Boutcha, frappes, bombes au phosphore: ces crimes de guerre dont la Russie est accusée

Le dossier contre le Kremlin ne cesse de s'alourdir. Tandis que l'invasion russe en est à son 40e jour, la liste des crimes de guerre que l'envahisseur est accusé d'avoir commis contre les Ukrainiens s'allonge encore. Le massacre des civils de Boutcha rejoint ainsi l'ensemble des exactions attribuées à la Russie.
Avant ça, le pouvoir de Vladimir Poutine et son armée s'étaient vus accuser de cibler des infrastructures civiles par leurs frappes et d'utiliser des armes non-conventionnelles.
• Motyzhin, Boutcha: les civils, premières victimes de la guerre russe
Au premier rang des crimes de guerre commis par la Russie, on déplore d'abord les massacres de civils. Depuis la fin de semaine dernière et ce week-end, le repli des Russes hors de la région de Kiev a révélé des actes particulièrement atroces. Entre autres, on peut citer l'exécution du maire de Motyzhin ainsi que de trois membres de sa famille.
Mais c'est le carnage de Boutcha qui concentre à présent l'attention locale et internationale. D'après le décompte livré ce lundi sur notre antenne par le maire de cette ville située à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Kiev, on déplore au moins 290 civils tués sur place. Un bilan dont l'élu, Anatoly Federuk, a encore jugé qu'il pourrait monter jusqu'à 350 - "tous des civils" - quand l'ensemble de la commune aura pu être passée au peigne fin.
Selon le maire, "toutes ces personnes ont été abattues, tuées, d'une balle à l'arrière de la tête". Anatoly Federuk a mis en exergue quelques-unes des scènes les plus criantes parmi celles qu'on lui a rapportées: "Une femme enceinte avec deux enfants avec le mari portant une pancarte indiquant qu'ils allaient consulter un médecin... les Russes les ont tués."
L'élu a encore évoqué des cas de torture: "Dans les caves, des hommes entre 20 et 30 ans ont été torturés, sûrement parce qu'ils étaient considérés comme une menace". "C'était un safari, une chasse à l'homme", a-t-il conclu.
Un "mécanisme spécial" pour enquêter
C'est d'ailleurs pour juger ces exactions que le président ukrainien Volodymyr Zelensky a demandé la mise en place d'un "mécanisme spécial" pour enquêter sur "les crimes de guerre russe" dès dimanche à la télévision. Le chef d'Etat est allé plus loin, parlant d'un "génocide".
"Oui, c'est un génocide (...) Nous avons plus de 100 nationalités en Ukraine. Il s'agit de la destruction et de l'extermination de toutes ces nationalités", a-t-il assuré auprès de CBS.
En réponse, la communauté internationale s'active déjà. "Ces massacres sanglants commis par des Russes, des soldats russes, méritent d'être appelés par leur nom. C'est un génocide, et il doit être jugé", a ainsi glissé à la presse ce lundi le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki qui a enchaîné: "C'est pourquoi nous proposons de mettre en place une commission internationale pour enquêter sur ce crime de génocide."
"Nous allons faire tout notre possible pour que ceux qui ont perpétré ces crimes de guerre ne restent pas impunis et puissent comparaître devant les tribunaux, dans ce cas précis devant la Cour pénale internationale", a lancé pour sa part le Premier ministre Pedro Sanchez à l'issue d'un forum économique ce lundi.
Selon le dernier décompte dévoilé par le parquet général ukrainien, on peut déjà établir le meurtre de 410 civils dans la région de Kiev libérée des Russes.
• Frappes criminelles sur Marioupol
Boutcha n'est malheureusement pas - et loin de là - la seule ville-martyre que compte l'Ukraine. Ainsi, d'après son maire, Tchernihiv, elle aussi située dans le nord du pays, a été "détruite à 70%" par l'agresseur russe. Mais avant Boutcha et Tchernihiv, c'est Marioupol qui s'affirmait bien malgré elle comme la ville ukrainienne ayant payé le plus lourd tribut à la guerre.
Sur la ligne de front depuis les premiers temps du conflit, Marioupol - petit port de la Mer d'Azov dans le sud-est du pays - subit un terrible siège depuis plus d'un mois. Sa détresse a ému le monde entier au point qu'une opération humanitaire de grande ampleur y a été déployée pour en évacuer la population civile. Dimanche, un représentant de la Croix-Rouge interrogé par franceinfo chiffrait déjà à "cinq" le nombre de vaines tentatives pour aider à faire sortir les 130.000 civils encore pris au piège dans la ville.
La ville s'est imposée dans l'actualité dès le 16 mars dernier lorsque son Théâtre dramatique a été réduit en cendres par les frappes de l'aviation russe. Les sous-sols de l'endroit servaient de refuge à la population civile. Pour se prémunir contre un tel bombardement, les réfugiés avaient d'ailleurs pris soin d'écrire le mot "ENFANT" en lettres capitales sur le parvis et à l'arrière de l'édifice. Précautions apparemment inutiles: le bilan demeure incertain mais les autorités ukrainiennes ont avancé celui d'au moins 400 morts.
Mercredi dernier, Kiev a de surcroît accusé Moscou de s'être rendu responsable d'un crime de guerre supplémentaire à Marioupol en bombardant un bâtiment du Comité international de la Croix-Rouge.
• Bombes à sous-munitions, au phosphore: l'armement russe incriminé
Très tôt, l'arsenal utilisé sur le champ de bataille par la Russie a également été incriminé par plusieurs observateurs internationaux. L'ONG Human Rights Watch a accusé la Russie d'avoir fait usage de bombes à sous-munitions, notamment à Kharkiv dès le "28 février". Ces armes comportent un conteneur, rempli de projectiles explosifs, soit les "sous-munitions" en question.
Une conception qui interdit toute précision et met directement en danger les civils à proximité des combats. En conséquence, les armes à sous-munitions sont explicitement prohibées par la Convention d'Oslo de 2008. Convention dont la Russie n'est cependant pas signataire.
La Russie est enfin accusée d'avoir eu recours à un autre type d'engins dont l'emploi contre les civils est là aussi interdit par les textes internationaux: les bombes au phosphore. Cet armement rempli de phosphore blanc, un composé s'enflammant à l'air, peut provoquer d'importantes brûlures voire des incendies.
Le maire d'Irpin, près de Kiev, a affirmé que les troupes russes en avaient fait usage contre ses administrés le 24 mars dernier. L'ambassadeur d'Ukraine en France a quant à lui déclaré que des bombes au phosphore avaient également éclaté à Izioum, au sud de Kharkiv.
Un faisceau de soupçons qui doit désormais pousser la communauté à réagir. Commentant le carnage de Boutcha à l'issue d'un forum économique, le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez a d'ailleurs promis: "Nous allons faire tout notre possible pour que ceux qui ont perpétré ces crimes de guerre ne restent pas impunis et puissent comparaître devant les tribunaux, dans ce cas précis devant la Cour pénale internationale". "Nous proposons de mettre en place une commission internationale pour enquêter sur ce crime de génocide", a suggéré quant à lui le chef du gouvernement polonais, Mateusz Morawiecki devant la presse.
