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Guerre en Ukraine: le bombardement du théâtre de Marioupol est-il un crime de guerre?

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À plusieurs reprises depuis le début de l'invasion russe, le terme de "crime de guerre" a été utilisé pour définir les agissements de l'armée russe.

"C'est un criminel de guerre." Le président des États-Unis Joe Biden n'a pas pris de détours jeudi pour qualifier son homologue russe, Vladimir Poutine, alors que l'armée de Moscou est soupçonnée d'avoir bombardé un théâtre de la ville de Marioupol, dans lequel étaient réfugiés plusieurs centaines de civils dont des femmes et des enfants. Aucun bilan officiel n'a été transmis par les autorités ukrainiennes.

Depuis le début du conflit, qui entre dans sa quatrième semaine, le terme de "crime de guerre" a été utilisé à plusieurs reprises pour qualifier les agissements russes en territoire ukrainien. Outre le bombardement du théâtre de Marioupol, l'attaque de l'hôpital pédiatrique de la ville, ainsi que la mort de dix personnes qui faisaient la queue pour acheter du pain à Tcherniguiv ont particulièrement frappé l'opinion publique.

Toutes les cases cochées

Au-delà de leur ignominie, ces faits peuvent-ils tomber sous le coup de sanctions de la Cour pénale Internationale (CPI)? Selon l'article 8 du Statut de Rome de la CPI, dans lequel sont listées les nombreuses infractions qui constituent ces fameux crimes de guerre, la Russie et son armée cochent actuellement plusieurs cases.

Dans ce texte, plusieurs points sont cruellement d'actualité dont "diriger intentionnellement des attaques contre la population", "l'attaque et le bombardement des villes, villages et habitations", "priver les civils de biens indispensables à la survie" ou encore "attaquer des bâtiments d’art, des hôpitaux, édifices religieux."

"C’est un crime de guerre car il y a les victimes civiles, mais aussi parce qu’on n’a pas à bombarder les biens culturels, les théâtres, les églises. Cela révèle que le commandement russe ne sait plus où donner de la tête et qu’ils ne sont plus en mesure de mener des attaques. Ils ont échoué, et qu’est-ce qu’ils savent faire de mieux? Détruire tout ce qu’ils peuvent", précise sur BFMTV le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense nationale.
Le théâtre de Marioupol avant et après le bombardement du 16 mars 2022.
Le théâtre de Marioupol avant et après le bombardement du 16 mars 2022. © BFMTV

Certains vont même plus loin. Sur BFMTV, l'avocat Jean-Pierre Mignard se réfère à un autre point du Statut de Rome.

"L'article 16 définit le crime contre l’humanité et le crime de guerre. Le crime contre l’humanité, il s’agit d’une attaque généralisée, systématique, à large échelle contre une population civile et en connaissance de l’existence de ces attaques. S’il est établi qu’il y avait des civils dans ce théâtre, nous nous rapprocherons à l’évidence d’un crime contre l’humanité", analyse-t-il.

Que risque Poutine?

Une fois les faits établis, que risque réellement Vladimir Poutine? Actuellement, pas grand-chose, car la justice doit obtenir la preuve formelle que le président russe a dirigé ou ordonné lui-même les opérations militaires, un travail d'enquête qui peut prendre plusieurs mois, voire des années.

De plus, en 2016, Vladimir Poutine avait décidé par décret de retirer la signature russe du traité qui établit la Cour pénale internationale (CPI), dont elle était signataire mais qu’elle n’a jamais ratifié. Un retrait qui rend encore plus ardu le travail de la justice internationale.

Actuellement protégé par son immunité présidentielle, Vladimir Poutine pourrait, tant qu'il est encore au pouvoir, ne jamais être inquiété pour ses actes. En revanche, ce n'est pas le cas pour son entourage, dont des chefs militaires, qui de leur côté pourraitent bel et bien être inquiétés. Ils pourraient alors être interpellés, mais uniquement sur le territoire d’un État qui respecte sa juridiction. En outre, seules les personnes physiquement présentes peuvent être jugées par la CPI.

Pour l'heure, plusieurs enquêtes ont été ouvertes pour crime de guerre. Mercredi, une enquête de ce type a été ouverte en France après la mort de Pierre Zakrzewski, un journaliste franco-irlandais tué près de Kiev.

Auparavant, deux enquêtes sur les agissements de l'armée russe ont été ouvertes. Une première par le parquet général allemand qui souhaite "collecter et sécuriser toutes les preuves" en vue d'éventuelles poursuites, puis par la Cour pénale internationale (CPI).

Côté russe, les accusations de crime de guerre ne semblent pas ébranler le Kremlin qui, par l'intermédiaire du porte-parole Dmitri Peskov, a jugé "inacceptables et impardonnables" les mots de Joe Biden.

https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier Journaliste BFMTV