Guerre en Ukraine: la Russie pourrait-elle être exclue de l'ONU, comme le demande Kiev?

Le Conseil de sécurité de l'ONU (photo d'illustration) - Johannes EISELE © 2019 AFP
"Le droit de veto ne signifie pas le droit de tuer", affirmait en avril dernier Volodymyr Zelensky, appelant à ce que la Russie soit exclue du Conseil de sécurité de l'ONU. Une demande restée lettre morte mais réitérée ce lundi, par la voix de Dmitri Kouleba, le ministre ukrainien des Affaires étrangères.
"L'Ukraine appelle les États membres de l'ONU (...) à priver la Fédération de Russie de son statut de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU et à l'exclure de l'ONU dans son ensemble", a-t-il affirmé dans un communiqué.
Cette requête n'a toutefois quasiment aucune chance d'aboutir. En cause: le siège occupé par Moscou au Conseil de sécurité et, par conséquent, son droit de veto qui le rend indéboulonnable.
Un siège permanent "illégal"
En avril dernier, les responsables ukrainiens invoquaient les "crimes de guerre" commis par l'armée russe dans la ville de Boutcha pour évincer la Russie du Conseil de sécurité. Alors que cette première demande n'a pas aboutie, ils tentent aujourd'hui d'obtenir gain de cause par le droit.
Selon Dmitri Kouleba, la Russie "occupe illégalement le siège de l'URSS au Conseil de sécurité de l'ONU" depuis 1991.
Le ministre fait ici référence aux accords d'Alma-Ata, signés lors de la dislocation de l'Union soviétique en quinze nouveaux pays. À ce moment-là, les anciennes républiques soviétiques s'accordent pour que la Fédération de Russie remplace l'URSS à l'ONU, dans une logique de continuité.
Dans le contexte de l'invasion russe en Ukraine, les autorités de Kiev soutiennent que cette transition ne s'est pas faite dans les règles et que, par conséquent, la Russie n'a pas sa place au Conseil de sécurité.
Un droit de veto très utilisé
Au-delà de cette question technique de la transition du siège onusien qui était occupé par l’URSS, il n'existe aucune procédure de sortie ou d’exclusion d'un membre permanent du Conseil de sécurité.
Organe exécutif de l'ONU, ce dernier a été créé au sortir de la Seconde Guerre mondiale et est composé des vainqueurs du conflit: Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni et Russie. Y sont également représentés dix membres non-permanents élus pour deux ans.
Les cinq membres permanents disposent d'un droit de veto, formulé dans l'article 27 de la charte qui stipule que les décisions sont prises "par un vote affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents". En somme, toute décision du Conseil de sécurité est rejetée dès lors qu'un membre permanent s'y oppose.
Depuis la création de l'ONU, la majorité des vetos ont été utilisés par l'URSS puis la Russie, récemment notamment sur les résolutions concernant la Syrie. "Le droit de veto devrait être l'exception, or, il en devient la règle", déplorait à ce titre Charles Michel, président du Conseil européen, en septembre dernier.
L'aval de la Russie pour exclure la Russie
Le 30 septembre dernier, la Russie avait effectivement imposé son droit de veto en tant que membre du Conseil de sécurité, refusant ainsi un amendement rendant les récentes annexions russes en territoire ukrainien "illégales" et les qualifiant de "tentative de modifier les frontières internationalement reconnues".
Comment condamner la Russie si elle occupe toujours un siège permanent au Conseil de sécurité, ce dernier étant chargé de "la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales"?
Selon la charte des Nations Unies, "si un membre de l'Organisation enfreint de manière persistante les principes énoncés dans la présente Charte, il peut être exclu de l'Organisation par l'Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité". Toutefois, cela ne concerne pas les membres de ce dernier, autour duquel toutes les fondations de l'ONU ont été bâties.
En effet, le nom des cinq membres permanents est inscrit dans la charte et, de fait, pour en changer, il faudrait amender ce texte fondateur. Seulement ici encore... Il faut l'aval de tous les membres, dont la Russie elle-même.
L'unique solution pour qu'un membre quitte le Conseil de sécurité serait qu'il se retire de lui-même. Une option inenvisageable puisqu'avec ce droit de veto, la Russie s’évite notamment une saisine par le Conseil de sécurité de la Cour pénale internationale pour les "crimes de guerre" dont il est accusé ou encore un éventuel envoi de Casques bleus.