Guerre en Ukraine: pourquoi un accord de trêve est encore loin, malgré l'appel Trump-Poutine

Des militaires ukrainiens conduisent un véhicule blindé sur une route de la région de Donetsk, le 17 mars 2025. - Roman PILIPEY / AFP
Un rendez-vous très attendu aux résultats limités. Donald Trump et Vladimir Poutine se sont entretenus ce mardi 18 mars à propos de la guerre en Ukraine, déclenchée en février 2022 par l'invasion de l'armée russe. Près de deux heures au bout desquelles le président américain a obtenu bien moins qu'espéré de la part de son homologue russe, lui qui avait pourtant assuré qu'il réglerait le conflit en 24 heures une fois de retour au pouvoir.
"On ne voit pas les concessions que Vladimir Poutine a accepté", commente auprès de BFMTV.com le général Jérôme Pellistrandi, spécialiste des questions internationales.
Seul engagement que la Russie se dit prête à respecter: un cessez-le-feu sur les infrastructures énergétiques pendant 30 jours. De son côté, l'Ukraine, qui n'est pas associée aux pourparlers américano-russes, avait accepté le principe d'un arrêt complet des hostilités.
Un cessez-le-feu total n'a pas été annoncé, Vladimir Poutine estimant que les conditions ne sont pas réunies. Si les dirigeants américain et russe ont convenu de commencer "immédiatement" des négociations, qui doivent se tenir au Moyen-Orient, sur un arrêt progressif des hostilités, une trêve, même limitée, semble donc encore loin. Et la fin de la guerre d'autant plus.
• Un cessez-le-feu limité aux sites énergétiques
Concernant le premier cessez-le-feu partiel de 30 jours, que l'Ukraine doit encore officiellement accepter, les États-Unis ont pour leur part assuré que la trêve devait concerner toutes les infrastructures, ce que le porte-parole du Kremlin a démenti mercredi, insistant sur le fait que seules "les infrastructures énergétiques" étaient couvertes par l'engagement russe.
Réagissant à cette annonce, le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius a déclaré que l'engagement de Vladimir Poutine n'était "fondamentalement rien", car les infrastructures énergétiques sont déjà celles qui sont "les mieux protégées" en Ukraine.
Centrales thermiques, réseaux de distribution... Depuis le début de l'invasion, la Russie tente d'affaiblir le système énergétique ukrainien. Des coupures de courant sont régulières à travers le pays.
Un tel accord de cessez-le-feu bénéficierait également à la Russie car depuis plusieurs mois, l'armée ukrainienne s'attaque à son tour aux ressources énergétiques de son voisin. Ce mercredi matin, une attaque de drones a ainsi touché un dépôt pétrolier de la région de Krasnodar.
En outre, cette annonce arrive à un moment où les structures énergétiques ont moins d’importance avec le retour de températures plus clémentes et des jours plus longs.
• Les frappes se poursuivent
Sur le terrain, pour le moment, rien n'a changé. Peu après l'échange entre Donald Trump et Vladimir Poutine et cette annonce d'une trêve limitée, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé que son pays avait fait l'objet de nouvelles frappes russes.
Moscou et Kiev se sont mutuellement accusés d'attaques aériennes dans la nuit de mardi à mercredi. La Russie a tiré six missiles et 145 drones, selon l’armée ukrainienne. Les forces de défense arienne russes ont pour leur part annoncé avoir abattu 57 drones.
"Donald Trump n'a pas obtenu grand-chose, on voit bien que la guerre continue", commente ainsi Jérôme Pellistrandi.
"Nous avons constaté que les attaques contre les infrastructures civiles n'ont absolument pas diminué durant la première nuit suivant cet appel téléphonique soi-disant révolutionnaire et formidable", a déclaré le ministre allemand de la Défense. "Poutine joue à un jeu", a-t-il affirmé.
• Des conditions russes "pas réalistes"
L'entretien entre Vladimir Poutine et Donald Trump montre que la Russie n'est pas prête à faire des "concessions" sur l'Ukraine, a affirmé ce mercredi la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas.
En effet, pour le reste, le président russe, sans s'engager à un cessez-le-feu total, a exigé la fin du "réarmement" de l'Ukraine et l'arrêt de l'aide occidentale à Kiev. Cette demande "ne peut être acceptée", a commenté Kaja Kallas.
Le gouvernement français a également estimé que les conditions de Vladimir Poutine n'étaient "pas réalistes".
Les pays européens sont, effectivement, dans une démarche inverse. Ce mardi par exemple, le chancelier allemand Olaf Scholz, le Premier ministre britannique ainsi qu'Emmanuel Macron ont assuré l'Ukraine de la poursuite de l'aide militaire. L'Union européenne va d'ailleurs présenter un plan pour "réarmer l'Europe".
"Ce sont des aides indispensables pour les Ukrainiens, ils ne pourraient pas tenir très longtemps sans", concède Jérôme Pellistrandi. Selon lui, la Russie "veut une capitulation de l'Ukraine".
"S'ils parviennent à interdire toute aide militaire à l'Ukraine, ils seront libres de poursuivre, car les Ukrainiens ne peuvent pas se défendre. Il est donc clair que cela ne peut pas fonctionner", a abondé dans ce sens la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas. "Ce que la Russie souhaite, c'est que l'Ukraine baisse la garde", a-t-elle dit.
• Des négociations sur la mer Noire qui bénéficieront à l'armée russe
Outre un arrêt temporaire des frappes sur les infrastructures énergétiques, les futures négociations, qui devraient commencer dimanche en Arabie saoudite, pourraient notamment porter sur les opérations en mer Noire. Ce notamment ce qu'a indiqué Steve Witkoff, émissaire de la Maison blanche.
Les États-Unis ont ainsi évoqué des "négociations techniques sur la mise en place d'un cessez-le-feu maritime en mer Noire".
Une démarche approuvée par Vladimir Poutine qui, selon le Kremlin, a "réagi de manière constructive à l'idée de Donald Trump de mettre en œuvre une initiative bien connue concernant la sécurité de la navigation dans la mer Noire".
Toutefois, là encore, c'est un processus qui pourrait bénéficier plus à la Russie qu'à l'Ukraine. "La marine russe a été humiliée en mer noire, elle est repliée à l'Est", rappelle à cet égard Jérôme Pellistrandi, qui ajoute:
"Les Ukrainiens ont déjà remporté la bataille de la mer Noire".
L'Ukraine a ciblé avec succès des navires de guerre russes avec des drones et des missiles, les repoussant hors de vastes zones cet espace maritime. L'un de ses succès les plus spectaculaires a été le naufrage du croiseur amiral russe Moskva en 2022. Les victoires de l'Ukraine lui ont permis de lancer en 2023 un corridor dans la mer pour acheminer ses céréales et autres produits agricoles.
• Absence de discussions sur l'intégrité territoriale
Les comptes-rendus du Kremlin et de la Maison Blanche publiés à l'issue de l'appel entre les dirigeants russe et américain n'ont pas évoqué la question brulante de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
En outre, dans les deux communiqués diffusés ce mardi, aucune mention n’est faite de l’Ukraine comme acteur, et non sujet. Pas davantage des Européens.
Donald Trump s'était déjà dit prêt à parler de "partage" entre l'Ukraine et la Russie, qui réclame cinq régions ukrainiennes dont la Crimée, annexée en 2014. Dans les territoires occupés de l'est de l'Ukraine, la Russie a d'ailleurs annoncé avoir terminé de délivrer des passeports russes aux habitants.
Autre point chaud non abordé: une possible future adhésion de l'Ukraine à l'Otan, ce qui est depuis toujours une ligne rouge pour la Russie.
• L'objectif est de "faire traîner"
"Cet appel n'est pas une étape décisive dans la résolution du conflit", résume Jérôme Pellistrandi. "L'objectif doit rester le même, avoir un cessez-le-feu mesurable et vérifiable", a réclamé à ce propos Emmanuel Macron ce mercredi.
Même si l'on arrivait à un cessez-le-feu, il ne serait que que la première étape d’un long processus visant à garantir une paix véritable et durable, qui passerait certainement pas des garanties de sécurités, via l'appui européen ou un réarmement de l'Ukraine, ce que Vladimir Poutine rejette pour l'heure.
Car la volonté russe de domination de l'Ukraine n’a pas changé. "Les buts de la guerre n'ont pas changé: la démilitarisation du pays, le changement de régime, la rectification des frontières... Tout ce que les Ukrainiens ne peuvent pas admettre", explique Jérôme Pellistrandi.
Selon le spécialiste, "l'intérêt des Russes, c'est de faire traîner au maximum les négociations pour poursuivre l'usure des Ukrainiens".