États-Unis: une étudiante turque propalestinienne arrêtée, son avocate affirme qu'elle a été "enlevée"

L'avocate de l'étudiante turque Rumeysa Ozturk, arrêtée aux États-Unis par la police de l'immigration, a accusé ce jeudi 27 mars les agents de l'avoir "enlevée", dans le cadre de la répression de l'administration de Donald Trump contre les militants propalestiniens sur les campus universitaires.
"Nous devrions tous être horrifiés de la manière dont (le ministère de la Sécurité intérieure) a enlevé Rumeysa en plein jour", s'indigne dans un communiqué son avocate, Mahsa Khanbabai.
L'étudiante turque en doctorat à l'université Tufts, près de Boston, est détenue par le ministère de la Sécurité intérieure (DHS) depuis mardi.
Une arrestation en pleine rue
Elle avait cosigné en mars 2024 un article dans son journal universitaire, le Tufts Daily, critiquant la façon dont son établissement gérait le mouvement de contestation contre la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza. Comme le rapporte CNN, les étudiants demandaient notamment à leur université de se désinvestir des entreprises liées à Israël.
"Le grand public a vu la vidéo du moment terrifiant quand un groupe d'agents du DHS portant des vêtements de ville et des masques ont entouré Rumeysa dans la rue, alors qu'elle était en chemin pour retrouver des amis et rompre son jeûne de ramadan", souligne l'avocate Mahsa Khanbabai.
"Rien dans cette vidéo n'indique que ce sont des agents des forces de l'ordre et de quelle agence (ils seraient). Cette vidéo devrait glacer le sang de tout le monde", ajoute-t-elle.
Une vidéo partagée sur les réseaux sociaux et filmée par un voisin semble montrer six policiers en civil s'approchant de Rumeysa Ozturk alors qu'elle marche seule sur un trottoir. Selon CNN, la jeune femme était en route pour retrouver des amis pour un dîner.
Un policier portant une casquette et un sweat à capuche lui attrape les bras, tandis qu'un autre sort un badge et prend le téléphone portable de la jeune femme. Peu après, les officiers mettent tous des masques sur leur visage, certains d'entre eux portant des lunettes de soleil, tandis que l'un d'eux retient les mains de la doctorante derrière son dos. En une minute, Rumeysa Ozturk est conduite dans un véhicule.
"Envoyée en Louisiane" illégalement
L'étudiante a déposé une requête pour obtenir des autorités qu'elles expliquent sur quelles bases légales elles l'ont arrêtée, selon un document judiciaire consulté mercredi par l'AFP.
Aux termes de cette requête, un juge a décidé qu'elle ne pouvait pas être légalement transférée en dehors de l'État du Massachusetts, où se situe l'université Tufts.
Mais selon son avocate, Rumeysa Ozturk a "été envoyée en Louisiane" (sud), malgré cette décision du tribunal. Les autorités fédérales ont répondu que ce transfert avait été effectué avant l'ordonnance du juge.
Son avocate regrette de n'avoir pu parler à sa cliente que 24 heures après son arrestation. Dans sa requête au tribunal exigeant un accès immédiat à Rumeysa Ozturk, l'avocate a notamment dit que la jeune femme avait été détenue sans accès à ses médicaments, dont l'un était pour des crises d'asthme.
Des activités "de soutien au Hamas"
Une porte-parole du ministère de la Sécurité intérieure a indiqué dans un communiqué que Rumeysa Ozturk "s'est engagé dans des activités de soutien au Hamas", sans préciser la nature de ces activités, rapporte CNN.
Cette source a également affirmé que le secrétaire d'État Marco Rubio a "considéré" que les activités présumées de l'étudiante auraient "des conséquences potentiellement graves et compromettraient un intérêt majeur de la politique étrangère américaine".
Il a suggéré qu'elle était impliquée dans des manifestations étudiantes contre les opérations militaires israéliennes à Gaza.
"Si vous demandez un visa pour entrer aux États-Unis et que vous êtes étudiant, et que vous nous dites que la raison pour laquelle vous venez aux États-Unis n'est pas seulement parce que vous voulez étudier, mais parce que vous voulez participer à des mouvements qui consistent à vandaliser des universités, à harceler des étudiants, à occuper des bâtiments, à créer du grabuge, nous ne vous donnerons pas de visa", a déclaré Marco Rubio dans des propos rapportés par CNN.
À ce jour, l'administration Trump a révoqué des centaines de visas, a aussi dit le secrétaire d'État. D'après le média américain, celui de Rumeysa Ozturk l'est également.
De son côté, l'ambassade de Turquie aux États-Unis a indiqué que "des initiatives ont été prises avec le Département d'État américain, l'Unité de l'immigration et des douanes et d'autres unités compétentes".
"Tout est mis en œuvre pour fournir les services consulaires et le soutien juridique nécessaires à la protection des droits de nos citoyens", a-t-elle écrit sur X.
"Chasse aux sorcières"
Depuis son retour à la Maison Blanche, Donald Trump s'en prend aux grandes universités accusées de laisser prospérer sur leurs campus des manifestations propalestiniennes, qu'il juge relever de l'antisémitisme.
Le cas le plus emblématique, ces dernières semaines, est celui de la prestigieuse université new-yorkaise Columbia, que le président américain accuse de laxisme et de ne pas suffisamment protéger les étudiants juifs sur le campus.
La police fédérale de l'immigration a arrêté début mars une figure de ces manifestations à Columbia, Mahmoud Khalil, un détenteur de la carte verte de résident permanent que le gouvernement veut expulser coûte que coûte.
Une manœuvre contestée en justice et qui suscite un vif émoi aux Etats-Unis, notamment parmi les défenseurs de la liberté d'expression. Dans un communiqué, le frère de Rumeysa Ozturk a dénoncé une "chasse aux sorcières". Étudiante en psychologie, Rumeysa Ozturk étudie aux États-Unis depuis 2018, a déclaré sa famille.
"Laissez-moi vous assurer que l'université fait tout ce qui est en son pouvoir pour soutenir notre communauté, alors que nous continuons d'apprendre davantage d'informations sur cet événement troublant en temps réel", a écrit un responsable de l'université de Tufts, où étudie la jeune turque, dans un courriel aux anciens élèves.
Mercredi soir, des centaines de personnes ont manifesté sur le campus de l'université contre la détention de Rumeysa Ozturk.