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"On laisse la facture aux communes": pourquoi l'expérimentation de l'uniforme à l'école a du plomb dans l'aile

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À peine quelques mois après le déploiement de la tenue unique dans plus de 200 établissements scolaires, plusieurs communes reculent. En cause: le coût de l'uniforme et le flou entretenu par l'État sur son financement pour la rentrée 2026.

Les uniformes dans les écoles, déjà de l'histoire ancienne? Lancée en septembre 2024 dans des établissements scolaires volontaires, du CP à la terminale, cette expérimentation avait été lancée en grande pompe sous l'impulsion de Gabriel Attal, alors ministre de l'Éducation nationale et largement encouragée par Emmanuel Macron. Elle aurait même dû être généralisé en 2026 sous réserve de résultats positifs.

Mais parmi les territoires qui ont accepté de se plier à l'exercice, certains ont déjà commencé à faire marche arrière, à commencer par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Son président Renaud Muselier a décidé d'arrêter les frais dans les deux lycées sélectionnés, faute de moyens. Même topo à Roanne (Loire) ou à Châteaurenard (Bouches-du-Rhône).

Une expérimentation à succès

Jusqu'ici l'expérimentation de l'uniforme scolaire, composée d'un polo bleu ou gris et d'un pantalon pour un montant total de 200 euros, était partagée à part égale entre l'État (200 millions d'euros) et la collectivité en charge de l'établissement scolaire.

Avec un vrai succès. Alors que le chef de l'État avait espéré qu'une centaine d'établissements scolaires testent l'uniforme, ils étaient finalement 204 à la rentrée dernière.

Philippe Basmadjian, proviseur du lycée professionnel de Labastide-Montréjau, dans les Pyrénées-Atlantiques, expliquait ainsi à RMC en décembre dernier "observer le bonheur des élèves avec la sensation de faire corps et de faire partie d’un groupe. Ils sont beaucoup plus impliqués dans leur établissement et il y a moins d'individualisme".

"L'uniforme plus facile à faire sauter que d'autres dépenses"

Mais, depuis le vote du budget 2025 dans la douleur, l'heure est aux économies. Quant aux collectivités territoriales, elles sont, elles aussi, sous pression budgétaire. Autant dire que pour elle, continuer à payer au moins la moitié du coût des uniformes scolaires, sans savoir exactement dans les prochains mois de combien sera l'engagement financier de l'État, n'a rien d'une priorité.

"On doit choisir là où on réduit nos dépenses. Et même si je le regrette, l'uniforme scolaire est plus facile à faire sauter que d'autres dépenses", avance Jean-Paul, vice-président de l'Association des maires ruraux, en charge de l'éducation auprès de BFMTV.com.

"Moi, soit je garde ma piscine ouverte le dimanche soit je m'occupe des uniformes. Le calcul est vite fait", renchérit un maire d'Île-de-France qui devrait très probablement d'abandonner le dispositif à la fin de l'année.

"L'État finit toujours par laisser la facture aux collectivités"

Renaud Muselier a lui aussi fait ses comptes. "Sans visibilité sur un éventuel soutien de l’État, il aurait été irresponsable d’engager 44 millions d’euros, soit le prix d’un lycée neuf, pour une généralisation de l'uniforme tous nos lycées régionaux", a expliqué le président de la région PACA auprès de La Provence.

Sa collectivité a dépensé pas moins 500.000 euros pour l’achat des uniformes pour l'année scolaire 2024-2025.

Commentaire d'un bon connaisseur des sujets éducation de l'Association des maires de France: "les bonnes idées de l'État, c'est bien mais à la fin, il finit toujours par se désengager et à laisser la facture aux collectivités".

Faut-il donc supposer que les territoires qui souhaiteront prolonger le dispositif à la prochaine rentrée scolaire, comme initialement prévu, se feront rares?

Le ministère promet de "réallouer les crédits" en cas de bilan positif

Du côté du cabinet d'Élisabeth Borne, on arrondit les angles, en rappelant d'abord qu'un premier bilan de l'expérimentation sera réalisé en avril. L'uniforme a-t-il amélioré le climat scolaire d'un établissement? Ce dispositif a-t-il permis de réduire le harcèlement scolaire? Réponse à ce moment-là.

Pour l'instant, cependant, il n'existe pas de consensus scientifique sur les effets de l'uniforme à l'école, qu'ils soient positifs ou négatifs.

"Au regard du bilan", s'il est positif, "le ministère réallouera sa part des crédits nécessaires au financement d'une suite de l'expérimentation", nous explique le ministère de l'Éducation nationale.

La porte-parole du gouvernement Sophie Primas tient, elle, un autre son de cloche. "L'État ne peut plus financer ça pour des raisons budgétaires", expliquait-elle mercredi sur LCI. "Je trouve regrettable que nous ne puissions pas aller au moins jusqu'au bout de l'année".

Rendez-vous avec Borne

Face à ce flou, les élus locaux affichent leur scepticisme. "L'État peut bien maintenir le budget à la fin mais il reste toujours la moitié de la facture à payer. Tout cela reste toujours beaucoup d'argent", décrypte Jean-Paul Carteret, maire de Lavoncourt (Haute-Saône).

Élisabeth Borne peut-elle changer la donne en remotivant certains élus si elle prolonge bien le budget alloué? Le maire de Nice Christian Estrosi qui a déployé le port de l'uniforme dans plusieurs écoles primaires de sa ville a demandé à s'entretenir avec la ministre de l'Éducation nationale avant de trancher.

Marie-Pierre Bourgeois