BFMTV
Egypte

Pourquoi l'Egypte s'embrase ?

Un minibus incendié par des manifestants, à Port-Saïd, samedi 26 janvier.

Un minibus incendié par des manifestants, à Port-Saïd, samedi 26 janvier. - -

Deux ans après la révolution qui a permis de renverser le régime de Moubarak, des violences secouent de nouveau l’Égypte. Quels sont désormais les enjeux pour les Frères musulmans au pouvoir et quelle est leur marge de manœuvre ?

L'Egypte connaît de nouvelles violences meurtrières, deux ans après la révolution du 25 janvier. Sophie Pommier, directrice du cabinet Méroé, et chargée de cours à Science-Po, spécialiste du Moyen-Orient et du Maghreb analyse pour BFMTV.com la situation.

>> A LIRE AUSSI - Egypte : le "Jour de la révolution" vire aux affrontements

- Pourquoi une telle escalade de la violence en Egypte ?

La situation est le fruit d’une coïncidence de dates entre le deuxième anniversaire de la révolution, le 25 janvier 2011, et le procès du drame de Port-Saïd. Dans ce dernier, 21 personnes ont été condamnées à mort, pour leur implication dans les violences après le match de football, le 1er février 2012, qui avaient fait 74 morts et des centaines de blessés.

- Qui sont les manifestants ?

Au Caire, se retrouvent dans la rue, d’une part les opposants au régime des Frères musulmans et ceux qui s’inquiètent de la dégradation économique. Mais aussi des groupes de jeunes casseurs, des ultras, supporteurs des clubs de football du Caire. Déjà dans la rue au moment de la révolution, ils avaient fait cause commune avec les révolutionnaires. Ils ont un peu sombré dans le hooliganisme. S'ajoute à cela le phénomène des "enfants des rues", des jeunes livrés à eux-mêmes, qui comme l'explique Sophie Pommier, descendent dans la rue "pour casser".

A Port Saïd, le verdict de la Cour a jeté les gens dans la rue. Le pouvoir a eu peur d’une décision qui mécontenterait les ultras du Caire. La Cour a donc pris une décision qui charge les supporteurs de l’équipe de Port-Saïd, à l'origine de la tuerie.

Ce verdict a suscité la colère des familles. Les peines sont en effet très lourdes et exonèrent les forces de police qui avaient été à l'époque accusées de complicité. "L’idée des Frères, analyse Sophie Pommier, étant de se dire, il vaut mieux du grabuge à Port-Saïd qu’au Caire”.

>> A LIRE AUSSI - 31 morts et 300 blessés à Port-Saïd après des condamnations à mort

- La stratégie des Frères musulmans : limiter les dégâts

Pour les Frères musulmans l'impératif est "gérer la situation sur le plan sécurité, quitte à rétablir l’état d’urgence et à opter pour la manière forte", analyse Sophie Pommier. L'idée est de tenir jusqu'aux élections législatives, qui devraient intervenir fin février.

- Le régime, coincé entre calendrier économique et politique

Les Frères musulmans sont coincés entre le calendrier économique et le calendrier politique. Economiquement, le pays va très mal. Les Frères musulmans sont donc en négociation avec le FMI pour l’obtention d’un prêt de 4,8 milliards de dollars. Mais ils doivent pour cela mettre en place un programme de réformes économiques et notamment des mesures fiscales très impopulaires et lourdes sur le plan social.

- L'opposition, contre-pouvoir ?

L’opposition appelle à manifester vendredi à travers le pays pour "réaliser les objectifs de la révolution". Mais pour Sophie Pommier, cette opposition est "calamiteuse", à la fois incapable de s’unir, et de présenter un programme et des contre-propositions. Et d'ajouter : "ils demandent la dissolution de la confrérie, l'abandon de la constitution validée par réferendum, des Présidentielles anticipées, autant d'exigences irréalistes ce qui revient à demander aux Frères de se saborder et empêche d'entrer dans une négociation".

Ils menacent également de boycotter les élections, ce qui est "le meilleur cadeau qu’ils puissent faire aux Frères".

Magali Rangin