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Russie

Crimée: le rattachement à la Russie ou la revanche de Poutine

Vladimir Poutine poursuit son bras de fer avec les Occidentaux sur l'Ukraine.

Vladimir Poutine poursuit son bras de fer avec les Occidentaux sur l'Ukraine. - -

EDITO - Si Vladimir Poutine n'a pas encore publiquement réagi à la décision du parlement de Crimée de rattacher la province à la Russie, le président russe tient là une revanche sur son revers au Kosovo. L'éclairage de notre spécialiste en géopolitique, Harold Hyman.

Le parlement de Crimée a voté unanimement jeudi (un peu rapide, n'est-ce pas?) le rattachement à la Fédération de Russie. Si Vladimir Poutine n'a pas encore publiquement réagi, le président russe tient là une revanche sur son revers au Kosovo.

Toujours est-il que Poutine, le calculateur machiavélique, est en pleine ascension et marque des points depuis 2008. Il n'a jamais digéré que la Province Autonome du Kosovo ait pu, avec l'aide massive de l'OTAN, faire sécession d'avec la Serbie et devenir un État indépendant. Il a promis, dès 1999, et de nouveau en 2007 lors de la proclamation d'indépendance du Kosovo, que cela coûterait cher aux Occidentaux avec leurs "deux poids deux mesures".

Et l'Occident avait payé un an plus tard, lorsque la Géorgie avait perdu deux provinces, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud, devenues des Républiques indépendantes reconnues seulement par la Russie, le Nicaragua, le Venezuela et quelques micro-États du Pacifique.

La Crimée, un Kosovo bis?

Voilà ce qui est en train de se passer avec la Crimée, cette République autonome dans l'Ukraine. Poutine le légaliste est ici en train de jouer le rôle des Occidentaux avec le Kosovo: il a la possibilité de détacher la Crimée de l'Ukraine, comme les Occidentaux avaient détaché le Kosovo. L'excuse est là: le parlement autonome de Crimée a voté son rattachement à la Russie! C'était si simple, il suffisait d'y penser. Car derrière l'homme d'État un peu glacial se cache aussi un procédurier juridique.

Poutine a parlé du Kosovo le 4 mars 2014 dans une interview fleuve devant la presse russe. A la question de l'adhésion de la Crimée à la Russie, il a assuré que non, il ne l'envisageait pas. Et de rappeler le droit à l'autodétermination, et le fait que les Albanais du Kosovo avaient exercé ce droit. Dès lors, si ce droit existe, il existe aussi pour d'autres, ajouta-t-il. Mais le gouvernement russe n'encouragerait pas de sentiments de ce type.

Toutefois, Poutine est irrésistiblement attiré par l'annexion de la Crimée. Il n'a pas encore dit oui, c'est vrai. Pourquoi hésiter? Il a déjà laissé des soldats russes, sans insignes certes mais en uniforme, en Crimée. En fait, le président russe a de bonnes raisons d'hésiter. La Constitution de l'Ukraine, celle de 2004 revenue en vigueur, ne prévoit aucune sortie de l'Ukraine de quelque partie que ce soit. Par comparaison, la Constitution de l'URSS (1977) stipulait en son Article 72: "chaque République de l'Union garde le droit de faire librement sécession d'avec l'URSS". Rien de tel dans la Constitution de l'Ukraine, Tovaritch Poutine! (camarade Poutine!).

La Crimée, une province juridiquement liée à l'Ukraine

En outre, la Constitution de la Crimée (1998) ne prévoit pas non plus une future décision sur la séparation d'avec l'Ukraine. Je compresse un peu l'Article 1. "La République autonome de Crimée fera partie intégrante de l'Ukraine et devra traiter toute question dans le cadre de la Constitution de l'Ukraine". Et la Constitution de poursuivre que la Crimée n'exercera que les pouvoirs délégués par les lois et la Constitution de l'Ukraine. C'est explicite.

Autre petit ennui juridique: en 1994 a été signé entre les Etats-Unis, le Royaume-uni, l'Allemagne, la Russie, et l'Ukraine, un Mémorandum de Budapest, genre de mini-traité. Il garantit l'intégrité territoriale de l'Ukraine. Ça aussi, c'est explicite.

Ainsi Poutine devra trouver une parade juridique pour détacher la Crimée de l'Ukraine. Car en matière de force, il peu détacher la Crimée en quelques heures. Tout d'abord, les Criméens vont voter par rérérendum dans 12 jours. Ils diront oui, et c'est alors que l'on verra comment fait un président autocratique et procédurier.

Harold Hyman et journaliste spécialiste de géopolitique