Des stages de sensibilisation pour les clients de prostituées

Soixante-dix ans après l'abolition des "maisons closes" en France et au terme de deux ans et demi de vifs débats à l'Assemblée et au Sénat, la France a changé d'approche en matière de prostitution. Elle a rejoint mercredi le camp des quelques pays européens qui sanctionnent les clients de prostituées, avec l'adoption définitive par le Parlement de la proposition de loi PS renforçant la lutte contre la prostitution.
A l'issue d'un ultime vote d'une Assemblée nationale désertée (seuls 87 députés ont pris part au vote final), les clients des prostitué(e)s pourront être condamnés à une contravention de 1.500 euros maximum et jusqu'à 3.750 euros en cas de récidive. Le délit de racolage passif, institué en 2003 par le ministre de l'Intérieur d'alors, Nicolas Sarkozy, est supprimé.
Le texte prévoit la création d'un parcours de sortie de la prostitution avec des mesures d'accompagnement social ainsi qu'un titre de séjour de six mois pour les prostituées étrangères engagées dans ce parcours. Un fonds sera abondé à cette fin à hauteur de 4,8 millions d'euros par an. La loi prévoit aussi des campagnes de sensibilisation, à destination des jeunes notamment.
Enfin l'article 17 crée une peine complémentaire prévoyant un stage de sensibilisation aux conditions de la prostitution. Ce sera au juge d'apprécier s'il faut contraindre ou non un client à suivre un stage.
"Faire changer le regard de la société"
"Tout au long du débat parlementaire, on s'est rendu compte que l'opinion a évolué mais il y a encore une grande méconnaissance et c'est cette prise de conscience qu'on vise. Il faut que les clients comprennent qu'ils font partie d'une trafic d'êtres humains", explique à BFMTV.com Catherine Coutelle, présidente PS de la Délégation aux droits des femmes.
"Au-delà de la répression, on veut faire changer le regard de la société sur la prostitution sur la violence qu'elle constitue", explique la députée socialiste Maud Olivier.
Les stages de sensibilisation à la sécurité routière pour les auteurs d'infractions routières sont connus du grand public. Il existe aussi des stages de citoyenneté auxquels ont été condamnés récemment par exemple deux rappeurs ou l'organisateur d'une manifestation interdite à Calais. Il existe des stages de sensibilisation aux dangers des drogues. En ce qui concerne la prostitution, il "va falloir les construire. ça n'existe pas", explique Maud Olivier. à BFMTV.com
La durée et les modalités n'ont pas été entièrement définies dans la loi. Les tribunaux travailleront avec les associations qui existent dans les juridictions et ils pourront s'appuyer sur des expériences similaires.
Des similitudes avec les violences conjugales
Des stages de sensibilisation à destination de conjoints violents existent notamment dans le Nord et dans l'Essonne. En préparant sa loi, Maud Olivier a rencontré l'Association pour le contrôle judicaire en Essonne (A.C.J.E. 91) dont le fonctionnement pourrait être décliné aux achats de relations tarifées.
Son directeur, François Roques, voit en effet des similitudes entre les infractions en matière de violences conjugales et la prostitution, que ce soit par exemple la négation de l'identité et de l'intégrité de la femme, la domination ou encore l'image dégradée de la femme.
Il voit la même légitimation avec d'un côté des réflexions du type "je pais donc je fais ce que je veux " et de l'autre "c'est ma femme, je fais ce que je veux".
Un financement par le mis en cause
Selon les profils, les auteurs de violences conjugales suivent des modules d'un ou deux jours, pour lesquels il déboursent de 65 à 300 euros. Ils sont entourés par des juristes, des contrôleurs judiciaires et des psychologues qui opèrent une double approche: juridique et psycho-éducative.
L'approche juridique suffit parfois à prévenir la récidive en rappelant que c'est interdit par la loi. Et l'approche psychologique leur permet de d'analyser leur rapport aux femmes et de déconstruire certaines notions.
François Roques explique ainsi avoir parfois en face de lui des hommes qui sont persuadés que les violences conjugales sont généralisées ou légitimes. Et ils parviennent à prendre conscience du contraire par le biais de groupes de paroles ou d'entretiens.
Il estime qu'il "va falloir du temps pour changer les mentalités sur la prostitution et faire que le fantasme de la prostitution libre à la 'Casque d'or' ne soit plus 'entendable'. Ce sera une évolution sociétale au même titre que les violences conjugales" qui étaient peu réprimées par la loi avant 2003.