Pourquoi la livraison d'armes à sous-munitions à l'Ukraine est contestée par les ONG

À la veille du 500e jour de guerre en Ukraine, les Etats-Unis ont annoncé ce vendredi qu'ils allaient fournir des armes à sous-munitions à Kiev dans le cadre d'une nouvelle aide militaire d'un montant de 800 millions de dollars.
Une décision qui répond aux demandes d'armes de l'Ukraine engagée dans une vaste contre-offensive contre les forces russes, mais "très difficile" à prendre, pour Joe Biden.
Jusqu'à 600 charges explosives dispersées
Et pour cause, ces armes sont connues pour avoir des conséquences dramatiques pour les civils. Elles sont conçues pour disperser ou libérer des petites charges explosives, de plusieurs dizaines à plus de 600, avant, après ou au moment de l'impact au sol, et ce de façon indiscriminée sur une zone supérieure à plusieurs terrains de football.
Militairement, elles permettent de frapper un grand nombre de soldats ennemis, de rendre inutilisable une piste d'aéroport ou de miner un vaste territoire pour gêner la progression du camp adverse.
Mais, en violation du droit international humanitaire, elles frappent indistinctement civils et militaires. Les experts affirment qu'entre 5 et 40% des sous-munitions n'explosent pas à l'impact et peuvent ainsi rester dans le sol pendant des décennies.
C'est pourquoi 123 pays ont interdit l'utilisation et la production de ces armes dans le cadre de la Convention d'Oslo de 2008 - mais ni les États-Unis, ni l'Ukraine, ni la Russie n'en sont parties prenantes.
"Une peine de mort pour les civils"
De nombreuses organisations humanitaires ont d'ailleurs vivement contesté l'annonce de Washington d'en livrer à Kiev.
"C'est une peine de mort pour les civils sur le long terme. Il y a des personnes qui ne sont pas encore nées qui en seront les victimes", a dénoncé Baptiste Chapuis, de l'organisation Handicap International - Humanity and Inclusion (HI).
Pour l'organisation américaine Arms Control Association l'envoi de ces armes est "escalatoire, contre-productif et ne ferait qu'augmenter le danger pour les populations civiles", quand Amnesty International dénonce un "pas en arrière" des Etats-Unis.
En effet, Washington a utilisé ces armes en Irak et en Afghanistan avant de les abandonner en 2002 et 2003 en raison de leurs effets désastreux.
D'après le Cluster Munition Monitor, qui rassemble plusieurs ONG spécialisées, les civils représentent 97% des victimes (tuées ou blessées) de ces armes, dont 66% sont des enfants, dans les zones où l'âge est pris en compte par les statistiques.
Kiev s'engage à respecter cinq principes
De son côté, le ministre ukrainien de la Défense a "salué" sur Twitter cette annonce et rappelé que la Russie fait déjà usage de ces armes "depuis le premier jour" de l'invasion en Ukraine "de manière indiscriminée".
Il s'est ensuite engagé à respecter cinq principes dans l'utilisation des armes à sous-munitions. D'abord, elles seront uniquement utilisées sur le territoire ukrainien, et pas en Russie, et cela seulement en dehors des zones urbaines pour limiter le risque de toucher des populations civiles.
"Les armes à sous-munitions ne seront utilisées que dans les zones où il y a une concentration de militaires russes", a ajouté Oleksii Reznikov. "Elles seront utilisées pour percer les lignes de défense ennemies avec un minimum de risques pour la vie de nos soldats."
Il a ensuite promis de tenir un registre des lieux où elles sont utilisées et ce sont ceux qui seront déminés en priorité "après la désoccupation de nos territoires et notre victoire". L'Ukraine assure qu'elle rendra aussi des comptes à ses alliés sur l'usage de ces armes et leur efficacité.