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Sécheresse, rafales de vent... Comment expliquer la violence des incendies à Los Angeles en plein hiver

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Environ 1.500 bâtiments ont été détruits et plus de 100.000 habitants de la mégapole américaine ont été forcés de fuir face aux flammes, attisées par de forts vents sur une végétation très sèche. À l'aune du dérèglement climatique, la Californie est de plus en plus vulnérable face aux incendies.

De telles scènes paraissent exceptionnelles en plein hiver. Trois violents incendies ravagent la région de Los Angeles, aux États-Unis, depuis plusieurs jours. Ce jeudi 9 janvier, un bilan provisoire fait état de cinq morts. Le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, a qualifié la situation de "sans précédent".

Même dans une région habituée aux feux de végétation, surtout durant la période estivale, la violence des flammes et la rapidité de leur propagation surprennent les autorités et les secours. C'est un cocktail de conditions propices qui a contribué à attiser ces incendies.

Los Angeles est balayée par "des vents de la force d'un ouragan combinés à des conditions de sécheresse extrême", a résumé la maire Karen Bass.

Les puissants vents de "Santa Ana"

Les flammes se déplacent à une vitesse fulgurante, propagées par des vents qui ont atteint près de 130km/h et même parfois plus de 160km/h dans certaines zones vallonnées ou montagneuses. Il s'agit là de ce que les Californiens appellent les vents de Santa Ana.

Ces vents surviennent durant les mois les plus frais, généralement de fin septembre à mi-mai, et provoquent des rafales fortes et sèches qui soufflent depuis le vaste désert intérieur occidental des États-Unis jusqu'au sud de la Californie, explique The Guardian, à l'opposé de l'air humide habituel qui vient de l'océan Pacifique.

Les vents de Santa Ana traversent les zones désertiques d'une partie du Nevada, de l'Utah, de l'Idaho et du sud-est de l'Oregon et s'y réchauffent. Lorsqu'ils atteignent la Californie, ils contribuent à assécher la végétation, qui devient ainsi plus vulnérable face aux flammes. Les rafales peuvent ensuite parfois transporter les braises sur plusieurs kilomètres.

En outre, ces forts vents peuvent également provoquer des chutes de poteaux électriques, ce qui peut déclencher des incendies, même si la cause de ceux qui ravagent actuellement Los Angeles reste encore à déterminer.

"Nous n'avons pas assez de pompiers"

Les rafales de vent rendent aussi plus difficile l'intervention des équipes de secours pour éteindre les flammes. "Même si l'avion peut voler, les vents puissants affectent les largages de retardateur et d'eau", illustre par exemple Jess Torres, chef de bataillon du département des forêts et de la protection contre les incendies, auprès du New York Times.

Face à la propagation des flammes, le travail des secours est colossal. "Nous n'avons pas assez de pompiers dans le comté de Los Angeles pour faire face à cette situation", a déploré ce mercredi matin Anthony Marrone, le chef des pompiers du comté de Los Angeles.

"Plus de 7.500" soldats du feu, parfois venus d'autres États américains, mènent le combat contre ces "incendies sans précédent à Los Angeles", avait affirmé le gouverneur de Californie mercredi.

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Sur les réseaux sociaux, des voix s'élèvent également pour protester contre un éventuel manque d'eau dans plusieurs bouches à incendie des quartiers de Pacific Palisades, rapporte le Los Angeles Times. Selon la directrice générale du département de l'eau et de l'électricité de Los Angeles, mercredi à 3 heures du matin, tous les réservoirs de stockage d'eau de la région "étaient à sec" diminuant le débit d'eau des bouches d'incendie situées à des altitudes plus élevées. Les Californiens ont été invités par les autorités à économiser l'eau.

Le président élu Donald Trump a répandu de fausses informations sur son réseau Truth Social, en affirmant que la Californie manquait d'eau à cause des politiques environnementales démocrates qui détourneraient l'eau de pluie pour protéger un "poisson inutile". En réalité, la plupart de l'eau utilisée par Los Angeles provient du fleuve Colorado, et est utilisée en priorité par l'industrie agricole, rappelle l'AFP.

Une maison en flammes à Altadena au nord de Los Angeles le 8 janvier 2025
Une maison en flammes à Altadena au nord de Los Angeles le 8 janvier 2025 © JOSH EDELSON / AFP

Une sécheresse inédite

En plus des vents de Santa Ana qui assèchent la végétation, la région de Los Angeles a connu un hiver exceptionnellement sec. En 2022 et 2023, les périodes hivernales avaient été, à l'inverse, particulièrement arrosées, provoquant une pousse importante de la végétation.

Cette année, une grande partie du sud de la Californie a été à nouveau frappée par la sécheresse. Du 1er juillet dernier au 5 janvier, il n'est tombé sur le centre de Los Angeles que quatre millimètres d'eau, bien loin des normales de saison.

Bien que le nord de l'État ait reçu beaucoup de pluie cet hiver, il existe une "remarquable" division des précipitations en Californie, selon le climatologue Daniel Swain auprès d'AP, certaines parties du sud connaissant leurs périodes les plus sèches depuis plus de 150 ans.

Cette combinaison entre un très faible taux d'humidité, couplé à des vents forts et secs qui ont balayé les terres, a ainsi attisé les flammes sur une végétation abondante.

Dans le quartier dévasté de Pacific Palisades dévasté par les incendies, à Los Angeles, le 8 janvier 2025.
Dans le quartier dévasté de Pacific Palisades dévasté par les incendies, à Los Angeles, le 8 janvier 2025. © AFP

L'impact du dérèglement climatique

Ce cocktail de conditions propices au développement d'incendies est aussi renforcé par la crise climatique au niveau mondial qui rend les feux de forêts plus fréquents et dévastateurs. La hausse globale des températures liées notamment à l'exploitation et l'utilisation des énergies fossiles entraîne une hausse des jours de "conditions météorologiques propices aux incendies".

Les scientifiques estiment que le dérèglement climatique augmente d'environ 25% le risque d'incendies rapides en Californie, rapporte The Guardian. Ainsi, dix des plus gros feux de forêt qu'a connu l'État ont eu lieu au cours des deux dernières décennies, dont cinq en 2020 seulement.

Le changement climatique d'origine humaine a contribué à une augmentation de 172% des zones brûlées en Californie depuis les années 1970, avec une nouvelle propagation attendue dans les décennies à venir. Comme le montre l'intensité des feux actuels, la saison des incendies de végétation s'allonge.

Pour les pompiers et les autorités, la lutte contre ces flammes est loin d'être terminée. Selon les prévisions météorologiques, l'alerte rouge aux vents violents est maintenue jusqu'à vendredi au minimum.

Salomé Robles