"Je ne suis pas passée par-dessus les barrières": la soeur Geneviève se défend d'avoir brisé le protocole après la mort du pape François

Le pape François et la soeur Geneviève Jeanningros, après l'audience publique papale du 20 avril 2022, sur la place Saint-Pierre, au Vatican. - Alberto PIZZOLI
"Je ne suis pas passée par-dessus les barrières comme certains ont pu l’écrire! Ce n’est plus de mon âge!" La soeur Geneviève Jeanningros, qui s'est recueillie pendant de longues minutes auprès de la dépouille du pape François mercredi dernier, a suscité la curiosité du monde entier, au point d'être accusée d'avoir brisé le protocole en restant aussi longtemps.
Cette soeur de la congrégation des Petites sœurs de Jésus, née en France, et âgée de 82 ans, est en réalité une amie de longue date du pape François, avec qui elle échangeait régulièrement. "C’est toujours triste quand on a un ami qui s’en va", témoignage-t-elle auprès du Figaro.
Une rencontre fondée sur un drame
Geneviève Jeanningros rencontre Jorge Mario Bergoglio en 2005, alors que celui-ci n'est pas encore pape, mais archevêque de Buenos Aires. Elle lui écrit une lettre après les funérailles de sa tante, soeur Léonie Duquet, morte en décembre 1977, jetée à la mer au large de la capitale argentine depuis un avion, dans un des "vols de la mort" pratiqué par la junte au pouvoir pour se débarrasser de ses opposants.
Près de 30 ans après avoir disparu, son corps est en identifié, ce qui permet de l'enterrer. Une cérémonie est alors organisée dans l’église Santa-Cru de Buenos Air et la religieuse est inhumée dans le jardin de cette église. C'est Jorge Mario Bergoglio qui donne son autorisation pour la tenue de cette cérémonie mais, le jour des funérailles, celui-ci n'est pas présent, ce qui met en colère soeur Geneviève.
Cette dernière écrit donc une lettre à l'archevêque Jorge Mario Bergoglio, alors que celui-ci est à Rome pour un synode. Le soir même, le futur pape lui téléphone, la remercie pour sa lettre et lui explique avoir pensé à l'époque que l'autorisation d’inhumer Léonie Duquet dans le jardin de l’église Santa-Cru "aurait suffi".
"Non, cela ne suffisait pas. Les gens avaient besoin d’une présence. Ils ont trop souffert. L’Église doit être présente avec les souffrances des gens", lui répond alors soeur Geneviève, selon son témoignage à la télévision épiscopale italienne. Ce à quoi Jorge Mario Bergoglio lui a répondu "Merci ma sœur. C’est comme ça qu’on fait entre sœurs et frères", toujours selon le témoignage de Geneviève Jeanningros.
Des rencontres régulières et une aide
Plusieurs années plus tard, en 2013, Jorge Mario Bergoglio est élu pape et prend le nom de François. Soeur Geneviève est invitée à une messe à la résidence Sainte-Marthe où réside le nouveau pape. "Cela a vraiment été pour moi, la réconciliation", relate Geneviève Jeanningros auprès de TV2000.
Sensibilisé à la cause des "grands-mères" de la place de Mai, qui luttent pour retrouver les enfants volés sous la dictature argentine, le pape François reçoit deux d'entre elles, trois jours plus tard. Après cette rencontre, le pape ouvre les archives du Vatican, de la nonciature et de la conférence épiscopale argentine pour aider les familles dans leurs recherches. Un pas de plus dans l'amitié entre le pape François et la soeur Geneviève.
Deux ans plus tard, celui-ci lui rend même une visite inattendue. Geneviève Jeanningros vit dans une caravane, auprès de la communauté des forains du Luna Park d'Ostie, à une trentaine de kilomètres de Rome. Le pape, attendu à l’église Santa Maria Regina Pacis d’Ostie, fait une halte pour aller salue son amie et rencontrer ceux auprès desquels elle vit.
Durant la pandémie de Covid-19, soeur Geneviève demande de l'aide au pape, alors que les forains se retrouvent sans argent en raison de la fermeture du parc. Elle fait également appel à lui afin de recevoir un groupe de prostituées trans latino-américaines du littoral de Rome.
Le pape argentin leur fait parvenir de l'argent pour qu'elles se nourrissent, leur fournit des vaccins et finance notamment le transfert au Pérou de la dépouille de l'une d'elles, retrouvée morte en 2024. Il reçoit également plusieurs d'entre elles, que lui présente soeur Geneviève. "J’essayais toujours de venir avec une personne qui en avait particulièrement besoin, l’un de ceux vers qui on ne s’approche pas", se rappelle la religieuse.