Expulsions de migrants: la France sépare-t-elle les enfants de leurs parents?

Des images et des pleurs qui choquent l'opinion aux Etats-Unis. De notre côté de l'Atlantique, Donald Trump est sévèrement critiqué pour la "tolérance zéro" qu'il adopte face à l'immigration clandestine, provoquant le déchirement dans des familles, les parents étant placés en prison séparés de leurs enfants, eux-mêmes regroupés dans des centres. Si en France, l'administration ne sépare pas les familles de sans-papiers, les mineurs peuvent être placés en centre de rétention avec leur famille, dans l'attente de leur expulsion du territoire national.
305 enfants placés en rétention en 2017
Depuis le début de l'année, 37 familles dont 77 enfants ont été placées dans l'un des centres de rétention français, avant que les autorités ne procèdent à leur expulsion. Ils étaient 305 en métropole l'année dernière, soit près de huit fois plus qu'en 2013. "Un centre de rétention, c'est un lieu de privation de liberté", rappelle David Rohi, responsable de la rétention au niveau national à la Cimade. "Les familles sont dans un quartier réservé aux familles, mais il reste qu'il y a des barreaux aux fenêtres et des cours grillagées." A ces situations, il faut compter les quelque 4000 mineurs qui connaissent le même sort à Mayotte.
La France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme, saisie dans six affaires de placement en rétention de familles avec enfants avant expulsion. La juridiction européenne avait estimé que Paris violait l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme en dénonçant des "traitements inhumains ou dégradants". En 2012, la Cour de cassation avait toutefois tranché en faveur de "l'intérêt supérieur de l'enfant", estimant que "les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré".
Reste que pour les associations, l'expérience de la rétention, notamment pour les enfants, est traumatisante. "Ils peuvent développer de nombreux symptômes", explique David Rohi.
Cinq jours de rétention maximum?
Dans ce contexte, et alors que le sujet est confronté à l'actualité américaine, les sénateurs commencent ce mardi après-midi l'examen du projet de loi asile et immigration, adopté en avril par l'Assemblée nationale. Quelque 565 amendements devront être étudiés en trois jours, alors que le projet a été réécrit en partie par la commission des lois du palais du Luxembourg. Sur ce thème, "nous proposons que les mineurs accompagnants peuvent être placés dans un délai de cinq jours maximum", détaille François-Noël Buffet, sénateur du Rhône et rapporteur du texte. Le gouvernement a d'ores et déjà introduit un "amendement de suppression", alors que la loi prévoit un allongement de la durée de rétention de 45 à 90 jours. Le sénateur veut alors y voir une critique à ceux qui dénonce "un durcissement du texte" par la chambre haute.
Pour les associations, cette proposition part d'une bonne intention mais est loin de résoudre le problème de la rétention des mineurs accompagnant leurs parents qui, le plus souvent, ne restent que quelques jours dans les centres. "On va juste valider que cinq jours de rétention pour des enfants, ce n'est pas trop", regrette le responsable de la Cimade. "Cette proposition laisse entendre que cinq jours, ce n'est rien." Lui critique des placements pour répondre à "un confort administratif", alors que d'autres solutions sont envisageables et largement répandues, comme l'assignation à résidence. Il y a quelques jours, la Contrôleur général des lieux de privation de liberté a d'ailleurs publié un avis en ce sens.
"Une majorité de préfectures n'utilisent plus cette méthode, il faudrait la supprimer entièrement", conclut avec nuance David Rohi.