Guerre en Ukraine: comment Kramatorsk est devenu un objectif prioritaire de la Russie

La "grande bataille" de l'Est se prépare. Alors que l'invasion russe de l'Ukraine a ce mercredi entamé son 49e jour, le revirement stratégique de Moscou d'il y a quelques semaines laisse présager du pire. Fin mars, l'état-major de l'armée russe avait indiqué vouloir se concentrer sur la zone orientale du pays, en particulier le Donbass, objectif prioritaire avoué du Kremlin.
Parmi les villes visées, Kramatorsk, capitale du Donbass ukrainien, devenue une aspiration majeure de Moscou. Sur le terrain, les cartes ne mentent pas. Ces derniers jours, cette ville industrielle majeure est enserrée au sud et à l'est par les "républiques" séparatistes pro-russes de Donetsk et Lougansk, et par l'avancée des troupes russes au nord.
Beaucoup redoutent un mouvement en tenaille des forces de Vladimir Poutine pour s'emparer de toute cette région majoritairement russophone, qui serait alors encerclée, à l'image de ce qui s'est passé ces dernières semaines à Marioupol, port stratégique du sud-est qui serait sur le point de tomber. Une chute de Kramatorsk serait alors synonyme de chute quasi-définitive de la région.
La population évacuée
Depuis ce nouveau cap militaire, le quotidien s'est grandement dégradé dans la région. Vendredi passé, un tir de roquettes attribué à l'armée russe a fait plus d'une cinquantaine de morts à proximité directe de la gare de Kramatorsk. Un acte dénoncé par la communauté internationale, dont le ministre français des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, qui n'a pas hésité à utiliser le terme de "crime contre l'humanité."
Dès lors, la population tente de quitter cette ville de 250.000 personnes, qui s'est déjà vidée de plus des trois-quarts de sa population.
"On doit partir désormais, la guerre se rapproche", affirme, à notre caméra, un père de famille qui tente de fuir avec son fils et sa femme. "Notre maison sera détruite, des gens vont mourir. On veut le voir grandir, assister à son mariage, qu’il ait à son tour des enfants", ajoute cette dernière.
Sur notre antenne, le maire de la ville, Oleksandr Goncharenko, souligne que depuis l'attaque de la gare, les évacuations depuis Kramatorsk se font par bus ou bien ont été délocalisées et se font depuis "la gare ferroviaire d’une ville voisine" (Sloviansk, ndlr).
Les autorités ukrainiennes de Donetsk et Lougansk n'ont eu de cesse ces derniers jours d'appeler les civils à évacuer vers l'ouest du pays. Des trains et des bus ont été mis à disposition, avec le soutien de nombreuses organisations de volontaires. D'autres trains locaux sont aussi prévus, mais leur horaire exact n'a pas été annoncé, pour des raisons de sécurité.
Nos confrères de l'AFP précisent que des évacuations soutenues se poursuivent discrètement dans l'autre sens, vers les territoires prorusses, par la route. Des convois de voitures, souvent de vieilles Lada avec la valise sur le toit, passent chaque jour vers le nord sous contrôle de l'armée russe, avec l'accord tacite des soldats ukrainiens sur les derniers check-points.
L'armée se prépare
Sur le terrain, la résistance à cette attaque annoncée s'organise. Toujours sur notre antenne, Oleksandr Goncharenko a indiqué qu'à l'échelle de sa ville, l'organisation se mettaient en place.
"Nous essayons de stocker le plus possible d’eau, nourriture et essence et on se prépare de cette façon pour prendre soin des personnes qui restent. Nous nous approvisionnons en médicaments, nous recevons des armes de l’Europe", liste l'élu.
Selon lui, "les militaires s’attendent à une escalade des attaques contre Kramatorsk cette semaine ou durant les deux prochaines semaines. Ça peut arriver n’importe quel jour", prévoit-il.
À l'heure actuelle, les combats s'intensifient au nord de la ville: "on voit déjà une escalade à 45 kilomètres, on peut entendre les bombes", ajoute le maire, qui rappelle que le chemin des Russes jusqu'à Kramatorsk sera long. "Il y a beaucoup de villes et villages sur le chemin, très bien protégés par notre armée", ajoute-t-il.
L'attaque de Kramatorsk va également dépendre de la chute, elle aussi annoncée, de Marioupol. Ce mercredi, les forces russes poursuivaient leur offensive pour faire tomber cette ville portuaire, porte d'entrée du Donbass, où plus d'un millier de soldats ukrainiens se seraient rendus ce jour.