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Comment le costume de La Servante Ecarlate est devenu un symbole de protestation des femmes?

Une femme vêtue de la tenue rouge et blanche issue de la série "The Handmaid's Tale" à New-York le 31 juillet dernier pour protester contre le vice-président américain Mike Pence.

Une femme vêtue de la tenue rouge et blanche issue de la série "The Handmaid's Tale" à New-York le 31 juillet dernier pour protester contre le vice-président américain Mike Pence. - TIMOTHY A. CLARY / AFP

En quelques mois, le costume rouge et blanc rendu célèbre par la série américaine La Servante écarlate s'est imposé comme un puissant symbole de protestation des femmes dans le monde entier.

De Londres à New-York en passant par Buenos Aires ou encore Dublin. Dans de plus en plus de grandes villes du monde, les femmes décident d'arborer une longue cape couleur pourpre et un bonnet blanc dans les rues pour dénoncer leur oppression. Et en quelques mois seulement, ce drôle d'accoutrement a été érigé en symbole international de protestation féministe.

La tenue bicolore est issue d'une récente série télévisée américaine intitulée La Servante Ecarlate. Dans la série, inspirée par le roman de 1985 de Margaret Atwood, les femmes portant cet uniforme sont réduites à des servantes sexuelles réquisitionnées pour pallier au problème de fertilité d'un pays tombé dans la dictature.

Des femmes vêtues du costume de la série américaine le 31 juillet dernier à New-York, réunies pour protester contre le vice-président Mike Pence.
Des femmes vêtues du costume de la série américaine le 31 juillet dernier à New-York, réunies pour protester contre le vice-président Mike Pence. © TIMOTHY A. CLARY / AFP

Contester la politique de Donald Trump

Tout a commencé en mars 2017 au Texas, aux Etats-Unis, lors d'une manifestation relative aux droits en matière de sexualité et de procréation. Ce jour-là, les femmes ont vu dans cet uniforme une manière de contester la politique et les dérapages sexistes du gouvernement américain.

Depuis le scénario se répète, lors des visites du vice-président américain Mike Pence à Denver, à Philadelphie et devant le Sénat à Washington. Les femmes se réunissent par dizaines dans les rues déguisées en rouge et blanc, munies de pancartes dénonçant sa politique. A plusieurs reprises, des femmes vêtues de capes et de bonnets dissimulant leurs visages ont déambulé silencieusement à l'intérieur des capitoles de plusieurs états américains, pour protester contre des décisions prises par leurs représentants masculins. 

Et le mouvement s'internationalise. A l'étranger désormais, les femmes habillées de la sorte constituent un comité d'accueil régulier au président américain, comme en Pologne en juillet 2017 ou à Londres le 13 juillet dernier.

Des manifestantes pour la légalisation de l'avortement devant le Congrès national le 25 juillet dernier à Buenos Aires en Argentine.
Des manifestantes pour la légalisation de l'avortement devant le Congrès national le 25 juillet dernier à Buenos Aires en Argentine. © EITAN ABRAMOVICH / AFP

Contre la "réquisition du corps des femmes"

En Argentine le 25 juillet, les femmes ont déambulé dans les rues de Buenos Aires, tête baissée, avec le costume pour défendre la légalisation de l'avortement, à quelques jours du vote sur l'adoption du projet de loi. 

En Irlande également, le costume à la capeline blanche était devenu symbole des manifestations pour le droit à l'avortement, lors du référendum de mai dernier sur la révocation du huitième amendement de la Constitution. Rosa, une des manifestantes irlandaises présente ce jour-là, avait raconté au quotidien The Guardian pourquoi elle avait choisi de porter la cape ce jour-là.

"La capeline vous rend très vulnérable, car vous n'entendez rien. (...) Nous avons commencé à mettre ces costumes (...) car nous pensions ne pas avoir le droit de faire de sit-in, explique Rosa. Nous avons donc lancé un appel aux personnes qui pourraient aider à faire les costumes, et il y a eu énormément de réponses. Ça montre bien que ce symbole nous met toutes d'accord".

Quant à Margaret Atwood, auteure du roman à l'origine du phénomène, elle explique le succès de l'accoutrement par le fait que la question des droits des femmes soit un thème plus actuel que jamais.

"Le costume de la servante a été adopté par des femmes dans de nombreux pays comme symbole de protestation contre diverses questions liées à la réquisition du corps des femmes par l'État ", a-t-elle déclaré au quotidien britannique The Guardian, avant de poursuivre: "Il a même été utilisé sur des affiches dans le cadre de la relation Trump-Poutine, avec Trump comme servante."

Des manifestantes le 25 juillet dernier à Buenos Aires en Argentine, défendant le droit à l'avortement.
Des manifestantes le 25 juillet dernier à Buenos Aires en Argentine, défendant le droit à l'avortement. © EITAN ABRAMOVICH / AFP

Margaret Atwood explique: "Parce qu’il s’agit d’un symbole visuel, les femmes peuvent l’utiliser sans crainte d’être arrêtées pour avoir causé des troubles, comme elles le feraient pour crier dans des endroits comme les assemblées législatives." 
"Dans les pays qui interdisent le contrôle des naissances et l'information sur la santé de la reproduction, l'État revendique la propriété du corps des femmes grâce à la maternité forcée. Ce que le costume demande vraiment aux téléspectateurs est: voulons-nous vivre dans un état d'esclave?", poursuit l'auteure du roman La Servante Ecarlate .

L'importance de l'impact visuel 

Mais si la tenue écarlate a été adoptée si rapidement et avec une telle ferveur par les femmes, il ne faut pas négliger "l'importance de son impact visuel et esthétique", affirme Helen Lewis à The Guardian, journaliste et auteure d'un ouvrage sur le féminisme.

"La raison pour laquelle les costumes fonctionnent si bien est que les manifestations se déroulent dans des endroits comme des tribunaux, des endroits dominés par des hommes en costume noir ou bleu marine, ou des parlements", indique la journaliste. "Ce sont des endroits assez ternes, où le rouge se détache et donne une identité de groupe de la même manière que les suffragettes il y a 100 ans avec leurs ceintures violettes, blanches et vertes."

Bien que tout droit sortie de l'imagination de la canadienne Margaret Atwood, la cape écarlate a été conçue par la costumière de la série télévisée. Ane Crabtree, qui s'est dite touchée par l'aura internationale prise par ses costumes ces derniers mois.

"C'est un immense honneur de savoir que ces femmes peuvent s'exprimer ensemble, qu'elles puissent être ainsi inspirées. Ca me dépasse, c'est au-delà de mes espérances, je n'aurai jamais cru que mon travail puisse avoir de tels effets", a confié la créatrice des costumes de la série, à la chaîne américaine CNN. 

Jeanne Bulant