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Guerre en Ukraine: qu'est-ce qu'un "crime de guerre"?

Un bombardement russe à Marioupol a touché un hôpital pour enfant le 9 mars 2022

Un bombardement russe à Marioupol a touché un hôpital pour enfant le 9 mars 2022 - Mariupol City Council / AP

Deux enquêtes ont été ouvertes à l'encontre des forces russes pour de possibles crimes de guerre, une par la justice allemande, l'autre par la Cour pénale internationale.

Deux semaines jour pour jour après le début de l'invasion russe, la situation en Ukraine se détériore de manière quotidienne. Alors que Kiev continue à résister et que la population locale se mobilise contre la guerre, plusieurs villes du pays ont été durement touchées ces dernières heures par les attaques de l'armée de Moscou.

Mercredi, trois personnes dont une fillette ont été tuées dans le bombardement d'un hôpital pédiatrique à Marioupol, port du sud-est de l'Ukraine où plus de 1200 morts ont été recensés depuis le début du conflit. Une attaque qualifiée d'"immorale" par le Premier ministre Boris Johnson, et de "crime de guerre" par le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Une définition claire

A quoi se réfère ce terme de "crime de guerre"? Dans le cadre de tout conflit armé, des règles sont établies, par les Conventions de Genève, afin d'entre autres assurer la protection des civils ainsi que le traitement des blessés ou des prisonniers de guerre. Le non-respect de ces règles est donc synonyme de crime de guerre, dont les nombreuses infractions sont listées dans l'article 8 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), entré en vigueur en 2002, et qui fait office de texte de référence en la matière.

Celui-ci prend en compte "l'homicide intentionnel, la torture ou les traitements inhumains des blessés, malades, infirmes, vieillards, enfants et femmes en couches", "la destruction et l'appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire" et surtout, dans le cadre de l'invasion de l'Ukraine, "le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou contre des civils qui ne participent pas directement part aux hostilités."

"La guerre a ses règles: le droit humanitaire, celui de ne pas s’en prendre à des civils, de respecter un certain cadre existe, et c’est ça que veut regarder la cour pénale. C’est précisément l’enjeu de ces tribunaux: le fait de sortir du cadre de la convention de Genève et de s’en prendre à des civils, de ne pas respecter les parcours sanitaires qui permettent de faire la guerre dans un certain cadre", décrit Antoine Vey, avocat à la Cour pénale internationale, à l'antenne de BFMTV.

Une application ardue

Pour l'heure, deux enquêtes sur les agissements de l'armée russe ont été ouvertes. Une première par le parquet général allemand qui souhaite "collecter et sécuriser toutes les preuves" en vue d'éventuelles poursuites, puis par la Cour pénale internationale (CPI) de la Haye sous la houlette de son procureur, le Britannique Karim Khan. "Notre travail de recueil de preuves a commencé" , avait assuré ce dernier.

"La CPI, en disant qu’elle ouvre une enquête sur ces crimes, montre qu’il y a un visage à la justice pénale internationale, et qu’il y aura des investigations pour savoir ce qui se déroule", souligne Antoine Vey.

Parmi les faits reprochés, la possible utilisation par l'armée russe de bombes à sous-munitions et d'attaques contre des zones résidentielles et des infrastructures civiles. Les bombes à sous-munitions (BASM) sont composées d'un conteneur, tel un obus, regroupant des projectiles explosifs, de taille plus réduite, dites "sous-munitions". Très imprécises, elles sont susceptibles de toucher les populations civiles.

Pour autant, il est encore difficile d'estimer ce que risque réellement Vladimir Poutine. L'utilisation de ces armes est certes interdite par la convention d'Oslo de 2008, mais Moscou ne l'a pas signée.

Autre complication, en 2016, Vladimir Poutine avait décidé par décret de retirer la signature russe du traité qui établit la Cour pénale internationale (CPI), dont elle était signataire mais qu’elle n’a jamais ratifié. Cette décision intervient quelques mois seulement après que la procureure de la CPI d'alors, Fatou Bensouda, a ouvert une enquête sur de potentiels crimes commis lors de la brève guerre entre la Géorgie et la Russie de 2008.

"Pour qu’on imagine que Vladimir Poutine se retrouve un jour devant la CPI, il faut rappeler qu’en 2016, et c’était peut-être déjà prévu ou prémonitoire, il avait retiré la signature de la Russie du traité qui investit la Cour pénale internationale", confirme Antoine Vey.

Des condamnations historiques

Également protégé par son immunité de président, Vladimir Poutine pourrait, tant qu'il est encore au pouvoir, ne jamais être inquiété pour ses actes. En revanche, comme le rappelle Le Monde, ce n'est pas le cas de son entourage, qui ne serait protégé par aucune loi d'immunité. Si les enquêtes en cours permettent d'identifier des fautifs, ces derniers pourraient alors être interpellés, mais uniquement sur le territoire d’un État qui respecte sa juridiction. En outre, seules les personnes physiquement présentes peuvent être jugées par la CPI.

A l'issue des procès, la Cour pénale internationale a la capacité de condamner à des peines de prison qui peuvent aller jusqu'à la perpétuité pour l'auteur du crime.

Historiquement, plusieurs chefs d'État, qui n'étaient plus en activité au moment de leur jugement, ont déjà été condamnés par la Cour pénale internationale pour des crimes de guerre. Ce fut par exemple le cas de l'ancien chef de guerre du Congo Bosco Ntaganda, condamné à 30 ans de prison; ou encore de l'ex-commandant en chef de l'armée serbe Ratko Mladic, condamné à perpétuité pour ses crimes pendant la guerre de Bosnie.

https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier Journaliste BFMTV