
Flavian Jost
"Il vous écoutait vraiment": ces Français racontent leur rencontre avec le pape François
Roberto Ciurleo était au volant lundi 21 avril au matin quand il a appris la mort du pape François. Bouleversé, ce producteur de comédies musicales de 55 ans a dû s’arrêter en urgence sur le bas-côté pour pleurer. "La nouvelle m’a pris aux tripes", confie ce fidèle chrétien et adorateur du souverain pontife, encore ému.
D’autant plus que, quelques semaines plus tôt, il avait eu le privilège de le rencontrer à deux reprises lors d'audiences privées au Vatican pour parler de son spectacle, Bernadette de Lourdes. "Quelle chance nous avons eu, avec la troupe, d'avoir pu l'approcher d'aussi près et lui parler", reconnaît-il aujourd'hui.
Pourtant, ce producteur de spectacles a croisé la route de nombreuses célébrités du monde du spectacle au cours de sa carrière. "Rencontrer le pape, c'était une tout autre dimension car c'était quelqu'un que j'avais l'impression de connaître, dont la parole comptait beaucoup pour moi".
"Il vous regardait mais surtout il vous écoutait"
Lorsqu'il aperçoit le pape François pour la première fois en décembre dernier, Roberto Ciurleo est d'abord marqué par la silhouette d'un homme affaibli, physiquement diminué. "Ça m'a mis un coup car je me suis dit 'oulah, il est vraiment très très fatigué'", raconte-t-il avec tendresse. "J'ai pensé 'quel courage'! 'Quelle charge ça doit être pour une personne de son âge, qui avant et après nous enchaînait les rencontres avec des chefs d'État et autres ambassadeurs'".
Mais quelques secondes plus tard, c'est un tout autre homme qu'a découvert le producteur. "Quand il se met à vous parler, il s'éveille. Il passe tout à coup d'un vieil homme à un adolescent et vous découvrez quelqu'un de vif".

"Même s'il y avait du monde autour de vous, non seulement il vous regardait mais surtout vous sentiez qu'il vous écoutait. Qu'il vous écoutait vraiment", poursuit Roberto Ciurleo. Selon lui, le pape François avait "une écoute pour chacune des personnes qu'il rencontrait. Ce qui est quelque chose de très fort, très puissant", se souvient Roberto Ciurleo, qui a le souvenir d'avoir parlé avec lui de l'importance de la création, de la place des artistes, de l'art et de son accessibilité au plus grand nombre.
À la demande du pape François, la première italienne de Bernadette de Lourdes s’est ainsi tenue dans une salle du Vatican à Rome, non pas devant des VIP, mais face à un public de sans-abri, de personnes pauvres et de prostituées. C'est cette approche très "simple et humble aux autres" qui a particulièrement touché le producteur.
"Prie pour moi, mon travail est difficile"
Quelques mois après, Roberto Ciurleo garde en mémoire le contraste entre la solennité des lieux et la simplicité du moment vécu avec le pape. "On a dû attendre plusieurs heures avant de pouvoir le voir et pendant tout ce temps, on est entouré de sculptures, de peintures, de marbre, d’œuvres qui vous happent… Rien que le lieu est exceptionnel ! En arrivant, on se sent minuscule", se souvient-il.
"Et puis, au milieu de tout ce protocole, de toute cette grandeur, on se retrouve face à un homme, simplement humain. C’était une rencontre intime, à huis clos."
Après l'avoir salué, le producteur est encore ému en repensant au moment où le pape François lui a pris la main, l'a serrée fort avant de lui glisser quelques mots dans le creux de l'oreille: "Prie pour moi, mon travail est difficile'". Des mots qui prennent une résonance toute particulière aujourd'hui.
Le chanteur Hugues Auffray, interrogé par BFMTV.com, se dit aussi "très fier" d'avoir pu approcher le souverain pontife en février 2024.

Ce jour-là, l'interprête de Santiano a été béni par le pape, et il a même eu la chance de lui chanter un couplet de sa chanson Le Petit Âne Gris, une référence à l'animal qui a réchauffé l'enfant Jésus et ses parents dans l'étable, selon la tradition chrétienne.
"Je lui ai dit que j'étais un chanteur populaire et que ce sont les enfants qui ont fait ma réputation. Ça l'a touché, beaucoup", affirme l'artiste, qui se souvient d'un homme "extrêmement fatigué".
"Tout va très vite mais ça nous a suffi"
Même si la rencontre n'a duré qu'une poignée de minutes, Hugues Auffray raconte avoir pris le temps d’expliquer au pape François la symbolique de cette chanson qui, dit-il, a parfois fait pleurer des enfants à la fin, lorsqu’elle évoque la mort de l'âne. Le pape, avec un sourire malicieux, lui aurait alors lancé: "Mais enfin, pourquoi vous faites pleurer les enfants?" Un souvenir bouleversant pour l'artiste, qui se dit chanceux d'avoir pu croiser la route du Pape argentin.
À 9 ans, le jeune Flavian, lui, ne rêvait ni de Disneyland, ni de piloter une Formule 1, ni de rencontrer une star. Son souhait: rencontrer le pape François pour lui demander de le guérir de la forme grave d'épilepsie dont il souffre depuis tout petit.

Son souhait a pu se réaliser grâce à l’association Make-A-Wish en décembre 2016, puisque Flavian et ses parents ont pu rencontrer le souverain pontife dans une petite chapelle près du Vatican. Le pape François a pu bénir Flavian et l'embrasser sur le front. Quelques minutes qui resteront gravées dans la mémoire de cet habitant de Marchiennes (Nord).
Aujourd’hui âgé de 18 ans, il conserve intacte l’émotion de cette rencontre, qu’il revit à travers les photos qu’il garde précieusement. "Quand on est rentrés dans la salle, il y avait plusieurs centaines de personnes et nous étions positionnés tout devant. Il m'a fait un bisou sur le front et à cause de l'émotion, je suis parti". Devant le pape, Flavian fait alors une crise d'absence épileptique (typique de sa maladie): pendant quelques secondes, son regard est absent et il semble ailleurs, insensible à ce qui l'entoure.
"Le pape a semblé quelque peu appeuré par la situation, mais nous l'avons rassuré puis il a passé son chemin. Tout va très vite, c'est très intense mais ça nous a suffi. Il en faut pour tout le monde et il faut savoir partager", se souvient Marie-Charlotte Jost, la mère de Flavian.
"C'est pour ça qu'aujourd'hui on croit en tout"
Au-dessus de son lit, en fond d’écran sur son téléphone: le pape François est partout dans la maison de la famille Jost. "Il incarne l'espoir pour moi, alors ce moment, j'y repense très souvent, presque tous les jours", raconte le jeune homme. "Dès que j'ai besoin de force ou de confiance dans ma vie, je porte la médaille qu'il a bénie ce jour-là, et ça m'aide".
"Je sais pertinemment que sans cette rencontre, je n'aurais jamais réussi à passer toutes les épreuves que j'ai dû traverser par la suite: les tests de médicaments, les opérations, les séjours à l'hôpital, etc".

L'adolescent est désormais scolarisé en classe de Terminale: il s'apprête à passer son bac et espère étudier l'informatique.
Sa mère, Marie-Charlotte Jost, confirme que cette rencontre a complètement changé la vie de son fils. "Rencontrer le pape, ça paraissait impensable, hors de notre portée et pourtant on est allés au bout. À partir du moment où on a réussi à faire ça, on se dit qu'on peut tout faire. C'est pour ça qu'aujourd'hui on croit en tout, même dans l'espoir d'une guérison", lance cette habitante du Nord. Grâce à un nouveau traitement, ses crises se sont espacées et il est en capacité de faire beaucoup plus de choses qu'auparavant.
Bien que très affecté par son décès depuis une semaine, Flavian est catégorique: "De toute façon je sais qu'il continue de me voir et de me protéger de là où il est".