La démission du cardinal Barbarin, "un coup de tonnerre" au sein de l'Église

L'archevêque de Lyon Philippe Barbarin, le 7 janvier 2019 lors de son arrivée au tribunal correctionnel de Lyon. - Jeff Pachoud - AFP
"Coup de tonnerre" dans l'Église catholique. Quelques heures après avoir été reconnu coupable de "non-dénonciation" des abus sexuels du père Preynat dans son diocèse, le cardinal Barbarin a annoncé jeudi qu'il allait rendre sa démission au pape François.
"C'est comme dans une tempête"
"C'est encore une fois un coup de tonnerre au moment où l'Église est déjà bien sonnée par une tempête très forte, les vagues secouent la barque", a reconnu l'archevêque de Strasbourg auprès de France 3 Alsace, estimant qu'il s'agissait de "chocs violents" au sein de l'Église catholique.
"C'est comme dans une tempête, il y a un éclair qui tombe, un de plus, on s'en sortira, mais on s'en sortira au prix d'une grande vérité, d'une grande droiture et en particulier à l'égard des victimes", a ajouté Mgr Luc Ravel tout en admirant "la droiture" du cardinal Barbarin qui va présenter au pape François sa démission, même s'il va faire appel de la décision de justice.
"On assiste à un tremblement de terre dans l'Église"
"La démission d'un cardinal - archevêque de Lyon, c'est inédit, historique", a rappelé Bernard Lecomte, consultant religion pour BFMTV, pour qui cette affaire "vient couronner une prise de conscience de l'Église". "Le cardinal Barbarin n'est pas n'importe qui dans l'Église, sachant qu'il y a à peine 200 cardinaux dans le monde autour du pape, c'est donc un exemple spectaculaire pour tous les évêques du monde".
Pour ce spécialiste des questions religieuses, l'éclatement des récentes affaires d'abus sexuels à l'international bouscule l'institution. "On assiste depuis quelques semaines, quelques mois, voire quelques années, à un tremblement de terre dans l'Église", estime Bernard Lecomte sur notre antenne.
Au Chili, en Allemagne, aux États-Unis: ces derniers mois, la crédibilité de l'Église a été sévèrement entachée par les scandales sexuels. Pour la première fois, le Pape François a reconnu que des soeurs avaient été sexuellement agressées par des prêtres. En février dernier, face à la multiplication des affaires, le souverain pontife avait même tenu une réunion sur les abus sexuels sur mineurs en présence des 114 présidents des épiscopats du monde entier.
Le procès du silence de l'Église
Pour l'écrivain bibliste Anne Soupa, ce qui fait la différence avec les récents scandales sexuels, c'est "l'apparition et la présence des victimes" sur la place publique.
"Le procès de Barbarin, c'était en quelque sorte le procès de l'Église", a déploré l'auteure sur les religions. "Cette condamnation dit quelque chose de la lassitude des catholiques devant la culture du silence. Les catholiques ont besoin que l'Église prenne en compte extrêmement sérieusement ces questions d'abus. Elles n'ont pas été bien traitées par l'Église, mais je pense que c'est l'occasion qu'une page se tourne", a-t-elle lancé sur notre antenne.
"Ce qui s'est passé à Rome il y a une dizaine de jours, c'est la prise de conscience que cette Eglise universelle doit faire le ménage sur la planète entière", estime Bernard Lecomte. "En France, en Allemagne, aux États-Unis, ça fait 10 ou 15 ans que ce travail (de libération de la parole) est déjà amorcé, avec plus ou moins de succès. Mais dans les pays du tiers monde où se trouvent 80% des catholiques, au Nigéria ou aux Philippines par exemple, le travail n'a même pas encore commencé".
En septembre, l'archevêque de Strasbourg avait publié une "lettre pastorale" appelant l'Église à "changer en profondeur", dénonçant le "cancer des abus sexuels" commis par des prêtres. Mgr Luc Ravel doit publier le 20 mars un livre dans lequel il veut livrer "la parole vraie d'un évêque sur les abus sexuels".