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Séisme en Birmanie: affaibli par la guerre civile, le pays en quête d'aide d'humanitaire pour répondre à l'urgence

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Les quatre années de guerre civile en Birmanie ont mis à genoux le système de santé et les infrastructures ralentissant l'acheminement d'une aide humanitaire, essentielle et urgente pour faire face aux conséquences du séisme dévastateur.

Au moins 1.700 morts, des centaines de disparus, et des amas de décombres. Après avoir connu, ce vendredi 28 mars, le plus puissant tremblement de terre depuis plusieurs décennies, la Birmanie est exposée à une crise d'ampleur.

Les secouristes s'affairent pour tenter de trouver des survivants qui seraient piégés dans les ruines des bâtiments détruits par le séisme de magnitude 7,7 qui a été ressenti jusqu'à Bangkok, la capitale thaïlandaise, où 18 personnes ont trouvé la mort. Selon la junte, encore 300 personnes sont portées disparues. 3.400 autres ont été blessées. L'ampleur de la catastrophe reste toujours difficile à évaluer avec précision et les experts craignent que le bilan humain ne soit revu à la hausse.

Outre la recherche des survivants, l'urgence réside dans la quête d'aide humanitaire tant matérielle que financière pour ce pays affaibli par quatre ans de guerre civile, isolé et fracturé. Une guerre déclenchée par le coup d'État en 2021 de l'armée birmane, qui s'oppose depuis aux Forces de défense populaire (FDP), des rebelles birmans, et divers groupes armés ethniques.

Un système de santé à genoux

Cette guerre civile a mis à genoux les infrastructures, le système de santé, les voiries et le réseau électrique du pays, compliquant les opérations de secours et l'acheminement des aides.

Les agences internationales ont prévenu que la Birmanie n'avait pas les moyens d'affronter une catastrophe de cette taille. Avant le séisme, les Nations unies estimaient que quinze millions de Birmans, soit environ un tiers de la population, seraient concernés par le risque de famine en 2025.

"Nous avons estimé que 19,9 millions de personnes ont besoin d'une aide humanitaire, et ce, juste avant le tremblement de terre", a déclaré Marcoluigi Corsi, coordinateur humanitaire des Nations unies. Selon lui, "la situation va encore s'aggraver".

Deux jours seulement après le séisme, l'ONU a déclaré que l'aide était déjà entravée par un grave manque de fournitures médicales, tandis que les secours réclamaient des moyens supplémentaires pour passer au peigne fin les bâtiments en ruine, à la recherche de survivants.

L'OMS à la recherche de 8 millions de dollars de fonds

L'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui a classé ce tremblement de terre au plus haut degré de ses urgences, a lancé un appel pour trouver rapidement 8 millions de dollars.

"L'approvisionnement en électricité et en eau reste perturbé, ce qui complique l'accès aux services de santé et accroît les risques d'épidémies de maladies d'origine hydrique et alimentaire", a affirmé l'OMS.

"Les blessures liées à des traumatismes, notamment les fractures, les plaies ouvertes et le syndrome d'écrasement présentent un risque élevé d'infection et de complications en raison des capacités chirurgicales limitées et de l'insuffisance des mesures de prévention et de contrôle des infections", a ajouté le texte.

Les fonds réclamés devraient permettre de répondre aux besoins sanitaires immédiats, "afin de sauver des vies, de prévenir les maladies et de stabiliser et rétablir les services de santé essentiels", a poursuivi l'Organisation.

L'OMS, qui a mobilisé son centre logistique à Dubaï pour préparer les fournitures pour les blessés, a déjà envoyé près de trois tonnes de fournitures médicales, notamment des kits de traumatologie et des tentes, depuis Rangoon vers les hôpitaux de Mandalay et de Naypyidaw où sont pris en charge des milliers de blessés.

"Une crise humanitaire complexe"

La Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) a de son côté lancé ce dimanche un appel pour récolter en urgence plus de 100 millions de dollars. "Pour renforcer notre soutien, la FICR lance un appel en urgence pour récolter 100 millions de francs suisses (115 millions de dollars) afin de venir en aide à 100.000 personnes (20.000 foyers)", a expliqué le plus grand réseau humanitaire au monde.

Avec la hausse des températures et l'arrivée de la saison de la mousson dans quelques semaines, les communautés touchées doivent être stabilisées en urgence "avant que des crises secondaires n'émergent", a insisté la FICR.

"Ce n'est pas seulement un désastre, c'est une crise humanitaire complexe, s'ajoutant à des vulnérabilités existantes", a déclaré Alexander Matheou, directeur régional Asie-Pacifique de l'organisation.

"La Birmanie continue de faire face à des déplacements internes et à l'insécurité alimentaire. Ce tremblement de terre exacerbe une situation déjà fragile. La communauté mondiale doit intervenir pour apporter une réponse courageuse et durable", souligne encore la FICR.

Des habitant de Mandalay, en Birmanie, deux jours après le séisme, dimanche 30 mars 2025.
Des habitant de Mandalay, en Birmanie, deux jours après le séisme, dimanche 30 mars 2025. © Sai Aung MAIN / AFP

Elle a déjà mobilisé sur place des volontaires formés pour les opérations de recherche et de sauvetage, qui ont assuré des soins, distribué des couvertures, des bâches et des kits d'hygiène, et déployé des équipes mobiles de santé.

Le Bureau de la coordination humanitaire des Nations unies (OCHA), qui a alerté sur une "grave pénurie" de fournitures médicales en Birmanie, a également envoyé 17 camions, transportant des abris et du matériel de secours. Ce convoi devrait arriver dimanche en provenance de la Chine voisine.

Mobilisation de la communauté internationale

Les pays voisins se sont mobilisés pour venir en aide au peuple birman. La Chine a par exemple envoyé samedi une équipe de 82 secouristes ainsi qu'une autre équipe à Rangoun, la capitale économique. Elle fournira également une aide d'urgence de 12,7 millions d'euros.

Hong Kong de son côté a dépêché une équipe de 51 personnes, embarquant 9 tonnes d'équipements dont des appareils détecteurs de vie et deux chiens de sauvetage, et débloqué une enveloppe de trente millions de dollars de Hong Kong (3,5 millions de dollars). La Thaïlande, la Corée du Sud, l'Inde, les Philippines ont également mobilisé des moyens.

Un avion militaire indien chargé d'aide humanitaire à Rangoun, en Birmanie, ce samedi 29 mars 2025.
Un avion militaire indien chargé d'aide humanitaire à Rangoun, en Birmanie, ce samedi 29 mars 2025. © External Publicity and Public Diplomacy (XPD) Division of India's Ministry of External Affairs (MEA) / AFP

Répondant à l'appel du chef de la junte Min Aung Hlaing, et malgré les sanctions, l'Union européenne, le Royaume-Uni et les États-Unis ont aussi décidé de prêter main-forte, dans une rare signe d'ouverture envers la communauté internationale. "C'est un vrai désastre, et nous allons aider", a déclaré vendredi le président Donald Trump devant la presse depuis le Bureau ovale.

L'Union européenne a débloqué 2,5 millions d'euros d'aide d'urgence initiale et indiqué qu'elle allait évaluer les besoins sur le terrain avant de mobiliser davantage de moyens. Quand le Royaume-Uni a promis 12 millions d'euros à destination des zones les plus durement touchées, pour financer nourriture, eau, médicaments et abris. Sa voisine l'Irlande va débloquer 6 millions d'euros.

Des combattants anti-junte ont déclaré samedi un cessez-le-feu partiel de deux semaines à partir de dimanche, a annoncé le Gouvernement d'unité nationale (NUG), un organe d'opposition fondé par d'anciens députés du parti pro-démocratie d'Aung San Suu Kyi pour beaucoup en exil.

Les généraux n'ont pas suspendu leur offensive aérienne pour le moment: un groupe rebelle de l'Etat Shan, l'Armée de libération du peuple Danu, a signalé auprès de l'AFP la mort de sept combattants à la suite d'un bombardement intervenu peu après le séisme.

Juliette Brossault avec AFP