chasse à l'antifascisme", a réagi auprès de l'AFP l'Albanais qui a grandi en Italie et passé plusieurs années en Finlande, avant d'arriver en France en 2024.
Le trentenaire a aussi salué "une décision très positive" pour lui, mais également pour les autres militants. "Il y a d'autres antifascistes recherchés par la Hongrie, d'autres en prison, mais la France a montré aujourd'hui qu'elle ne doit pas être soumise à la demande d'un pays comme la Hongrie, autoritaire et néofasciste", a-t-il estimé.
Les autres pays européens "peuvent décider de suivre l'exemple des juges français", a espéré le militant, qui a reçu, via plusieurs tribunes, le soutien de plusieurs centaines de personnalités, dont l'ex-ministre française de la Justice Christiane Taubira ou le cinéaste britannique Ken Loach.
"C'est une décision courageuse, qui n'aborde pas seulement les conditions de détention, mais aussi l'indépendance de la justice hongroise vis-à-vis du pouvoir politique hongrois", a abondé Maître Youri Krassoulia, l'un de ses avocats. "Dans cette affaire, l'indépendance des juges n'est pas assurée tant la dimension est politique", a ajouté Maître Laurent Pasquet-Marinacce, son autre conseil.
Viktor Orban critiqué pour sa dérive autoritaire
D'autres militants avaient été arrêtés en février 2023. Comme Ilaria Salis, enseignante italienne, incarcérée plus d'un an en Hongrie, puis assignée à résidence, avant d'être libérée après son élection au Parlement européen. À l'instar de Gino, la justice italienne a refusé de remettre Gabriele Marchesi, Italien de 24 ans arrêté en novembre 2023 à Milan, à la Hongrie.
Au contraire, Maja T., activiste allemand de 24 ans qui se considère non-binaire, a été remis par l'Allemagne à la Hongrie à l'été 2024.
Depuis son retour à la tête du pays en 2010, le Premier ministre hongrois Viktor Orban a renforcé son emprise tout en mettant au pas les contre-pouvoirs, une dérive autoritaire condamnée à plusieurs reprises par la Commission européenne et sanctionnée par la justice européenne.