Guerre en Ukraine: pourquoi la situation autour de Kiev pourrait rester figée

Un soldat ukrainien armé à un checkpoint dans les rues de Kiev, le 6 mars 2022 - ARIS MESSINIS / AFP
Autour de Kiev, la situation est toujours incertaine. Près de deux semaines après le début de l'invasion russe sur le territoire ukrainien, l'armée de Moscou poursuit son offensive et se rapproche dangereusement de la capitale ukrainienne. Ces derniers jours, plusieurs villes qui entourent Kiev, dont Irpin, ont été le théâtre de violents combats ainsi qu'un exode massif de la population locale qui tente par tous les moyens d'échapper aux atrocités de la guerre.
"Kiev peut tenir encore longtemps"
Si le Kremlin a annoncé des cessez-le-feu locaux dans plusieurs villes du pays afin de permettre l'évacuation des civils, les habitants de la capitale, de leur côté, préparent la résistance. Sur la place Maïdan et sur les principales artères de la capitale, plusieurs barrages ont été installés par les locaux, auxquels il faut ajouter des herses, chicanes, et une impressionnante réserve de cocktails Molotov censée retarder une potentielle offensive russe.
Peut-on, dès lors, assister à un enlisement de la situation autour de la capitale? Si la volonté ukrainienne de défendre Kiev quoi qu'il advienne semble claire, les ambitions russes restent assez floues. Et selon le général Michel Yakovleff, ancien adjoint du commandant suprême pour l’Europe de l’Otan, la ville peut encore tenir.
"Oui, Kiev peut tenir encore longtemps et se transformer en verrue purulente pour l’armée russe qui n’est pas prête", estime-t-il.
Interrogé par BFMTV.com, le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense nationale, confirme que "les Russes comptaient rentrer plus facilement" dans la capitale. "Or, ça s’enlise", prévient-il.
Selon eux, cet immobilisme est principalement dû à l'impréparation de l'armée russe pour ce conflit.
"Ils ont eu le temps de se préparer, mais ils ne s’attendaient pas à ça. Ils ne s’attendaient pas à la résistance initiale, ils ont cru qu’ils rentreraient comme dans du beurre, ce n’est pas ce qui s’est passé. Maintenant, ils doivent reconfigurer, et mentalement se préparer à autre chose", décrit Michel Yakovleff.
Siège ou assaut?
A court et moyen terme, la situation dans et autour de Kiev va donc dépendre de la stratégie employée par l'État-major russe. "On ne sait pas s’ils comptent assiéger ou monter à l’assaut", interroge Jérôme Pellistrandi, qui rappelle que dans le cas de la seconde option, le rapport de force doit être de "5 contre 1."
"S'il y a 100.000 soldats ou miliciens pro-ukrainiens dans Kiev (chiffre donné lundi par la vice-ministre ukrainienne de la Défense, Hanna Malyar, ndlr), alors il faut 500.000 soldats russes", ajoute-t-il précisant que ceux-ci sont également occupés sur un "front important" qui concerne une large partie du pays, en particulier au Nord et à l'Est.
Si l'armée russe choisit l'option du siège, alors la situation pourrait s'enliser encore plus. "Ils bombardent par avions mais n'ont pas la maîtrise de l'espace aérien, ils utilisent des missiles, de croisière ou balistique, mais aussi des lance-roquette qui eux n'ont pas de visée" et qui, potentiellement, peuvent être à l'origine de nombreuses victimes supplémentaires, ajoute Jérôme Pellistrandi.
Pour Michel Yakovleff, pas de doute, l'option du siège va être utilisée. "Ce qu’ils préfèrent c’est obtenir la soumission par la terreur, les bombardements, un siège qui peut durer des semaines si le régime résiste aussi longtemps", assure-t-il.
"Les Russes n’ont aucune intention que la population s’en aille"
"Les couloirs humanitaires c’est une intoxication russe. Je n’y crois pas une minute. Dans la doctrine de la guerre russe, qui date de l'Union soviétique, on garde la population en ville justement pour la pression qu’elle met sur ses défenseurs. Ce sont des gens à nourrir, protéger, soigner, à évacuer… Les Russes n’ont aucune intention que la population s’en aille", alerte-t-il.
Or, les bombardements actuels semblent bien avoir l'effet inverse de celui espéré. "Plus ils bombardent, plus cela créé de la détermination" chez les Ukrainiens, ajoute Jérôme Pellistrandi, qui compare la situation actuelle avec celle "de l'été 1940 et de la bataille d'Angleterre." A cette époque, l'aviation allemande bombardait de manière quasi-quotidienne le territoire britannique, ce qui eut comme conséquence d'unir la population contre la barbarie nazie.