"Il n'était pas calculateur": les confidences de la journaliste Elisabetta Piqué, amie du défunt pape François

Elisabetta Piqué journaliste et amie du pape François, place Saint-Pierre au Vatican le 20 février 2025. - BFMTV
Elle fut l'une des premières à prédire et écrire que Jorge Mario Bergoglio serait pape lors du conclave de 2013. Non parce qu'Elisabetta Piqué connaissait bien celui qui allait devenir le premier pape latino-américain de l'histoire, mais parce qu'elle avait de bonnes informations. Elle savait notamment qu'il avait beaucoup de soutiens au sein des cardinaux.
La journaliste argentine, correspondante au Vatican pour le journal La Nacion a rencontré le Saint-Père il y a plus de vingt ans. Il n'est alors qu'archevêque de Buenos Aires. En février dernier, alors que le pape François était hospitalisé, elle racontait à BFMTV ses souvenirs de ce moment-clé.
"Mon journal m'appelle pour me dire qu'il allait être fait cardinal par Jean-Paul II. Et la rédaction souhaite alors que je l'interroge, se souvient-elle. On m'a dit qu'en tant que jésuite, il ne se prêterait pas facilement à cet exercice de l'interview".
Elle réussit tout de même à décrocher un entretien. "Il m'a tout de suite semblé que c'était une personne très différente de ce que je connaissais ici en tant que journaliste qui couvre le Vatican. Une personne normale. Il ne m’a pas dit va de retro satanas mais m'a accordé un salut très simple. À cette époque, quand je l'ai vu pour la première fois, il était très timide. Mais toutes ses réponses s'avéraient très directes, sans détour, très claires. J'ai donc été impressionné par cet homme qui, contrairement peut-être à d'autres cardinaux, n'était pas calculateur", ajoute-t-elle.
"Une bonne relation avec lui"
Trois jours après la parution de cet entretien dans La Nacion, la journaliste reçoit un coup de fil de Jorge Mario Bergoglio. Inquiète, elle se demande si elle a trahi ses propos ou sa pensée dans son article.
"En fait, il appelait pour me remercier. C’est quelque chose qui ne m'est arrivé que très rarement dans ma carrière de journaliste. Et ça a marqué le début, disons, d'une bonne relation avec lui", raconte celle qui avoue que celui qui allait diriger le Vatican n'aimait pas beaucoup se rendre à Rome.
De cet homme, qui baptisera ses deux enfants, elle se souvient aussi de sa remarquable ouverture d'esprit. Elle lui consacrera d'ailleurs un livre: François, vie et révolution, ouvrage qui a inspiré le film Le Pape François (2015).
A-t-il lu cette biographie qui lui est dédiée? "Je sais qu'il l'a lue. Mais je suis presque sûre qu'il n'a jamais vu le film qui en a été tiré".
La journaliste se souvient de ses nombreux appels du pape alors qu'elle était en Ukraine, proche du front: "Il s’est rendu compte au cours de toutes ces années qu'il est Père à une époque très difficile et de plus en plus compliquée du monde et qu'il a toujours essayé d'être une voix, l'une des rares voix qui disent 'arrêtons, arrêtons'. En d'autres termes, Fratelli Tutti, pour reprende les termes de son encyclique".
"La voix des sans-voix"
Quelle trace laisse-t-il selon Elisabetta Piqué? "Je pense que c'est un pape qui est devenu la voix des sans-voix. C'est un pape qui n'a jamais côtoyé les puissants. Un pape proche des gens. Un souverain pontife qui a également transformé le Vatican, l'Église en donnant de la place aux femmes, en lui donnant surtout la vision d'une Église ouverte à tous", estime-t-elle.
Avant de conclure: "Son héritage est énorme. Il était un pape parfait pour le monde dans lequel nous vivons, un monde qui a besoin de dialogue. Il est le premier pape à avoir écrit une encyclique sur l'environnement. À une époque où l'un des présidents de l'une des plus grandes puissances mondiales affirme qu'il n'y a pas de changement climatique, il parlait de nombreuses questions très importantes. Je crois enfin qu'il a su s'adresser aux jeunes et que, plus que tout autre, il a amené des non-catholiques à entendre son message."