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"J'avais besoin de le faire": ces adultes ont décidé de se faire baptiser à Pâques

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À la veille de Pâques, plusieurs dizaines de milliers d’adultes s’apprêtent à recevoir le baptême ce samedi soir, lors de la veillée pascale. Porté par un élan fort chez les moins de 25 ans, le nombre de baptêmes enregistre une hausse marquée de 45% chez les adultes et de 33% chez les adolescents. Quatre jeunes catéchumènes de 18 à 24 ans racontent leur choix à BFMTV.com.

À la tombée de la nuit samedi, Julie Gauthier prendra le chemin de l'église Saint Jean-Baptiste à Bastia (Haute-Corse) pour recevoir le sacrement du baptême à l'occasion de la veillée pascale, comme le veut la tradition catholique. À 22 ans, la jeune femme de l'eau bénite lui sera versée sur la tête, tout comme une vingtaine d’autres cathéchumènes se préparant au baptême dans sa paroisse. Un geste symbolique qui marquera son entrée officielle dans la religion catholique.

La jeune cheffe de projet marketing, également créatrice de contenus lifestyle, est loin d'être un cas isolé. Cette année pour Pâques, 10.384 adultes se feront baptiser en France, dont 42% de jeunes âgés de 18 à 25 ans selon une enquête de la Conférence des évêques de France (CEF). Des chiffres en forte hausse (45%) par rapport à l'année précédente.

Les 15-25 ans "plus à l'aise pour parler de leur foi "

Ses parents -chrétiens non pratiquants- avaient fait le choix de ne pas la baptiser lorsqu'elle était enfant afin de lui laisser le choix une fois en âge de comprendre. Mais la foi chrétienne l'a "naturellement rattrapée" lorsqu'elle avait 17-18 ans, à un moment de sa vie "où ça n'allait pas trop" sur le plan amical.

"Ce jour-là, j'étais à bout. J'ai voulu aller à l'église mais celle-ci était fermée alors je me suis assise sur le parvis, je me suis mise à pleurer et à prier", raconte-t-elle.
Julie Gauthier et Laury Sanchez lors des préparatifs en vue de leur baptême, tous deux prévus lors du week-end pascal.
Julie Gauthier et Laury Sanchez lors des préparatifs en vue de leur baptême, tous deux prévus lors du week-end pascal. © Julie Gauthier et Laury Sanchez

La jeune Corse de 23 ans explique s'être tout de suite "sentie comprise". "La vie est instantanément devenue plus légère", résume celle qui a depuis pris l'habitude d'aller à la messe seule tous les dimanches. À ses yeux, le baptême n'est que "la suite logique des choses", comme elle l'explique à ses 600.000 abonnés sur Tiktok.

Catherine Lemoine, déléguée pour les adolescents à la Conférence des évêques de France, se réjouit que cette génération des 15-25 ans soit "vraiment en mouvement aujourd'hui". "Elle s'assume, ils sont beaucoup plus à l'aise pour parler de leur foi. Les réseaux sociaux aussi poussent à cela, et ils sont acteurs de leur foi, ils vont d'eux-mêmes aller à la messe".

"Il y a bien sûr TikTok, avec le monde des influenceurs catholiques", mais aussi "des contextes familiaux parfois difficiles", l'environnement international qui pousse "à la quête de sens, avec des questions existentielles parfois très profondes, sur la souffrance, la vie, l'amour, la mort...", tente aussi d'expliquer Benoît Bertrand, l'évêque de Pontoise, à l'AFP.

Évangile 2.0

C'est par le biais de son fil Tiktok qu'Ambre Deloy, étudiante de 18 ans en BTS tourisme à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), s'est prise de passion pour la religion catholique il y a trois ans, alors qu'elle était en classe de seconde. "Je voyais plein de gens de mon âge super bienveillants qui en parlaient face caméra, qui expliquaient super bien ce que ça leur apportait tout ça... Je trouvais le message super positif, ça proposait plein de solutions. De fil en aiguille j'en ai eu de plus en plus dans mes 'pour toi' et à force on se met dedans tout seul, on commence à lire de soi-même etc.".

"Je trouve qu'on en entend de plus en plus parler. Ça se développe énormément en ligne, ça a explosé d'un coup!"
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Si la moitié des adultes postulant au baptême sont issus de familles de tradition chrétienne, la Conférence des évêques de France observe depuis quelques années "l'importance de ceux et celles qui se déclarent sans tradition religieuse".

De parents athées, Ambre Deloy explique par exemple ne pas avoir été éduquée dans la religion catholique, ni avoir le moindre ami de confession catholique. Son choix a ainsi pu étonner certains membres de sa famille éloignée, au point d'essuyer quelques mauvaises blagues à ce sujet.

Des "on-dit" qui n'atteignent en aucun cas la jeune femme, qui se fera baptiser samedi soir avec quatre autres jeunes femmes dans sa paroisse près de Saint-Malo. "C'est un choix personnel, que personne à part moi ne peut comprendre", défend-elle. "Depuis que je me suis plongée dedans, j'ai l'impression d'avoir changé dans le bon sens, ça me fait prendre les choses différemment et ça apaise mes angoisses".

"Tout le monde a suivi mon aventure"

Laury Sanchez non plus n'a pas grandi dans une famille croyante. Cette Marseillaise de 24 ans a ressenti le besoin de se tourner vers la spiritualité à la mort de son grand-père il y a quatre ans. Elle s'est d'abord intéressée au judaïsme, sans pour autant avoir de déclic, avant d'entamer "le chemin un peu seule" grâce aux réseaux sociaux, notamment Tiktok et Youtube où elle a dans un premier temps pris l'habitude d'écouter la Bible avant "d'oser" s'en acheter une.

Au fil de ses recherches, cette technicienne métrologue de profession s'est retrouvée dans les récits bibliques et elle dit avoir ressenti en elle "l'amour de Jésus", au point d'aller à la messe tous les dimanches et d'emprunter le chemin du baptême. "Je me suis dit: 'c'est ça et rien d'autre!", confie-t-elle.

Laury Sanchez affirme qu'au début, elle n'osait pas trop en parler autour d'elle par crainte du jugement des autres. "Ma mère m'a demandé pourquoi, mais globalement tout le monde a compris ma démarche et a suivi mon aventure". Aujourd'hui, au terme de deux ans de préparation, elle dit avoir retrouvé "une paix intérieure" alors qu'elle s'apprête à se faire baptiser devant ses proches samedi soir.

"Ça m'étonne moi-même, mais j'ai beaucoup changé", analyse-t-elle. "Je me suis beaucoup calmée, moi qui partait toujours au quart de tour". "C'est comme un renouveau, comme si je repartais de zéro. Que tous mes péchés s'effaçaient".

Le retour des baptêmes par immersion

À quelques heures de "la consécration tant attendue", Océane Giordanella reconnaît être un peu "stressée". Samedi soir à 21 heures, la jeune femme de 18 ans se fera baptiser avec 12 autres personnes dont sa cousine et sa soeur d'une vingtaine d'années. Celui-ci aura lieu par immersion complète du corps dans une autre paroisse marseillaise: la seule de la ville à être encore équipée d'un bassin spécialement prévu à cet effet.

Cette fidèle chrétienne explique qu’il s’agit d’un rite qui n'est "plus beaucoup pratiqué en France", mais que "certaines Églises essaient de faire revivre les traditions d’antan". Une volonté de retour aux sources, puisque le baptême par immersion fait écho à celui de Jésus dans le Jourdain, tel qu’il était pratiqué aux débuts du christianisme.

Lors du sacrement, la lycéenne sera ainsi vêtue d'une tenue violette lorsqu'elle descendra dans le bassin d'eau bénite, puis elle sera invitée à revêtir une tenue blanche -symbole de renaissance- dans un deuxième temps.

Bien qu'elle ait grandi avec un père juif et une mère catholique, Océane Giordanella estime ne pas avoir vraiment grandi dans la pratique d'aucune des deux religions. À l'image de Laury Sanchez, elle a trouvé refuge dans le catholicisme d'elle-même il y a quatre ans, alors qu'elle traversait une passe difficile pendant l'adolescence. Elle affirme que "parler à Dieu l'a aidée à retrouver un certain bien-être". Il y a un an dans sa paroisse, cela lui a même permis de rencontrer son petit-ami - lui aussi catholique - pendant le Carême.

"Ça va être un beau moment, plein d'émotions. Depuis le temps que j'avais besoin de le faire. Une partie de moi aurait aimé être baptisée enfant car c'est ce que préconise l'Église", regrette un peu la jeune fille à la veille du grand jour, avant de se reprendre: "d'un autre côté, aujourd'hui je fais cette démarche en pleine conscience et je sais que je m'en souviendrai toute ma vie... J'ai même pu choisir mon parrain et ma marraine!"

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV