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Société

Les conditions d'une crise sociale ne semblent pas réunies

Défilé à Marseille lors de la journée de grèves et de manifestations de mardi contre le projet de réforme des retraites. Malgré la pression accrue des syndicats, la mobilisation contre ce texte a peu de chances d'aboutir à une crise sociale mais Nicolas S

Défilé à Marseille lors de la journée de grèves et de manifestations de mardi contre le projet de réforme des retraites. Malgré la pression accrue des syndicats, la mobilisation contre ce texte a peu de chances d'aboutir à une crise sociale mais Nicolas S - -

par Marine Pennetier PARIS (Reuters) - Malgré la pression accrue des syndicats, la mobilisation contre la réforme des retraites en France a peu de...

par Marine Pennetier

PARIS (Reuters) - Malgré la pression accrue des syndicats, la mobilisation contre la réforme des retraites en France a peu de chances d'aboutir à une crise sociale mais Nicolas Sarkozy doit se garder de tout faux pas, estiment des analystes.

Pour Hubert Landier, spécialiste des relations sociales, on ne déclenche pas une crise sociale - risque évoqué par le dirigeant de la CGT Bernard Thibault - en appuyant sur un bouton et, pour l'instant, chaque acteur s'en tient à son rôle.

"Nous assistons à une commedia dell'arte avec des acteurs qui connaissent leur rôle et qui s'est jouée sans trop de couacs jusqu'ici", dit-il. "Il était prévu à l'avance dans le scénario que le gouvernement conserverait du gras pour répondre à l'appel de la rue et apporter quelques concessions supplémentaires. Tout ceci était déjà dans les tuyaux".

Entre 1,1 et 2,7 millions de personnes selon les sources ont défilé mardi contre le texte phare du quinquennat de Nicolas Sarkozy qui prévoit notamment le report de 60 à 62 ans de l'âge légal de départ en retraite. Les syndicats, forts de ce succès, ont appelé à une nouvelle mobilisation le 23 septembre.

François Fillon a exclu jeudi d'autres concessions sur la réforme après les "avancées" proposées la veille par le chef de l'Etat sur des sujets annexes, comme la pénibilité.

Face à cette fin de non-recevoir, la situation ne devrait pas pour autant s'envenimer, estime Guy Groux, chercheur au Cevipof.

"Jusqu'à présent, la CGT et la CFDT font preuve d'une attitude raisonnable en ne demandant pas le retrait du texte et ne parlant pas de 'texte scélérat' comme cela a pu être le cas par le passé", dit-il.

"Leur objectif est d'obtenir des concessions pour sortir de cette affaire sans avoir l'air d'avoir tout perdu aux yeux des adhérents et de l'opinion publique."

SYNDICATS DIVISÉS, OPINION FRAGILE

Sur les huit syndicats qui participeront à la nouvelle journée de mobilisation, seul Solidaires agite ouvertement le drapeau d'une grève reconductible.

Partagée sur la stratégie à adopter, l'intersyndicale a mis plusieurs heures mercredi pour se mettre d'accord sur la date du 23 septembre, fruit d'un délicat compromis.

Ce dilemme se retrouve chez les Français. Une récente étude de l'Ifop insiste sur la "fragilité" de leur positionnement, une tendance qui était moins marquée lors des précédentes réformes des retraites, relève Hubert Landier.

"L'opinion publique a bougé en faveur d'une réforme des retraites. Ça ne veut pas dire qu'elle soutient la réforme mais elle estime qu'une réforme pour garantir le financement des futures retraites est indispensable", avance-t-il.

Selon lui, la prochaine manifestation sera avant tout l'occasion de tenter d'obtenir de nouvelles concessions et ne devrait pas aboutir à des grèves comme en 1995 ou à des mouvements du type de celui contre le contrat première embauche (CPE) de 2006.

"En 1995, le mouvement était parti non pas d'une loi mais d'un discours d'Alain Juppé. Pour le CPE, c'était une décision personnelle de Dominique de Villepin, qui était isolé dans l'opinion publique et dans son propre gouvernement. Le contexte actuel est différent, on est face à une réforme qui est inéluctable dans un contexte de déficit budgétaire," dit-il.

PRUDENCE

Céline Bracq, directrice adjointe de BVA Opinion, note "une résignation plus forte pour cette réforme que pour une autre".

"La majorité de la population ne croit pas en la promesse du PS de rétablir l'âge légal de la retraite à 60 ans s'il revient au pouvoir", estime-t- elle.

Si l'opinion soutient les manifestations, la majorité des Français ne sont pas prêts à descendre dans la rue, dit-elle. "Il s'agit plus d'un soutien de coeur que d'un soutien effectif. Les grévistes sont une part marginale de la population."

Pour obtenir le retrait du projet de loi, réclamé par FO et Solidaires, il faudrait que les dirigeants syndicaux provoquent une crise sociale. Mais selon Hubert Landier, les conditions pour y parvenir ne sont pas réunies.

"Une crise sociale est imprévisible et n'est jamais décidée par les états-majors syndicaux", explique-t-il. "Une crise sociale est une réaction du corps social qui est prise en charge par les syndicats."

Pour autant, le gouvernement doit prendre garde à ne pas faire de faux pas dans les semaines qui viennent.

Les soupçons de trafic d'influence qui pèsent sur le ministre du Travail, Eric Woerth, pour ses liens avec le gestionnaire de fortune de l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt est un sujet sensible qui menace de faire basculer l'opinion du côté de la radicalisation.

"Il faut que le gouvernement, l'Elysée fassent très attention dans la période actuelle. Les gens comprennent qu'il faut faire des efforts sur les retraites mais veulent que ce soit une répartition juste des efforts à faire et ne toléreront pas d'écart", souligne Hubert Landier.

Edité par Yves Clarisse