Face à la multiplication des attentats, y a-t-il un phénomène d'accoutumance?

Des Barcelonais font un footing sur La Rambla, le 18 août 2017, au lendemain de l'attaque à la voiture-bélier perpétrée sur cette artère du centre de la ville. - Javier Soriano - AFP
Paris, Bruxelles, Londres, Barcelone, mais aussi Stockholm, Manchester, Nice, Berlin: l'Europe a été confrontée depuis 2015 à une multiplication des attentats commis sur son sol. Un phénomène face auquel les Européens semblent s'être résignés. Explications.
Vendredi 18 août, moins de 24 heures après la terrible attaque perpétrée en plein coeur de la ville, la vie reprenait son cours à Barcelone. De nombreuses images télévisées montraient une foule dense se pressant comme chaque jour sur les Ramblas, la fameuse artère visée jeudi par une attaque à la voiture-bélier, poumon névralgique du centre-ville historique et touristique de la cité catalane.
Tout en se recueillant pour rendre hommage aux victimes, Barcelonais comme touristes semblaient déterminés à reprendre le cours normal de leur vie et reprendre possession des lieux, après le carnage survenu la veille, et dans lequel au moins 14 personnes ont perdu la vie et une centaine d'autres ont été blessées. La même volonté d'aller de l'avant avait été observée au Royaume-Uni, pourtant touché à trois reprises par le terrorisme en moins de trois mois.
Un retour à la "normale" rapide, contrastant avec la stupeur et le vide qui avaient régné pendant plusieurs jours dans les rues de Paris et Bruxelles, après les attentats de novembre 2015 et mars 2016. Dès lors une question se pose: face à la multiplication des attentats depuis 2015, et alors que de nombreuses villes majeures du continent ont désormais été touchées, les Européens ont-ils développé une relative accoutumance?
"Un sentiment d'impuissance collective"
Pour le psychologue et criminologue Jean-Pierre Bouchard, le fait que le grand public passe désormais rapidement à autre chose après un attentat, même si celui-ci s'est déroulé à proximité, n'est pas à proprement parler un phénomène "d'accoutumance". "Il n'y a plus d'effet de surprise car les gens savent que cela peut arriver n'importe quand et n'importe où", fait valoir le spécialiste, interrogé par BFMTV.com.
"C'est plutôt un sentiment de résignation et d'impuissance collective qui s'empare des individus, qui se mettent à espérer qu'ils passeront au travers des mailles du filet du terrorisme, que cela ne leur tombera pas dessus. Mais ils restent évidemment outrés et en colère face à ces attaques", explique Jean-Pierre Bouchard, pour qui les Européens ont quelque part "appris à vivre avec".
Des "stratégies d'adaptation"
Autrement dit, si un sentiment d'habitude finit fatalement par apparaître, l'accablement et le choc ressentis à chaque nouvelle attaque continuent d'exister.
Un avis que partageait le psychiatre au CHU de Lille François Ducrocq, interrogé par Le Monde en juillet 2016, alors que la France venait d'être touchée coup sur coup par les attentats de Nice et de Saint-Etienne-du-Rouvray. "Nous avons des facteurs de tolérance, de résilience, et d’adaptation. Et heureusement", estimait-il alors, tout en faisant valoir que la vie reprend certes son cours, mais pas exactement à l'identique.
"Nous allons développer des stratégies d’adaptation, comme éviter la foule ou moins prendre les transports en commun", développait ainsi François Ducrocq.
Par ailleurs, les mesures de sécurité, qui font désormais partie du quotidien des habitants des villes frappées par des attentats, favorisent l'installation de ce sentiment d'habitude. Ouvrir son sac à l'entrée d'un grand magasin ou d'une salle de spectacle est en effet devenu un événement banal du quotidien, auquel les individus se plient, et qui contribue ainsi à la mise en place de cette fameuse résilience.