BFMTV
Société

Pénalisation des clients de prostituées: de premières condamnations... symboliques

-

- - AFP

Depuis l'entrée en vigueur de la loi pénalisant les clients de prostituées, une quarantaine d'entre eux ont été condamnés, rapporte ce lundi Le Parisien. Mais pour les défenseurs des travailleurs du sexe, c'est une goutte d'eau avant tout symbolique.

Les premières condamnations sont tombées. Une quarantaine de clients de prostituées ont été poursuivis depuis l'entrée en vigueur le 14 avril dernier de la nouvelle loi sur la pénalisation de l'achat d'actes sexuels, assure Le Parisien ce lundi.

Le jour de la mise en application du texte, un quinquagénaire était interpellé en forêt de Fontainebleau, en Seine-et-Marne. Le premier. Le procureur de la République lui avait proposé un stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels. Stage qu'il n'a pu effectuer, faute de décret d'application, et qui s'est transformé en stage de sensibilisation à la citoyenneté, à ses frais.

Une amende de 300 à 350 euros

A Paris, une dizaine de clients ont été arrêtés, rapporte de son côté 20 minutes. "Sur cette dizaine de clients, six ont fait l'objet d'une ordonnance pénale avec obligation de payer une amende de 300 à 350 euros", explique une source judiciaire au quotidien gratuit.

La plupart de ces clients ont été interpellés dans le bois de Vincennes, dans le 12e arrondissement de la capitale. "Il y a également eu un client arrêté dans le bois de Boulogne (16e) pour achat d'actes sexuels et exhibitionnisme", ajoute la source. "Mais celui-ci a été déféré devant un juge et a fait l'objet d'un rappel à la loi".

37.000 travailleurs du sexe

La France est devenue le cinquième pays européen à sanctionner les clients de prostituées, après la Suède, pionnière dès 1999, la Norvège, l'Islande et le Royaume-Uni.

Selon une étude réalisée l'année dernière par le mouvement du Nid qui lutte contre les causes et les conséquences de la prostitution, la France compte environ 37.000 travailleurs du sexe. Loin d'être producteur de richesse, le système prostitutionnel coûterait, selon le rapport, 1,6 milliard d'euros chaque année à la France.

3.500 euros d'amende en cas de récidive

Déposée fin 2013 alors que Najat Vallaud-Belkacem était ministre des Droits des femmes, la pénalisation des clients de prostituées - mesure phare de la proposition de loi socialiste renforçant la lutte contre la prostitution - a connu un parcours laborieux, retoquée à trois reprises par le Sénat, à majorité de droite.

L'achat d'actes sexuels est depuis sanctionné par une contravention de 1.500 euros, qui peut aller jusqu'à 3.500 euros en cas de récidive. Une peine complémentaire sous forme d'un stage de sensibilisation aux conditions de la prostitution est également prévu. 

Des condamnations symboliques

Mais ces condamnations seraient avant tout symboliques avant d'être véritablement efficaces pour lutter contre la prostitution. 

"Les effets de cette loi sont limités", analyse pour BFMTV.com Nicolas Gardères, maître de conférences à Sciences-Po Paris et avocat du collectif Droits et prostitution. "Il y a eu quelques dizaines d'interpellations et condamnations, des procès-verbaux, des amendes, quelques convocations devant le tribunal mais cela reste infinitésimal par rapport à la réalité de la prostitution".

Le spécialiste en libertés publiques considère que rien n'a réellement changé en deux mois. D'autant que, selon lui, il est très difficile pour les forces de l'ordre de constater l'infraction si ce n'est en flagrant délit. 

Chassés de la rue

Pour le Strass, le Syndicat du travail sexuel, l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi a fait fuir les clients, de moins en moins nombreux dans la rue.

"Pas besoin de les arrêter, la seule présence de la police est dissuasive, remarque pour BFMTV.com Morgane Merteuil, porte-parole de l'organisation. Mais pour les prostitué(e)s, les conditions de travail se sont dégradées de manière générale. Les travailleurs du sexe restent plus longtemps dans la rue et ont moins de pouvoir de négociation."

C'est également ce que considère Nicolas Gardères. Selon lui, cette nouvelle loi a surtout eu pour effet de fragiliser un peu plus les travailleurs du sexe. 

"La tendance générale est de les chasser de la rue pour que la prostitution reste cachée. En étant repoussées de l'espace public, les prostituées se sentent plus précarisées, menacées et en danger."

https://twitter.com/chussonnois Céline Hussonnois-Alaya Journaliste BFMTV