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États-Unis: un an après sa défaite, que reste-t-il de Donald Trump et du trumpisme?

Donald Trump à la Maison Blanche, le 19 septembre 2020

Donald Trump à la Maison Blanche, le 19 septembre 2020 - Sarah Silbiger © 2019 AFP

S'il semble avoir complètement disparu de la circulation, l'ancien président des États-Unis garde une influence majeure du côté des républicains, et semble poser les jalons d'une nouvelle candidature en 2024.

Avec pertes et fracas. Lorsqu'il quitte la Maison-Blanche en janvier 2021, quelques semaines après sa défaite à la présidentielle américaine, Donald Trump laisse derrière lui un pays rongé par la pandémie de Covid-19, mais aussi par de fortes tensions sociales. Des tensions exacerbées par la mort de George Floyd, un Afro-américain tué par un policier blanc. Mais aussi par l'attaque du Capitole menée par plusieurs centaines de partisans du républicain, chauffés à blanc par le comportement de leur champion, qui a refusé de reconnaître sa défaite dans les urnes.

Comme un dernier outrage à sa fonction, le 20 janvier, jour de la traditionnelle passation de pouvoir, Donald Trump fait le choix de ne pas accueillir son successeur Joe Biden au domicile présidentiel, une première depuis 1869, et de filer à l'anglaise direction la Floride. "Être votre président a été le plus grand honneur de toute ma vie. Merci et adieu", lance-t-il dans une dernière adresse à la nation.

Retour à l'anonymat?

Le point final de sa courte mais tumultueuse vie politique? Un an jour pour jour après sa défaite du 3 novembre 2020, le trumpisme "a disparu de l’espace public", estime auprès de BFMTV.com Christophe Le Boucher, co-auteur des Illusions perdues de l’Amérique démocrate aux éditions Vendémiaire et lui-même expatrié outre-Atlantique. "Il apparaît surtout dans les médias conservateurs, il y a un phénomène de bulle", assure le journaliste.

"Il n’y a que les chaînes Youtube d’extrême droite qui relaient ses discours. Il a disparu de CNN, il est parfois sur Fox News. Il a disparu, sauf pour les fans", nuance le journaliste Alexandre Mendel, auteur de Chez Trump: 245 jours et 28.000 miles dans cette Amérique que les médias ignorent.

C'est bel et bien en sous-main et via des réseaux secondaires que le républicain sait rester proche de ses ouailles. Le 10 octobre passé, l'ancien président a par exemple enregistré une vidéo de trois minutes dans laquelle il réclamait la réouverture de l'enquête concernant la mort d'Ashli Babbitt, une jeune femme tuée par balles lors de l'assaut du Capitole. "Comme tous les Américains, vous méritez une procédure équitable, vous méritez des réponses et vous méritez la justice", a-t-il lancé dans une vidéo enregistrée et diffusée lors d'un rassemblement pour la défunte.

Toujours une "grande influence" chez les républicains

Si Donald Trump est beaucoup moins présent médiatiquement, d'un point de vue purement politique, son poids reste encore considérable dans son camp. Dans une enquête récemment réalisée par le Pew Research Center, deux tiers des républicains interrogés souhaitent que l'ancien président continue de jouer un rôle majeur, et 44% espèrent qu'il se présentera au scrutin de 2024.

"Chez les républicains, il garde une influence très importante, il reste très populaire", confirme Christophe Le Boucher. "Il n’y a aucun autre candidat pour 2024, et la majorité a envie qu’il se représente. Ceux qui se sont opposés à lui sont devenus marginalisés, il a encore une emprise complète."

Pour Alexandre Mendel, cette influence a des conséquences très concrètes: l'ex-président a "pris en otage le parti républicain". "Ce 2 novembre, il y a des élections sénatoriales en Iowa avec sept candidats républicains pour ravir l’un des deux sièges, et tous se réclament pro-Trump", note-t-il en guise d'exemple.

Cette popularité, malgré la cuisante défaite présidentielle de 2020, s'explique assez aisément. "Ce qui plaît aux républicains, c’est cette forme de solidité, de personnage, son ego, sa façon de parler. C’est une marque Trump, une sorte de culte de la personnalité. C’est difficile de s’opposer à lui car ça veut dire s’opposer à la base du parti", ajoute Alexandre Mendel, pour qui "le trumpisme mourra quand Trump mourra."

Signe de cette fidélité sans limites, en septembre dernier, plusieurs centaines de partisans de Trump étaient de nouveau réunis devant la Capitole, afin de demander justice pour les personnes interpellées le 6 janvier au même endroit et pour, une nouvelle fois, demander la reconnaissance de la victoire de Donald Trump. Particulièrement encadré, le rassemblement s'est cette fois-ci déroulé de manière pacifique.

"Il n'a aucun programme pour l'avenir"

Ces dernières semaines, Donald Trump a multiplié les sorties. Début octobre, lors d'un meeting organisé en Iowa, l'ancien locataire du bureau ovale a semblé poser les jalons d'une probable candidature pour 2024, entre deux critiques cinglantes adressées à Joe Biden "Make America great again, again" - "Rendre sa grandeur à l'Amérique, encore une fois", a-t-il lancé, comme en écho à son slogan de campagne de 2016. Définitivement acquitté à l'issue d'une seconde procédure d'impeachment, rien ne l'empêche de se présenter de nouveau.

Mais cette candidature devra se heurter à plusieurs écueils. "Ce qu’on lui reproche, c’est de ne jamais parler du futur, il évoque ce qu’il a fait, sa victoire volée, mais il n’a aucun programme pour l’avenir", reprend le spécialiste des États-Unis Alexandre Mendel. Au cours de ses ultimes discours, devant une foule pourtant conquise, Donald Trump a en effet sorti ses vieilles rengaines, proposant une nouvelle fois de revenir sur l'Obamacare - la réforme du système de santé portée par son prédécesseur - et de prolonger son mur à la frontière du Mexique.

De plus, si Donald Trump reste un repoussoir pour l'électorat démocrate, il l'est également pour une partie des républicains les plus modérés, particulièrement échaudés par les événements du Capitole et par son attitude en fin de mandat. Une peur et parfois même un dégoût, qui pourraient finalement pousser les plus indécis à se tourner vers un vote démocrate.

"Trump est parfois vu comme un has-been au mieux, au pire comme un abruti", juge Alexandre Mendel.

"Les républicains sont tous polis avec lui, mais c’est un repoussoir, pour les primaires, ce serait compliqué de se positionner contre lui, mais même Pence (son ancien vice-président, NDLR) commence à être critique", martèle encore l'auteur, qui illustre un peu plus sa théorie de "prise d'otage' du parti républicain. "Il est à la fois une locomotive pour les républicains, mais également un caillou dans la santiag de ceux qui ne se disent pas que républicains, mais aussi indépendants", lâche-t-il.

Il n'empêche, selon des sondages récents, à date, en cas de duel entre Joe Biden et Donald Trump, l'actuel président démocrate ne posséderait qu'une avance de 3% sur son prédécesseur. "En vérité, c’est plus Joe Biden qui dévisse", tempère Alexandre Mendel.

Toute une communication à revoir

Mais comment faire campagne sans ses porte-voix traditionnels? Définitivement banni de plusieurs réseaux sociaux au lendemain des événements du Capitole, malgré une plainte pour "censure" contre Twitter, Donald Trump se retrouve amputé de son canal de communication favori, où il était suivi par 89 millions de personnes.

Comme contre-attaque, le républicain a décidé de lancer Social Truth ("La vérité sociale" en version française, ndlr), un réseau social qui lui est dédié et sur lequel il est possible de poster des "Truth", de faire des "re-Truth", de partager des photos, des actualités ou encore des vidéos.

Mais "qui va s’y inscrire sinon des convaincus?", s'interroge Alexandre Mendel.

"Il a du mal à mener à bien ses projets. Les annonces, il sait faire, mais il faut déjà qu’il ait une équipe technique compétente. Qui va aller dessus à part ses fans? Cela aura une portée limitée, c’est un énième effet d’annonce", abonde Christophe Le Boucher.

Une dernière différence majeure existe entre le Donald Trump candidat de 2016 et Donald Trump potentiel candidat pour 2024. Cette différence, c'est l'argent. Si les finances du milliardaire semblaient à l'époque infinies, ses ressources semblent se tarir peu à peu. Pour la première fois depuis 25 ans, l'ancien magnat de l'immobilier ne fait plus partie des 400 premières fortunes américaines selon Forbes. Depuis le début de la pandémie de Covid-19, qu'il a abordé avec cynisme, il aurait perdu la somme de 600 millions de dollars.

https://twitter.com/Hugo_Septier Hugo Septier Journaliste BFMTV