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La meilleure façon de voir France-Uruguay? Avoir 10 ans et être à l’école

Des enfants lors d'un entraînement de l'équipe ed France, le 6 juin 2018, à Clairefontaine.

Des enfants lors d'un entraînement de l'équipe ed France, le 6 juin 2018, à Clairefontaine. - GERARD JULIEN / AFP

Le quart de finale de la Coupe du monde de l’équipe de France contre l’Uruguay tombe pile le dernier jour de classe avant les vacances scolaires, certains s’organisent pour que les enfants puissent quand même suivre la rencontre.

Dans nos lointains souvenirs d'élève de primaire, le dernier jour d’école avant les grandes vacances est long comme un jour sans pain. Il le sera encore sans doute ce vendredi, mais pas pour les mêmes raisons. Si la classe se termine bien le 7 juillet, les élèves seront sans doute tous dans l’attente d’une seule chose: le match France-Uruguay, qui débutera à 16h, pour un quart de finale de la Coupe du monde. A cet horaire-là, ce sont bien souvent les animateurs en charge du périscolaire qui doivent s’organiser. Ils n’ont pas vraiment le choix: pour beaucoup d’enfants entre le CP et le CM2, ce match est sans doute le plus attendu de leur vie. Alors les empêcher de le regarder, comment dire…

Dans sa petite ville près d’Orléans, Yoan, responsable adjoint de l'accueil périscolaire, a bien senti qu’il fallait diffuser la rencontre.

"Dans le fond, ce n’est pas indispensable. Mais ce qu’on constate, c’est que certains ont la chance de rentrer chez eux après l’école, et d’autres non parce que leurs parents rentrent tard du travail. On ne va pas les priver d’un événement sympa qui se passe une fois tous les 4 ans. On essaie de profiter de cet événement pour faire un truc un peu fédérateur. On a fait des animations, quelques jeux autour du thème du mondial. Pour chaque match on a préparé des affiches qui présentent les adversaires de l’équipe de France".

"Ils sont inépuisables et peuvent chanter la même chose pendant une demi-heure sans s’arrêter"

Dans son établissement, il a même proposé aux parents de rester pour regarder ce France-Uruguay tous ensemble jusqu’au bout. "Certains vont rentrer chez eux à la pause parce qu’ils habitent à côté, mais c’est dommage de passer à côté de ces émotions, reprend Yoan. Sur les 60 enfants qui vont regarder, il n’y en a peut-être que la moitié qui s’y intéresse, mais le reste se laisse emporter. Les enfants crient et surtout ils chantent. C’est assez drôle d’ailleurs parce qu’ils sont inépuisables: ils peuvent chanter la même chose pendant une demi-heure sans s’arrêter". Devant le foot, ils sont même assez touchants. Le meilleur exemple vient d’ailleurs du pays qui affronte les Bleus samedi, où la vidéo d’une salle de classe exultant après un but de la Celeste dans les arrêts de jeu a fait le tour du monde.

Yoan ne s’en cache pas, ça l’arrange aussi un peu d’organiser la diffusion du match: "sans ça, je l’aurais vu sur mon smartphone du coin de l’œil, c’est moins marrant". C’est exactement ce qui va se passer pour Georges, 24 ans, animateur à Paris. Puisque l’école où il travaille n’a pas accès à la télé et que les activités qu’il mène sont censées se dérouler en extérieur, il a décidé d’adapter un peu le programme. Il regardera donc France-Uruguay sur son téléphone avec les 18 enfants de 6 à 11 ans dont il aura la charge. Pour lui, mais surtout parce qu'il se voit mal les priver de ça. "On a fait une déco spéciale dans le réfectoire autour de la Coupe du monde. Ils sont à fond avec leurs albums Panini depuis des semaines. J’ai même eu une plainte d’une enseignante qui trouvait les enfants très excités sur la fin d’année, et peut-être plus fatigués aussi parce que certains regardent les matchs tard à la maison".

Pourtant, les hommes de Didier Deschamps n'ont joué que dans la journée jusque-là.

"Peu importe l’équipe qui joue, assure Georges. On a regardé Brésil-Costa Rica (2-0), avec les buts de la Seleçao dans les arrêts de jeu. Ils ont couru dans la cour en criant pour célébrer ça. En fait, contrairement à certains adultes, ils ne sont pas stressés du tout, ils sont très insouciants, et ne prennent pas conscience de l’ampleur de l’événement. Ils voient les footballeurs comme des super-héros et regardent un peu ça comme un film. C’est plus du cinéma pour eux".

"Certains se souviennent encore de la défaite en finale de l’Euro 2016"

Et comme on peut se souvenir longtemps d’un film qu’on a vu enfant, un grand match peut aussi rester imprimer à jamais dans votre cerveau, même (surtout?) quand vous avez 10 ans. "Quoi qu’il se passe, ils pourront dire "je l‘ai vu avec tous mes copains à la garderie le soir", reprend Yoan. On a tous connus ce genre de matchs, donc eux aussi en garderont des souvenirs". "Moi j’aime bien regarder la Coupe du monde avec mon papa, enchaîne Geroges. Avec les enfants, on a regardé Allemagne-Corée du Sud (0-2). J’ai pu leur raconter tout ce que mon père à moi me disait sur Séville 82, ce genre de choses".

Attention, l’issue de ce match-ci a tout de même laissé des séquelles graves à toute une génération. Faut-il préparer les petits à l'élimination? "Une défaite ne va pas les décevoir énormément, ils en dormiront la nuit, croit savoir Georges. Ce n’est qu’un quart de finale, la déception serait sans doute plus forte en demi-finale. Et une finale ce serait sans doute pire: certains se souviennent encore de la défaite en finale de l’Euro 2016". "Lors de France-Pérou (1-0), c’était un peu serré, et c’est vrai que j’ai senti un peu d’angoisse chez eux, remarque Yoan. Cette fois, en cas de défaite, c’est possible que certains soient très déçus, mais honnêtement, pas tant que ça je pense. On leur dira que ce n’est pas grave et que ce n’est pas la fin du monde". Et qu’en plus, c’est le début des grandes vacances, donc ça compense.

Antoine Maes