"Trump renforcé", "unité nationale"... Quelles conséquences pour la campagne présidentielle américaine?

Drapeau américain hissé lors du meeting de Donald Trump à Butler en Pennsylvanie, le 13 juillet 2024. - REBECCA DROKE / AFP
Les images ont fait le tour du monde: Donald Trump, la joue ensanglantée, le poing levé, le drapeau américain hissé derrière lui... Samedi 13 juillet, l'ancien président des États-Unis, candidat à sa réélection en novembre prochain est devenu le rescapé d'une tentative d'assassinat lors d'un meeting en Pennsylvanie.
Cet incident tragique qui a tué un spectateur et blessé deux autres pourrait avoir des conséquences importantes pour le républicain, à l'heure où le pays souffre d'une importante fracture entre pro-Trump et démocrates. Cette campagne présidentielle bat tous les records de polarisation et d'événements extrêmes, constate d'ailleurs la politologue et journaliste spécialiste des Etats-Unis, Marie-Christine Bonzom.
"C'est du jamais-vu. Une campagne pareille, on n'a jamais eu ça", analyse-t-elle pour BFMTV.com.
Nouveau tournant pour une campagne hors normes
A trois jours de la Convention des Républicains et à trois mois du scrutin de novembre, "cette tentative d'assassinat signe un nouveau tournant majeur dans cette campagne présidentielle hors normes", constate-t-elle.
Cette experte, l'un des rares analystes à avoir entrevu la victoire de Donald Trump en 2016, a tout le recul pour comparer. La politologue basée à Washington a couvert 7 élections américaines et suivi 5 présidents. Elle observe des pressions inédites subies par les deux candidats principaux de cette campagne.
Côté démocrate, "on a un candidat dont l'acuité mentale est remise en question et qui vit des pressions énormes pour se retirer", émet-elle à propos de Joe Biden. Durant le débat entre l'actuel président et Donald Trump, de nombreuses séquences ont en effet fait planer le doute quant à la bonne santé physique et mentale de celui qui se représente à sa propre réélection, à 81 ans.
Côté républicain, "on a désormais le principal candidat qui vient se subir une tentative d'assassinat... Cette hyperpolarisation et ces évènements extrêmes, arrivés conjointement, est une situation qui ne s'est encore jamais présentée", observe la journaliste.
Unité nationale
Pro-Trump contre anti-Trump, pro-Biden contre anti-Biden, républicains contre démocrates... Le paroxysme de la polarisation qui scinde le pays a été atteinte avec cette tentative d'assassinat dont a été victime Donald Trump. Pourtant, dans les minutes qui ont suivi, le pays a semblé offrir une forte image d'unité.
Une fois la stupeur passée, "l'heure est à l'unité et à la consolidation nationale, on remercie les services secrets, on montre son empathie pour les victimes. Et l'ensemble des médias est soulagé que Trump soit vivant", observe Olivier Piton, avocat français installé aux États-Unis et auteur de "La nouvelle révolution américaine" sur BFMTV.
"Le temps de la polémique viendra, mais les premières images sont celui de l'unité nationale", observe-t-il.
Dans un message posté plus tard dans la journée sur ses réseaux sociaux, le candidat républicain lui-même à appeler les Américains à rester "unis".
Tout un symbole
L'incident tragique laisse toutefois derrière lui une image spectaculaire. En quelques secondes, Donald Trump est passé "du candidat au héros", souligne André Kaspi, historien de l'histoire des États-Unis. La conséquence, "c'est que Donald Trump sort renforcé dans son aura", observe le professeur émérite auprès de BFMTV.com.
"L'image est éloquente. Avec son poing levé en signe de victoire, le candidat républicain devient le symbole d'une Amérique qui résiste aux attentats", souligne-t-il.
Reed Brody, avocat américain, ancien substitut du procureur de New York va plus loin. Pour certains électeurs, Donald Trump vient même d'accéder "au statut de martyr" estime-t-il sur notre antenne.
Une future victoire pour Trump?
L'une des conséquences de cet épisode sera incontestablement une popularité renforcée, s'accordent la majorité des experts interrogés.
"On a l'exemple de Bolsonaro il y a quelques années en 2018, qui survit à une tentative d'assassinat et décolle dans les sondages", compare Reed Brody.
"Je pense qu'il y aura une grande réaction, une grande empathie, une grande mobilisation des électeurs de Donald Trump", avance-t-il.
Pour André Kaspi, l'ex-président américain "a fait preuve de courage et d'action", malgré tout ce qui lui est reprochable. "C'est encore plus voyant quand on compare avec l'image très affaiblie qu'offre son opposant démocrate et actuel président, Joe Biden".
Quarante-trois ans plus tôt, en 1981, Ronald Reagan est, lui aussi, victime d'un tireur à sa sortie de l'hôtel Hilton de Washington, où il venait de prononcer un discours. Un homme a tiré six coups de feu dans sa direction, le blessant, ainsi que trois autres personnes. Le chef de l'État survit, mais est blessé.
"Il se fend toutefois d'un trait d'esprit à son épouse et première dame, Nancy Reagan", raconte à BFMTV.com André Kaspi. "Excuse-moi, j'ai oublié de me baisser", explique le président flegmatique à sa femme, en faisant allusion aux réflexes de base appris par le peuple américain pour se protéger en cas de fusillade. "Le sang-froid et le sens de l'humour montrés par Ronald Reagan l'ont conforté dans les sondages qui ont suivi", rappelle l'historien.
Rien n'est joué cependant
Pour autant, rien n'est figé d'ici l'élection de novembre. Il ne faut pas négliger en effet la place de plus en plus importante que prennent les électeurs indépendants dans le scrutin américain. Déçus de la perspective d’un duel Trump-Biden et d'une nouvelle opposition "républicains contre démocrates", ils pourraient être tentés de se tourner vers d'autres candidats.
Cette tentative d'assassinat peut devenir la goutte "qui fait déborder le vase des centristes", décrypte Marie-Christine Bonzom. Nombreux sont ceux qui considèrent que les deux partis traditionnels sont coupables d'avoir attisé l'atmosphère "extrêmement polarisée et violente verbalement", explique-t-elle.
Et la spécialiste d'ajouter: "De la violence verbale, on est passé à la violence physique. Je pense qu'à l'issue de cet ultime épisode d'excès, certains électeurs indécis vont, certes, se rallier à Trump mais de nombreuses voix, dont celle de la jeunesse, vont se rallier au candidat libertarien Chase Oliver ou à un candidat indépendant tel que Robert Kennedy Jr". Ce dernier, dont les derniers sondages lui accordent 9% des votes, s'est néanmoins fait remarquer ces dernières années pour des propos complotistes.